Par Teddy Arzuffi. 6 ans. Soit plus de 2 000 jours sans la moindre nouveauté produit à se mettre sous la dent chez DS. Une éternité dans le secteur automobile. Mais cette traversée du désert prend fin en ce début d’année 2018 avec un modèle attendu comme le Messie : le DS7 Crossback. Design, qualité perçue, contenu technologique... Et si le probable succès de ce modèle repose sur des ressorts indépendants de l’automobile ? Explications.
En ce début de mois de février, je décide de me rendre à l’exposition de concepts cars aux Invalides à Paris. À cette exposition éphémère cohabitent concepts cars, voitures anciennes et nouveautés tels que le Range Velar, Jaguar E-Pace et... le DS7 Crossback. Cela faisait un moment que je voulais parler de ce véhicule mais je me trouvais dans une impasse puisque je n’avais jamais pu le voir en vrai. Si j’évoque ceci, c’est que cela a son importance car j’ai été agréablement surpris : le DS7 Crossback dégage une bien meilleure impression en « vrai » que sur les vidéos ou sur du papier glacé.
Seulement, 9 ans après le début de l’aventure DS, force est d’admettre que le bilan est mitigé. Le succès de DS en Europe occidentale repose essentiellement sur les épaules de la DS3, qui commence à accuser le poids des ans. Et pour ce qui est de l’Empire du milieu, premier marché mondial, la gamme actuelle ne trouve pas vraiment preneurs. Essayons donc d’analyser sur quoi DS mise pour réussir à se relancer.
Un véhicule pensé et conçu pour revendiquer un positionnement premium
Contrairement aux DS3, DS4 et DS5, le D7 Crossback est un véhicule qui a été conçu en toute indépendance vis à vis de Citroën et dans l’optique d’être à la hauteur des SUV Audi ou Volvo par exemple. Si une telle démarche a pris du temps, elle semble porter ses fruits. En effet, LA grande critique adressée aux constructeurs français s’essayant au segment premium, à savoir le manque de contenu technologique, ne peut pas être appliqué en l’espèce.
Avec le DS7 Crossback, DS a appris des erreurs du passé en dotant son SUV, entre autres, d’une vision de nuit avec caméra infrarouge, d’un détecteur de somnolence, d’une caméra scannant la route et améliorant donc l’amortissement piloté ou d’un dispositif de conduite semi-autonome via une aide au maintien de voie. Le tout sans oublier l’arrivée d’ici 2019 d’une version essence hybride rechargeable avoisinant les 300 chevaux.
Ce DS7 Crossback semble donc bien né et armé pour pouvoir se défendre dans un segment des SUV premiums bien encombré. Mais cela est-il finalement suffisant ? S’il dispose d’arguments solides, ils sont somme toute assez basiques et ne se démarquent pas radicalement de ce que propose la concurrence. De plus, quand on achète Mercedes, BMW, Volvo ou Audi, le client dans son inconsicent sait qu’il achète un produit de qualité, mais également une marque au passé glorieux et dotée de modèles légendaires. Or, DS est une marque naissante qui par nature ne possède pas de passé. Ainsi, comment ce DS7 Crossback peut-il faire pour réussir à se faire une place chez les constructeurs premiums ?
La carte du luxe à la française
À bien y regarder, cette voiture n’a forcément pour objectif de plaire d’abord aux européens puis au reste du monde. Mais l’inverse. Le DS7 Crossback a en effet été conçu comme étant une voiture mondiale, voire même asiatique. En cette décennie, les constructeurs automobiles ne réalisent plus forcément des véhicules pour plaire aux européens ni pour plaire forcément aux amateurs et passionnés de l’objet automobile. Les volumes et les enjeux sont ailleurs et notamment en Asie, dont en Chine.
C’est donc la principale impression que m’a laissé ce DS7 Crossback suite à notre première entrevue. Ce SUV ne s’adresse pas forcément à l’amateur automobile. À l’analyser dans le détail, il a été conçu, imaginé et marketé pour se vendre sur le marché asiatique en provoquant l'inconscient des consommateurs asiatiques. DS souhaite s’imposer non pas grâce à un produit automobile moderne et aboutit mais grâce à son identité et sa provenance : la France. Le DS7 Crossback est là pour faire vendre la France et inconsciemment Paris, capitale du luxe et de la mode. Cet argument, pour nous, franchouillards râleurs et critiques envers tout ce que nous faisons, peut faire sourire. Mais à y regarder de plus près, l’évocation du luxe français est présent à tous les niveaux sur ce véhicule.
Tout d’abord, dans son regard, le DS7 Crossback opère un clin d’oeil à la joaillerie française : ses blocs optiques intègrent des phares tournants dont la cinématique et surtout le dessin évoquent des diamants incorporés à des bijoux de luxe. L’horlogerie n’est pas en reste puisque trône en haut de la console centrale, au milieu des aérateurs, une montre réalisée en collaboration avec l’horloger BRM. Le choix des noms des habillages de l’intérieur n’est non plus pas anodin. En effet, pour le choix des coloris et des cuirs de l’habitacle, DS propose des « inspirations » aux noms évocateurs de « Rivoli », « Bastille » et « Opéra ».
Dernier argument pour étayer ce propos, la campagne publicitaire lancée depuis le 4 février. Le clip publicitaire, tourné de nuit, dans les rues de la ville lumière, met en scène le DS7 Crossback devant la fondation Louis Vuitton, la Tour Eiffel ou encore le Louvre et sa pyramide, le tout accompagné d’une musique de fond qui n’est rien d’autre qu’une version revisitée de la Marseillaise.
DS, amputée d’un passé et partant d’une feuille blanche, ne souhaite donc pas forcément vendre un véhicule, mais un produit de luxe à la française, stéréotype des quartiers chics parisiens. Ce qui est, finalement, typiquement ce que les chinois imaginent inconsciemment de la France.
Une stratégie forcément gagnante ?
À vouloir coller au plus près des exigences des consommateurs asiatiques, DS n’a t-il pas pris le risque de réaliser un véhicule trop caricatural pour le reste du monde, notamment en Europe ? En effet, certains observateurs doutent des capacités du DS7 Crossback de percer sur le vieux contient. Mais l’aventure DS pourra t-elle être considérée comme une réussite si son SUV ne parvient pas à s’imposer sur le marché historiquement le plus exigeant en automobile ?
Parmi les raisons qui permettent de douter, il est possible d’évoquer la concurrence interne avec le Peugeot 3008, dont le DS7 Crossback reprend la plateforme ainsi qu’une partie des motorisations. Le SUV du lion profite du dynamisme actuel de la marque en proposant un design extérieur moderne ainsi qu’un habitacle aussi original que valorisant. L’opération de montée en gamme de Peugeot entamée depuis le début de la décennie, plus discrète mais visiblement plus concrète que DS, commence à porter ses fruits puisque des clients de Range Rover Evoque ou d’Audi Q3 osent franchir le pas des concessions Peugeot en achetant le SUV sochalien.
Il est également possible d’évoquer la renaissance de Volvo, pouvant poser la question de la capacité de DS de devenir un acteur incontournable dans le segment premium. En effet, le constructeur suédois propose depuis l’arrivée du dernier XC 90 une identité stylistique qui lui est propre et moins germanisée que chez DS.
De plus, Volvo sait dessiner des habitacles originaux, luxueux et chaleureux, signant clairement l’identité de la marque. Moins clinquants et plus épurés que chez DS, mais probablement plus valorisants.
En se relançant, Volvo n’est pas arrivé avec la promesse commerciale de vendre du luxe ou la capitale d’un pays. Cette humilité ne semble pas lui avoir porté préjudice puisque les dernières productions suédoises sont parvenues à s’imposer comme des alternatives crédibles au trio germanique. DS, qui ne cesse de recourir à des clins d’oeil au luxe n’a t-il donc pas poussé le curseur trop loin, n’est il pas trop présomptueux et ne prend t-il pas le risque de survendre un produit premium certes, mais peut-être finalement trop clinquant et trop immature pour le consommateur européen pour être véritablement considéré comme une marque haut de gamme ?
Pour que DS puisse se relancer, le DS 7 Crossback se doit d’être un succès commercial global, c’est-à-dire sur l’ensemble des marchés où il est commercialisé. Mais peut-être qu’à nos yeux d’européens, DS a trop laissé une place décisionnelle trop grande au marketing dans la conception de son SUV. Si cela peut affecter l’enthousiasme des amateurs et des passionnés d’automobile, une chose m’a quand même réconforté : baisse de la limitation de vitesse, augmentation de la taxation des carburants, pollution...
La bagnole est certes attaquée, mais vu le monde présent aux Invalides en ce samedi de février, la bagnole fait toujours rêver !
L’avis des Petits Observateurs
Soyez le premier a commenter
Se connecter ou s'inscrire pour poster un commentaire