Les Essais de Patrice • Matra

Matra Djet V : Alpine m'a tué

Patrice Vergès. Initialement destiné à la piste, le Djet civilisé a été produit en petite série à près de 1 700 exemplaires entre 1963 et 1968 sous deux marques. POA vous invite à vous glisser souplement à bord d'un Djet Luxe 1966 strictement de série qui n'a pas succombé à la mode des jantes larges.



Les photos ne permettent pas de se rendre compte qu'un Djet est minuscule comparé à nos voitures actuelles avec 1,20 m de haut et 1,50 m de large

Par rapport à la première version Bonnet, l'arrière tronqué avait été allongé de 40 cm



Ce modèle qui s'étale sous vous yeux est encore chaussé de ses grandes roues originelles avec ses ailes étroites avec en prime une option rarissime sous forme d'un toit ouvrant amovible permettant de mieux ventiler l'habitacle car on crevait de chaleur dans un Djet. On crevait de chaleur parce qu'il fut l'une des première voiture à moteur central générateur de calories situé carrément dans l'habitacle avec en prime la réverbération du soleil sous la bulle arrière vitrée. Assurant une répartition idéale des masses, ce moteur central lui permettait d'offrir une tenue de route digne des meilleures voitures de sport de son temps.



Cette rare version est équipée d'un toit amovible qui se range dans le coffre arrière

Le capot s'ouvrait latéralement pour faciliter le ravitaillement aux stands car le Djet avait été initialement dessiné que pour la course



"J'ai attendu 40 ans "

Pour Bernard, ce minuscule coupé est un rêve de jeunesse. " A 20 ans en 1966, j'ai craqué en voyant une Matra Djet ! Quelle beauté. J'ai dû presque attendre 40 ans avant d'en trouver une en 2002. Elle n'avait plus de moteur et avait été dépouillée de tous ses accessoires. La coque en polyester en mauvais état peinte en vert pomme était désolidarisée du châssis mais elle était proposée au prix très raisonnable de 1000 euros. Il y avait du travail ! "

Pendant près de deux ans, Bernard remonte son Djet. Il déniche un moteur 1300 cm3 plus puissant trouvé sur une Estafette qu'il prépare, refabrique un échappement spécifique, refait la suspension montée..... à l'envers à l'avant, déniche toutes les pièces spécifiques introuvables de l'intérieur, refait faire les sièges, fabrique un tableau de bord en teck, change le pare-brise (celui de l'Alfa SS), découvre une rare bulle arrière, refait faire tout le polyester en renforçant la caisse qu'il fait repeindre rouge Ferrari.

Plus de 50 000 km en Djet !

" Je ne possède pas de voitures modernes et je ne roule qu'avec mes anciennes" explique ce passionné dont le garage est une mine d'or pour un collectionneur. " J'ai dû parcourir plus de 50 000 km au volant de mon Djet toujours avec infiniment de plaisir. Il marche encore très fort et dépasse 180 km/h, tient super bien la route, consomme peu et ne chauffe pas. Son seul défaut est la chaleur dans l'habitacle supérieure de 5 degrés à celle extérieure. L'opercule du toit qui se glisse dans le coffre le rend plus agréable l'été. Il y a aussi le bruit du moteur très élevé mais ça fait partie du charme ! ".



La version Luxe se distinguait par sa planche de bord en bois reconstruite par Bernard

Minuscule levier de vitesses commandant une boîte à 4 rapports seulement empruntée à l'utilitaire Estafette





Batterie de cadrans pour surveiller la vie du petit 4 cylindres qui se fait entendre très fort dans le minuscule habitacle.

Malgré l'allongement de l'arrière, le volume du coffre à bagage reste succinct car celui de l'avant est occupé par le radiateur d'eau et la roue de secours ainsi que le réservoir



De Bonnet à Matra

Né en 1962 sous le nom de René Bonnet, marque reprise par Matra fin 1964, le Djet avait bénéficié de nombreuses améliorations portées par Claude Bonnet, fils du créateur. Ses voies avaient été élargies de 10 cm pour améliorer encore sa tenue de route, son arrière allongé de 40 cm pour offrir un espace à bagages plus généreux et sa finition améliorée notamment sur le modèle luxe à planche de bord en teck D'ailleurs, c'est en 1966 que la jeune firme Matra en construisit le plus avec près de 1 000 exemplaires soit presque trois fois plus que sa concurrente, la Berlinette Alpine ! Hélas, il n'a pas laissé la même empreinte dans l'histoire de la voiture française sportive. Matra qui avait beaucoup d'ambitions ne croyait pas à ce coupé trop radical et peu habitable qu'il remplaça par la 530 2+2 plus commerciale qui, sans avoir tous ses défauts n'en n'avait pas toutes ses qualités. Ce fut d'ailleurs un demi-échec. Le Djet aurait mérité bien mieux que la destinée brisée trop rapidement par Matra début 1968 avec moins de 1 500 voitures produites auxquelles il faut ajouter 200 René Bonnet à arrière court.

Spartiate

Pénétrer dans les 1,20 m du Djet exige une belle souplesse et il n'a pas beaucoup de place pour étendre ses coudes ni ses jambes et le mince siège baquet ne supporte pas la surcharge pondérale. Mais ce n'est pas un problème pour Bernard au corps d'ado qui lance le petit 1289 cm3 qui jappe méchamment dans les oreilles. Sonorité bien présente de voiture de sport, direction très précise commandée par un mini-volant type monoplace, minuscule et ferme levier de vitesses, suspension dure qui exige une colonne vertébrale en bonne santé, bouffées l'huile chaude et d'essence au sein de l'habitacle, le Djet met immédiatement dans l'ambiance et rappelle qu'il avait été conçu que pour la compétition d'où se dimensions les plus réduites possible.



Le moteur en position centrale est monté dans l'habitacle. D'origine, il s'agissait d'un 1108 cm3 d'origine R8 remplacé par un 1300 cm3 plus puissant

Avec environ les 70 chevaux DIN de son moteur plus puissant que le 1108 cm3 originel, grâce à son impressionnant CX de 0,28 le Djet V de Bernard déchire l'air à près de 180 km/h. La version VS 85 ch DIN à deux double carburateurs pointait à 185 km/h tandis que l'ultime Jet 6 ( sans D) à bloc 1300 de R8 Gordini riche de 90 ch, flirtait avec 195 km/h. C'était une autre époque où on avait l'ivresse de la vitesse et pour cette raison, le Djet avait un charme fou. Lorsque la silhouette fuselée d'un Djet passait dans la rue, elle détournait autant les regards envieux des amateurs de sportives que celui plus inquisiteur de leur compagne se demandant quel genre d'homme pouvait être un conducteur de Djet. Pour vivre à deux avec un Djet, il suffisait de compter seulement jusqu'à trois !



Bernard au volant de son Darmont 3 roues, deux autres voitures se cachent dans le capharnaüm de son garage ! levez les yeux, une Simca Rallye 2 est accrochée au plafond !



En 1965, Matra a offert un Djet au célèbre astronaute russe Youri Gagarine en visite à Paris
 

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Mardi 23 juillet 2019

L’avis des Petits Observateurs

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