Par Patrice Vergès. Entre 1954 et 1964, le constructeur automobile français Facel a produit des coupés de prestige à vocation sportive. Avec son gros moteur V8 d'origine américaine, la Facel Vega HK500 était l'une des voitures les plus rapides de son temps.
Après avoir embouti des dizaines de milliers de carrosseries (Ford, Panhard, Simca) pour les autres, l'industriel Jean Daninos souhaita produire sa propre voiture de prestige. Hélas, ne trouvant pas de motorisations suffisamment puissantes en France, il se tourna vers les USA où Chrysler lui proposa un moteur V8. Au salon de Paris 1954, il dévoila ce coupé sportif baptisé Facel Véga. Facel était le nom de sa société tandis que le nom de l'étoile Véga avait été choisi par son frère, le célèbre écrivain Pierre Daninos auteur " des carnets du major Thomson".
5 kilos par cheval à tracter !
Ce premier coupé était mu par un V8 de 4,5 l délivrant 180 ch. Mais rapidement le coupé FV évolua dans des versions plus puissantes jusqu'en 1958. Époque où vit le jour une version rajeunie au plan esthétique et mécanique nommée HK500: sigle dû à son rapport poids-puissance exceptionnel signifiant horse-kilos. En effet, malgré ses 1700 kilos la vide, grâce aux 360 ch SAE délivrés par son colossal 5,9 l Chrysler puis 6,3 l, ce coupé n'avait que 5 kilos à tirer par cheval !
En 1958, la HK500 proposait des performances dignes des meilleures Ferrari et Aston Martin avec 230 km/h et des accélérations foudroyantes. Produite en petite série au rythme d'une centaine de voitures par an, les Facel n'étaient pas les voitures de monsieur tout le monde : par leur fiscalité (37 CV) leur consommation (15 à 30 litres aux 100) et leurs tarifs. Début 1960, date de sortie de la HK 500 de Bernard, ce modèle coûtait 44 000 francs, somme qui correspond à environ 150 000 euros actuels. Mais c'était moins cher qu'une Aston ou Ferrari.
Macadam stars !
Majoritairement exportée aux USA, elle séduisit des acteurs comme Ava Gardner et Tony Curtis, des chanteurs (Ringo Star) des PDG, ministres et des chefs d'État comme le Shah d'Iran, le roi du Maroc ou des ambassadeurs et autres célébrités.
Après avoir été produite à 490 exemplaires en 3 ans, la HK 500 s'effaça au profit de la Facel II encore plus belle, encore plus rapide (240 km/h) encore plus puissante avec 390 ch. Mais c'est une autre histoire pour une prochaine fois....
Vous connaissez Bernard ? Vous l'avez découvert sur POA, cet hiver, où il nous a présenté sa Ford Comète et Simca Chambord. Bernard est amoureux du son du moteur V8. Avant de nous faire grimper dans sa Facel qui nous attend à l'ombre de son jardin, il nous fait auditionner la musique tranquille du gros 4 litres de sa Ford Vendôme puis le 2,3 l de sa Simca Versailles. Un doux murmure soyeux au ralenti.
C'est du brutal !
Ce n'est pas la même chanson avec la HK500 qui fait plutôt dans le brutal. "Elle me fait peur " avouera t-il au cours de l'essai. En effet, la sienne est équipée d'une boîte automatique Chrysler à 3 rapports dont il est difficile de doser l'accélérateur au démarrage. Les roues patinent furieusement et la voiture avance par bonds agressifs. " Je dois garder le pieds sur le frein et avec la direction hyper dure (pas assistée), c'est pas facile de faire un créneau et il faut être bien droit avant d'accélérer sur la route". Sous le capot, le colossal V8 de 6,3 l gronde et éructe à souhait. Déjà rien qu'en l'écoutant, on se sent tout petit. Mais avant d'aller lui dégourdir les jantes, une Facel se visite comme le château de Versailles.
L'œil est aimanté par sa silhouette épaisse. Cocktail antinomique très inspiré des formes en douces rondeurs de la Comète avec davantage d'agressivité due à sa calandre gourmande en trois parties dont une verticale. Une ligne d'où sourdent la puissance et aussi l'élégance. Mais c'est peu de choses face à l'habitacle tendu de cuir dont l'âme reste cette fantastique planche de bord surchargée de cadrans (tachymètre gradué jusqu'à 260 km/h). Tout le monde sait que contrairement aux apparences, elle n'est pas en bois précieux mais est en tôle. C'était peint à la main en plusieurs jours par le chef peintre de l'usine de Dreux nommé Marcel Bigot.
C'était mon rêve !
" Tu sais que j'aime les V8", m'explique Bernard." Je rêvais d'une Facel Vega depuis longtemps mais ce n'était pas dans mes prix. Puis en 2005, j'en ai trouvé une à Montauban. C'est celle-là mais pas dans cet état. Il s'agissait d'une voiture originalement de couleur blanche vendue en décembre 1959 à l'importateur Hoffmann aux USA. C'est ce qui explique sa boîte automatique plutôt que mécanique à 4 rapports Pont à Mousson. Rapatriée en France en 1990, elle avait été repeinte en gris et noir et avait vu son intérieur en cuir beige d'origine refait en cuir rouge. J'ai fais refaire la mécanique, la boîte à vitesses Torqueflite, les freins à tambours, rajouté un servo et remis à neuf la suspension, le train avant et beaucoup d'autres choses. Quand on achète une HK500, il faut absolument qu'elle soit complète car on ne retrouve plus les pièces. L'Amicale Facel qui regroupe 650 membres dans le monde entier et qui est propriétaire du nom en fait refabriquer quelques-unes et moi je trouve tout en Hollande chez un spécialiste de la marque".
Ah, la Facel II !
Bien sûr, on parle argent. Bernard s'en fout comme de son premier V8 car il ne la vendra jamais. Aujourd'hui, une belle HK500 selon son état se vend 150 à 200 000 euros. Il y a une clientèle. Mais je ne veux pas le vendre. A la question. "Une Facel II ne te plairait pas ? ". Il hésite, grimace et avoue que oui mais là c'est plutôt du 300 000 euros !
Le gros V8 est chaud, et il est temps de l'essayer. Direction en béton et freins en acier. " Pourtant tout est neuf, il faut freiner en 3 fois pour qu'elle s'arrête". Quelques mois plus tard après la sortie de la sienne, la HK500 accueillait des freins à disques Dunlop plus puissants que les gros tambours en alliage du modèle Excellence 4 portes montés d'origine sur sa monture.
Dans l'habitacle le gros V8 respire lourdement et à chaque accélération où elle se tasse sur son essieu, la prise d'air du capot se dessine à travers le pare-brise qui offre une étonnante vision ininterrompue grâce à ses montants inversés. " Je l'ai montée à 180 km/h mais je n'ai pas osé aller au delà ! A cette allure, elle avale facilement ses 30/35 litres aux 100 contre 20 si tu roules gentiment. D'ailleurs tu remarques, on ne rétrograde jamais, il suffit d'accélérer en 3eme et ça report très fort" dans un gros glougloutement.
Conduite virile
Si Daninos soignait l'esthétique et la mécanique, il s'intéressait moins au train roulant. La HK500 et la Facel II péchaient par un essieu rigide à ressorts à lames sans guidage qui manquait de sophistication pour passer autant de chevaux au sol. Il fallait être des pilotes comme Stirling Moss et Maurice Trintignant possesseurs de HK500 pour la pousser à plus de 200 sur les nationales d'alors. On se souvient aussi que c'est dans la HK500 de son éditeur que l'écrivain Albert Camus à trouvé le mort.
Pour élargir ses ventes, Facel lança en 1960 un plus petit modèle appelé Facellia à moteur 1600 cm3 d'origine française. Son manque de mise au point coûta une fortune en garantie à la firme qui dut cesser ses activités juste 10 ans après avoir vu le jour et produit 2900 voitures dont environ 1600 4 cylindres Facellia et Facel III Volvo. Daninos tenta plusieurs fois de redonner vie à sa marque notamment en 1996 mais en vain.
Une petite anecdote privée. Après avoir commis quelques articles sur Facel, Daninos souhaita me rencontrer. Un décès familial m'empêcha d'honorer son rendez-vous et il ne me parla plus jamais. A sa mort à 95 ans en 2001, je publiai un grand article dans le Figaro sur cet homme exceptionnel. Son frère, l'écrivain m'écrivit une lettre qui reste l'une des plus chaleureuses reçues en 40 ans de carrière avec ces mots. " Sil avait vécu quelques minutes de plus, il en eut été heureux ! " (Merci Michel Revoy de l'Amicale Facel pour son aide)
L’avis des Petits Observateurs
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