Par Patrice Vergès. Peut-on imaginer en 2017 ce que pouvait représenter en 1952 la vision d'un coupé Ford Comète se déplaçant dans l'environnement sonore de ses 8 cylindres ? On s'arrêtait pour la regarder passer !
Au volant de la Chambord, avec dans les oreilles le concert de ses huit cylindres, je suis des yeux, la Ford Comète de Bernard qui me précède. Il y a des dizaines d'années que la vision de sa silhouette ronde s'était diluée dans ma tête. C'est comme si une image de mon enfance se matérialisait en sortant de mon esprit pour apparaître face à moi. Curieuse sensation.
On peut trouver une certaine lourdeur au style de cette voiture, aujourd'hui, mais il faut savoir que fin 1951 lorsque ce coupé a été dévoilé, roulait encore en France une majorité de véhicules datant d'avant-guerre et surtout de Traction Avant et de 4 CV Renault. Avec ses vastes surfaces vitrées, son pavillon très profilé, sa bouche gourmande, ses grosses roues flasquées, la Ford Comète faisait songer à une voiture sportive de hautes performances. Elle en avait la forme, la cylindrée, le son mais hélas pas le goût.
Ford France pas US !
Aux débuts des années 50, Ford US désirait se défaire de sa filiale française de Poissy qui perdait de l'argent. Victime de la fiscalité trop élevée de son moteur V8 pas adapté au climat économique d'alors, la Vedette à l'esthétique déjà démodée se vendait mal. Le patron français François Lehideux n'avaient guère les coudées franches ni beaucoup d'argent. Néanmoins, il décida d'élargir la gamme en proposant un coupé adaptable facilement au châssis séparé de la Vedette. Décision prise sans prévenir les Américains qui prirent très mal son initiative en le mettant peu après à la porte même s'ils tombèrent sous le charme de cette voiture.
A partir d'un dessin de la Stabilimenti Farina, réalisé par Aristo, cousin germain de Pinin Farina, Lehideux proposa à Jean Daninos de Facel Metallon qui travaillait déjà en sous traitante pour Panhard, Simca et Ford, de construire ce coupé en petite série. Lancé fin 1951, ce coupé fut baptisé Comète, nom trouvé par le frère de Jean, l'écrivain Pierre Daninos (les carnets du major Thomson) qui inventa, dans le même esprit, aussi celui de Véga pour les Facel. Mais c'est une autre histoire...
60 à 70 000 euros actuels.
Si sa silhouette fut l'unanimité, les premiers clients furent pas mal déçus. Animée par le vieux V8 de 2,1 l de la berline délivrant 66 ch seulement, la Comète se permettait d'être moins nerveuse (boîte à 3 rapports) que la berline déjà pas réputée pour être un foudre de guerre. Ses 132 km/h n'étaient pas exceptionnels pour sa cylindrée et surtout en inadéquation avec sa silhouette agressive et son bruit évocateur de puissance. Précisons que la Comète coûtait 1,5 millions de francs en 1952, soit 50 % de plus la berline Vedette ! Le tarif de quatre 4 CV Renault. (Environ 60/70 000 euros actuels).
Conscient des lacunes, Ford affuta un peu son vieux V8 en portant sa cylindrée à 2,3 l et sa puissance à 80 ch (le groupe de la future Versailles) tout en renforçant son freinage médiocre. Désormais, la Comète frisait les 140 km/h et disposait surtout de meilleurs relances grâce à la boîte optionnelle Cotal électromagnétique à 4 rapports facturée 100 000 francs ( 5 fois le smig !).
Mais globalement avec plus de plumage que de ramage, la Comète ne trouva pas sa clientèle puisque seulement 2265 furent produites en trois ans. La tentative de monter un plus gros moteur de 4 litres (celui du camion Ford Cargo) poussée à 105 ch (150 km/h) ne fut pas un succès à cause de ses 22 chevaux fiscaux, ses 20 litres aux 100 et son manque de modernité.
Nous avons précédemment évoqué Bernard en traitant de sa Chambord. Passionné de Ford Simca françaises, il en possède neuf exemplaires dont cette rare Comète, la 759eme de la série vendue en mai 1953 et acquise dans les années 90.
En mémoire à son père
"Enfant, je n''ai roulé à l'arrière des Ford V8 possédées par mon père qui n'était pas très riche. Il rêvait d'une Comète, tous les samedis, en croisait une, une version Monte Carlo 22 ch de couleur motte de beurre comme celle-ci. Mon père et son conducteur se saluaient J'ai trouvé ce modèle que j'ai fais entièrement restaurer et repeindre de la même couleur. C'est la voiture que mon père aurait voulu avoir au milieu des années 50 !".
Bien sûr, la sellerie a été refaite conforme à celle de l'époque et luxe du luxe, la boîte à 3 vitesses d'origine a laissé la place à fameuse Cotal électromagnétique dont les 4 vitesses se passent du bout du doigt par le fameux " moutardier". Une transmission semi-auto qui, grâce à un meilleur étagement transfigure le V8 de 2,3 l d'origine mais refait sur l'exemplaire de Bernard presque en état concours. " Avec la Comète, j'ai parcouru en 20 ans presque 40 000 km. Elle m'a toujours emmené sans une panne aux quatre coins de l'Europe. C'est la plus belle des Ford françaises et c'est surtout la voiture que mon père n'a jamais eue."
Dans la silhouette de la Comète réalisé par Facel, se dessine déjà la future Facel Vega à moteur V8 Chrysler. Quand on aime la Comète, on ne peut qu'adorer une Facel Véga. Ça tombe bien car une HK500 nous attend dans son garage avec sous le capot le gros V8 de 6,4 l et 390 chevaux pour POA. Bientôt.
L’avis des Petits Observateurs
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