Par Patrice Vergès. Il y a 25 ans, la Renault Twingo première génération voyait le jour. En plus d'être magnifiquement innovante, étonnamment astucieuse, absolument maligne, elle était formidablement sympathique particulièrement grâce à son nom rigolo de Twingo. Retour sur émotion.
Début 1993, lorsqu'elle fut effectivement lancée, pendant quelques semaines, rouler en Twingo provoquait généralement un attroupement lorsqu'on se garait. Parfois des personnes vous arrêtaient carrément dans la circulation pour mieux la contempler. Sa silhouette monovolume, sa bouille de batracien étonné provoquaient autant l'enthousiasme que la sympathie, la curiosité et rarement le rejet. Quelques mois plus tôt, au Mondial de l'Automobile 1992, la foule s'était ruée autour de cette nouveauté en rendant quasi-impossible son accès à bord.
Astucieuse
Lorsque je l'ai essayée, enveloppée des fumerolles de Lanzarote aux Canaries, comme mes confrères, ses qualités et ses astuces m'ont séduit, j'écrirai enthousiasmé. On nous avait fait rouler à quatre pour nous démontrer l'étonnante habitabilité de cette citadine ne mesurant que 3,43 m. Grace à sa banquette coulissante transformable en couchette, son coffre modulable n'était pas ridicule. En plus la voiture était agréable à conduire et confortable. Le seul bémol de la presse spécialisée vint de son équipement succinct et de sa mécanique âgée de 30 ans. Beaucoup avaient écrit qu'elle était mue par le moteur de la 4CV Renault ce qui était exagéré. C'était le Cléon Fonte 5 paliers né avec la R8 en 1962 dans une cylindrée de 1239 cm3 délivrant 55 ch souples et généreux.
L'intérieur valait l'extérieur grâce à sa forme de petit monospace accroissant le volume intérieur. Concept quasi-inédit en 1992 que Citroën n'avait pas osé avec son AX six ans plus tôt. Son habitacle étonnamment gai avec des touches de couleurs surprenantes (boutons et lève glace verts pastel, sellerie colorée) était innovant et facile à vivre malgré des rangements trop succincts.
44 ans et 6 mois !
Dans sa conférence de presse du Mondial, Renault avait annoncé que c'était une voiture destinée aux jeunes. Quelques mois plus tard, en voyant les conducteurs de Twingo, il apparut que ce n'était pas le cas. Et la presse de se railler. Il se fait que Renault m'avait demandé d'écrire les premiers dossiers presse de la Twingo, ce qui m'avait permis de rencontrer certains de ses concepteurs. Une belle leçon d'humilité pour ma pomme en me rendant compte que ces gens étaient bien plus intelligents que moi.
Yves Dubreil, le sympathique papa de la Twingo, en tirant sur les bretelles, m'avait expliqué qu'il n'avait eu que 4,3 milliards de francs pour la développer, soit 50 % de la somme normale comparé à une Clio et qu'il avait sacrement dû travailler à l'économie. Ceci expliquant le moteur. On m'avait avoué que derrière la communication l'annonçant comme une voiture destinée aux jeunes, Renault savait pertinemment que la moyenne d'âge des acheteurs serait de 44 ans. Au bout de 2 ans, elle était de 44 ans et 6 mois. Bravo ! Ce qui était cependant bien plus jeune que l'âge moyen (57 ans je crois à l'époque) d'une voiture neuve.
Vieillir sa clientèle !
Deux ans plus tard, cette fois, Renault désirait encore accroître la moyenne d'âge de ses acheteurs au pouvoir d'achat supérieur. D'où des séries spéciales (Kenzo- Benetton) plus chères évidemment aux couleurs plus chaudes mais plus sobres que le rouge corail et le jaune indien des premiers millésimes liées à un intérieur plus classieux. De la moquette désormais noire tapissait le sol plutôt que la grise de mauvaise qualité savamment choisie pour la première car les teintes claires grossissent (je devrais m'habiller en noir !) en donnant le sentiment d'un volume intérieur supérieur. Comme la voiture avait la réputation d'être formidablement habitable, elle pouvait se parer de noir.
Renault était parti avec une voiture volontairement minimaliste. Vendue 56 000 francs 1992, pour une citadine elle n'était pas spécialement bradée plus coûteuse qu'une AX, Fiat Cinquecento, 106 Peugeot, Mini. Ce n'était pas le souhait de Renault qui la classait à part en proposant dès sa naissance une ligne d'accessoires (volant cuir bicolore, auto radio aux touches... vertes, mallette, sac à dos, porte clé en forme de boule !).
Je v'eux du cuir !
Face à son surprenant succès, elle évolua vers des versions plus branchées et encore plus coûteuses au fil des ans en proposant un équipement de plus en plus sophistiqué (vitres teintées, air conditionné, vitres électriques et même direction assistée, ABS). Elle devint la citadine à la mode qu'il fallait absolument posséder. De nombreux préparateurs s'y intéressèrent en la transformant en véritable petite voiture de grand luxe avec l'intérieur tapissé de cuir (version Lecoq avec boiserie véritable) tandis que d'autres la modifiaient en sportive de couleur bleu Gordini à double bandes blanches. A l'époque, je travaillais à Option Auto et je me souviens avoir travaillé sur un hors-série spécial Twingo. "Les plus belles femmes de Paris " (phrase de Pigozzi le patron de Simca) roulaient en luxueuse Twingo Initiale (clim, jantes alliage).
Si elle ne reçut jamais de diesel, elle hérita en 1996 d'un moteur plus moderne issu de la Clio, un 1149 cm3 de 60 ch puis de 75 ch en version 16 soupapes, de roues plus grandes de 14 pouces et d'une véritable boîte auto car c'était avant tout une citadine. J'avais été conquis par l'embraye automatique de la version Easy mais il s'avéra que manquant sérieusement de fiabilité, il fut rapidement abandonné. Esthétiquement elle évolua peu seulement en 1998 où elle reçu des boucliers ton caisse, feux rouges redessinés, enjoliveurs différents et clignotants intégrés qui ne changèrent heureusement pas son fameux regard.
Les années bonheur
Après 15 ans de production et 2,4 millions d'exemplaires produits, elle s'effaça en 2007 au profit de la Twingo 2. On sait que le nouveau patron de Renault Carlos Ghosn trouva son style trop clivant et imposa un design plus neutre pour la Twingo 2. On sait aussi qu'il a eu tort car la Twingo 2 qui n'était pas une mauvaise voiture, par son manque de personnalité, déçut beaucoup ne laissa aucune trace dans l'histoire de l'automobile. La Twingo première génération fut produite à 2,4 millions d'exemplaires en 15 ans, ce n'est pas énorme par rapport au succès qu'elle connut. Il fut lié au manque d'investissement de départ (pas de diesel qui se vendait très bien alors, pas de volant à droite, 2 portes). A titre de comparaison, Opel fabriqua plus de 7 millions de Corsa entre 1993 et 2007.
J'ai souhaité reconduire une Twingo 1 justement pour observer comment elle se situait comparée aux voitures de cette fin 2017 et vérifier si elle était aussi intelligente voire insolente que dans ma mémoire. La prochaine fois, ici même, si vous le voulez bien....
L’avis des Petits Observateurs
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