Par Patrice Vergès. Un livre récent sur Simca m'a étonné sur l'intérêt que la jeunesse portait à cette marque disparue sous le nom de Talbot. L'Ariane est un modèle trop souvent ignoré dans l'histoire de cette firme et c'est très injuste.
Pourquoi cette omission ? Certainement parce que l'Ariane n'est pas tout à fait une vraie Simca, cocktail entre la carrosserie de la grosse Vedette Simca née Ford et le petit moteur de l'Aronde.
Le début de 1957 fut une année épouvantable pour l'automobile française. L'embargo sur le pétrole né de la fermeture du canal de Suez qui imposa des bons d'essence (20 litres par mois sauf pour les médecins et les curés !), fit plonger la vente des grosses cylindrées plus énergivores. Ajoutez la nouvelle vignette destinée "au vieux" qui massacra les plus de 11 chevaux fiscaux. Doublement touchée, avec ses 13 litres aux 100 et ses 13 chevaux fiscaux, la Simca Versailles connut un effondrement de ses ventes cette année là. On sait que Simca en reprenant en 1954 à Ford l'usine de Poissy avait hérité de cette vaste berline dessinée aux USA destinée à la France. Concurrente de la Citroën DS, ce haut de gamme avait trouvé sa clientèle séduite par son esthétique valorisante, sa finition un peu tapageuse et la sonorité soyeuse de son petit V8 de 2,3 l né dans les années 30 chez Ford US.
De 80 ch à 48.... !
Pour élargir ses ventes, le bouillant patron de Simca eut l'idée de glisser dans la vaste caisse de la Versailles ou plutôt de la Trianon, version monocolore et largement déchromée, le 4 cylindres de 1290 cm3 du modèle Aronde à la place du gros V8 Ford ce qui semblait osé. On s'attendait au pire mais ce fut le meilleur.
Incontestablement avec 48 ch SAE (40 DIN) contre 80 et une cylindrée presque deux fois moins moindre, l'Ariane n'était pas un foudre de guerre. Mais elle était vaste (4,52 m) en accueillant six personnes un peu tassées sur ses plates banquettes avec un coffre gigantesque. Arguments très porteurs en 1957. Elle était séduisante au plan esthétique avec ses vastes surfaces vitrées illuminant une silhouette flatteuse de petite américaine alors très mode. Elle était économique avec une consommation moyenne de 9 litres aux 100 km et sa petite vignette de 7 CV contre 13. Née au bon moment, c'est à dire en mai 1957, baptisée "voiture de crise " elle remporta un succès inespéré puisque sa production dura jusqu'en 1963 avec près de 160 000 voitures produites (caisse fabriquée par Chausson)
" C'est toute ma vie "
Les photos que vous avez sous les yeux signées de l'excellent journaliste Hugues Chaussin qui travaille au magazine Gazoline montrent l'état exceptionnel de ce modèle. Cette Ariane a été achetée neuve en février 1959 par René qui l'a conservée de nombreuses années et ne s'est jamais résolu à la vendre malgré l'achat d'une 1307 en 1977. Né en 1962, son fils Jean a toujours connu les places arrière de l'Ariane familiale. " Nous voyageons à six avec mes parents, mes grands parents et ma sœur qui a d'ailleurs appelé sa fille Ariane " explique notre passionné qui occupe plusieurs fonctions au sein du bureau du dynamique "Club Vedette France". "Mon père René s'est marié avec cette voiture, j'ai été baptisé avec et me suis marié aussi avec ". Cette Ariane n'a jamais été restaurée et avoue près de 200 000 km avec un moteur qui a été changé suite à une bielle coulée lors d'une sortie.
Soulevons le vaste capot où le 1290 cm3 Flash de l'Aronde flotte un peu dans un compartiment prévu pour le V8. En perdant 1000 cm3, l'Ariane avait gagné une boîte à 4 vitesses de l'Aronde contre 3 seulement pour le Vedette qui lui permettait de ne pas se montrer trop apathique en reprises et de friser les 120 km/h contre 130 km/h pour l'Aronde et 135 km/h pour la 403.
Montée en puissance
Pour lutter contre la Peugeot 403-7 plus puissante, Simca fit grimper sa puissance jugée un peu juste pour ses 1050 kilos, d'abord à 52 ch puis 62 ch en 1961 en adaptant le nouveau Rush Super de l'Aronde Montlhéry. Elle fêta cet exploit en parcourant 200 000 km à plus de 100 km/h de moyenne sur le circuit de Miramas. Moteur plus en adéquation avec son volume qui relança ses ventes bien que sa carrosserie d'origine américaine n'était plus à la mode cubique des sixties.
En perdant son gros moteur, ô paradoxe, l'Ariane avait même gagné des qualités. Grace à une meilleure répartition des masses, elle tenait mieux la route que sa mère génitrice, sa direction plus légère la rendait plus agréable à conduire et sa mécanique était plus robuste. Qualités qui en feront la monture préférée des cascadeurs équilibristes qui en massacreront des milliers. Heureusement que des passionnés comme René et Jean ont réussi à sauvegarder leur Ariane, voiture qui mérite d'être connue et reconnue comme une vraie Simca.
L’avis des Petits Observateurs
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