Les Essais de Patrice • Facel Vega

Facel Vega II : le véritable luxe à la française c'est elle

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Patrice Vergès (Romancier, journaliste, essayeur, auteur & chroniqueur , Petites Observations Automobiles)

405 chevaux, 8 cylindres, 6800 cm3, 247 km/h ! La Facel Vega II était la voiture des superlatifs. Non seulement, elle était formidablement rapide, étonnamment luxueuse mais surtout effroyablement belle. C'est l’une des plus fascinantes GT des années 60.

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Mercredi 3 août 2022


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Photo Patrice

Patrice Vergès Petites Observations Automobiles - Romancier, journaliste, essayeur, auteur & chroniqueur

Membre du Gouvernement POA.

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Louis pousse sa Facel II hors de son salon dont il a fait coulisser la grande porte vitrée. Considérée à ses yeux comme une sculpture sur roues de 4,75 m, elle est plus à sa place ici que dans l'obscurité d'un garage. Sous le soleil, sa Facel gris métallisé étincelle de tous les chromes qui encerclent son pavillon lumineux et profilé. Contact, bruit des pompes, deux, trois brèves hésitations puis le colossal V8  Chrysler se met à tonner dans le grondement gras désynchronisé des huit énormes pistons à travers ses deux sorties d'échappement.

Illustration - Les Essais de Patrice Facel Vega II
Les Essais de Patrice Facel Vega II

Dévoilée fin 1961, la Facel II succédait à la XK500 dont elle reprenait la structure sous une silhouette d'une plus grande pureté esthétique

Silhouette très lumineuse notamment le dessin du pavillon ceinturé d'acier inoxydable qui met en avant la grande surface vitrée

Illustration - Les Essais de Patrice Facel Vega II
Les Essais de Patrice Facel Vega II

Version 405 chevaux

"Elle a été vendue neuve aux USA en 1963.  C'est une rare version 6,8 l contre 6,3 l pour l'Europe, alimentée deux carburateurs Carter 4 corps bien qu'elle soit équipée d'une boîte auto Chrysler alimenté alors d'un unique carburateur. Elle serait aussi la seule à avoir eu un toit ouvrant. Elle a été réimportée en Belgique pour un collectionneur belge qui l'a entièrement restaurée pendant plus d'un an et demi en reformant toutes les tôles et refaisant toute la sellerie et la mécanique. Elle est encore plus belle que lorsqu'elle était neuve !" explique Louis qui chauffe la mécanique.

Jean Daninos avait crée dès 1939 à Dreux sa propre firme spécialisée dans la fabrication de pièces de carrosserie pour l’automobile et l’aviation. Elle s’appelait Facel, initiales de Forges et Ateliers de Construction d’Eure et Loir.

Dès 1952, il décida de lancer sa GT de prestige. Mais, devant l’absence de moteurs français suffisamment puissants, il se tourna vers un gros V8 américain Chrysler. C’est son frère l'écrivain Pierre qui lui trouva le nom de l’étoile Vega pour baptiser sa voiture dévoilée fin 1954.

Illustration - Les Essais de Patrice Facel Vega II
Les Essais de Patrice Facel Vega II

La planche de bord est aussi un chef d'œuvre d'esthétisme réalisée en tôle imitant le bois ceinturé de cuir ! C'est Facel qui inventa la console centrale

Cette rare version est animée par le Chrysler 6,8 l alimenté par deux carburateurs quadruple corps délivrant 405 ch SAE, monté en position assez centrale sous le long capot

Illustration - Les Essais de Patrice Facel Vega II
Les Essais de Patrice Facel Vega II

Belle, puissante (180 ch), élégante, rapide (185 km/h) mais chère, la Facel Vega ne rencontra qu’un succès d’estime en France qui lui reprocha le manque de noblesse de sa mécanique de série. Améliorée, cette version rebaptisée en 1958 HK500 désormais capable de rouler à plus de 220 km/h séduisit davantage à l’exportation qui appréciait sa finition, la beauté de sa silhouette et sa puissance.

Illustration - Les Essais de Patrice Facel Vega II
Les Essais de Patrice Facel Vega II

Sur la console, mano d'huile, jauge de carburant, thermomètre d'eau et ampèremètre. Les manettes servent à la climatisation car elle était déjà équipée de chauffages séparés

Beau volant Nardi dont le moyeu est signé Facel Vega qui commande une direction assistée assez directe

Illustration - Les Essais de Patrice Facel Vega II
Les Essais de Patrice Facel Vega II

Facel II fin 1961

Une version rajeunie baptisée II lui succéda fin 1961. Par rapport à la HK 500 dont elle reprenait ses dessous, la FII innovait par une carrosserie inédite d’une stupéfiante pureté dessinée par ses soins et Jacques Pasteur. Son pavillon  ceinturé d’inox semblait tenir miraculeusement en l’air sur ses flancs lourds dont le passage des roues tendues donnait même à l’arrêt l’illusion de la vitesse. Ses originaux doubles phares verticaux achevaient un capot sans fin qui s’opposait à une poupe qui mourait en pente douce sur la griffure des clignotants.

L’habitacle était de la même veine avec une planche de bord digne d’un Boeing dont l’originalité était d’être en bois factice, peinte à la main par un compagnon qui mettait plusieurs jours pour parachever son œuvre.

Illustration - Les Essais de Patrice Facel Vega II
Les Essais de Patrice Facel Vega II

Cette Facel est chaussée de jantes en tôles plus rigides que celle à rayons et surtout de pneus plus épais de 225 contre 185 en 1961. Un peu juste pour passer 400 ch !

Boîte auto Chrysler à 3 rapports sur platine chromée. Les boutons latéraux chromés commandent les phares et les essuies glace

Illustration - Les Essais de Patrice Facel Vega II
Les Essais de Patrice Facel Vega II

V8 Chrysler de 6,8 l

C’est sous le long capot que se cachait le cœur de la voiture. Un V8 Chrysler de 6,8 l qui délivrait la puissance de 405 ch SAE (autour de 320 DIN) contre 390 pour la 6,3 l, moteur alimenté par deux énormes carburateurs 4 corps.  Plutôt docile en ville avec sa direction assistée malgré un rayon de braquage atroce, la Facel II se transformait en TGV de la route dès que son conducteur, un grand de l’industrie, des affaires ou du show-biz qui s’appelait le Shah d’Iran ou John Lennon, appuyait sur la pédale de droite.

Le plaquant contre le cuir du dossier, dans un bruit de locomotive, la Facel II pointait son interminable mufle à 247 km/h avec le pont long. Si elle n’avait pas toutes les qualités routières de ses concurrentes italiennes, victime d'un châssis trop roturier, elle les compensait par une présentation bourgeoise, une silhouette sublime et un moteur fascinant au souffle inépuisable.

Illustration - Les Essais de Patrice Facel Vega II
Les Essais de Patrice Facel Vega II

La Facel II était équipée de glaces électriques de série. Les glaces teintées étaient optionnelles contre 350 francs

D'origine US, cette Facel II n'était pas équipée des fameux phares Mégalux interdits par la législation américaine

Illustration - Les Essais de Patrice Facel Vega II
Les Essais de Patrice Facel Vega II

Assis bas, jambes tendues

Dans le grondement de la salle des machines, sa Facel nous transporte dans un spot pour faire des photos.  La suspension semble assez raide. Assis très bas, jambes tendues, on ne peut que s'extasier devant cette extraordinaire planche de bord séparée en deux par une large console centrale  inventée par Daninos.  En charge, essence et deux passagers à bord, la Facel II frise les deux tonnes. Cependant dès que louis titille un peu les 400 chevaux, la poussée se fait plus puissante dans le dos.

"Admire cette planche de bord, on dirait un tableau de la Renaissance. Je préfère cette version à boîte auto plus douce à conduire que celle mécanique Pont à Mousson très dure. J'en avais conduite plusieurs à cette époque. La mienne tient mieux la route qu'en 1963, car j'ai remplacé les 185X15 par des 225 qui améliorent l'adhérence. De plus, elle est chaussée de roues en tôle Rudge plus rigides latéralement que celles à rayons et mieux adaptées au poids de la voiture. Elle est  agréable sur grandes routes et moins sur les petites où il faut se montrer vigilant à cause de sa puissance, son poids, et sa répartition des masses avec trop de poids sur l'avant. J'ai eu une Chrysler 300 C de 1956 qui tenait mieux la route en se révélant plus légère à conduire. Mais la Facel est si belle !"

Illustration - Les Essais de Patrice Facel Vega II
Les Essais de Patrice Facel Vega II

Formidable profil élancé qui donne une sensation de vitesse même à l'arrêt. Une sculpture sur 4 roues

Louis qui avait déjà conduit des Facel II dans les années 70, préfère la version à boîte automatique moins brutale à piloter

Illustration - Les Essais de Patrice Facel Vega II
Les Essais de Patrice Facel Vega II

Pureté des formes

L'œil ne peut que s'extasier devant la pureté des lignes. A l'arrêt, on dirait que la voiture va bondir. Sa version US n'est pas équipée des fameux phares Mégalux oblongs mais de doubles-phares exigés par la loi américaine. Tout est beau, les feux sertis dans les ailes, la courbure osé du pare-brise, la fameuse calandre en trois parties, signe de reconnaissance de la marque, le dessin tendu des passages de roues. Dessous l'architecture était plus conventionnelle avec un robuste châssis de fortes sections et un essieu rigide à l'arrière à ressorts à lames sans guidage. Face à une Jaguar E sortie en même temps, la Facel manquait  de sophistication d'autant qu'on lui reprochait sa mécanique US de grande série empruntée à des Chrysler.

Le prix de dix 2 CV !

En 1963, elle était proposée au prix de 53 000 francs plus quelques options. Dix fois le tarif d'une 2 CV mais encore inférieur à  celui d'une Aston Martin DB4, d'une Ferrari 250 GTE mais  supérieur à celui d'une Jaguar E affichée à 40 000 francs. Hélas, victime de sa fiscalité préoccupante de 37 ch, du manque de noblesse de sa mécanique et des nuages noirs qui flottaient sur l’avenir de la marque dont les finances avaient été plombées par le lancement de la Facellia, seulement 183 furent fabriquées destinées en majorité aux Américains.  Avant  que l'entreprise soit contrainte de  fermer ses portes fin 1964 après avoir vendu un peu plus de 3000 voitures en dix ans emportant à jamais le rêve de Daninos au rang de souvenir. La disparition de Facel fut davantage que le terminus d’une marque. Elle marqua la fin de la voiture de prestige qui manque tant à l’image de la France, aujourd’hui.

L’avis des Petits Observateurs

6 commentaires au sujet de « Facel Vega II : le véritable luxe à la française c'est elle »

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Fabuleuses autos que sont les Facel Véga, elles étaient raffinées pour l'époque avec quelques înovations interressantes. Mais surtout elles avaient une présence qui en imposait. Je croisais quelques fois une HK500 dans les Yvelines pas très loin des Mesnuls, quelles magnifiques apparitions à chaque fois. Elle semble avoir disparue cette année, j'espère encore sentir mon coeur battre plus fort en l'apercecant à nouveau.

Mercredi 3 août 2022 à 14h02

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En réponse à Francois P

Ah oui François, la HK500 est ma favorite, peut être à cause de Gil Jourdan.....
J'ai eu la chance de m'installer à bord d'une version entièrement d'origine lors d'une bourse d'échange.... Mais l'essai ne fût malheureusement que statique..

Mercredi 3 août 2022 à 18h56

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Bonjour et bravo pour ce document. Une question : pourquoi y-a t'il deux manos de pression d'huile voisins sur la console centrale ?
Ah j'y pense, il y en a peut-être un pour la partie gauche et un pour la partie droite du V8 !

Jeudi 4 août 2022 à 13h16

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En réponse à Patrice V

Merci Patrice, c'est vrai qu'en zoomant, on voit les graduations. J'avais dit une bêtise de plus, je n'ai jamais bricolé sur un V8.

Jeudi 4 août 2022 à 17h56

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Facel Vega… l'association d'idée c'est Camus assis à la place du mort, dans la FV de Michel Gallimard, c'était début janvier 1960.
Bon ! ce n'est pas gai, hélas.
La courte histoire de cette marque automobile mérite la lecture bien documentée : fr.wikipedia.org

Mardi 16 août 2022 à 19h11

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