Par Patrice Vergès. Capri 2800i et 3000, Cortina GT, Escort X3i et RSi, Fiesta XR2, Sierra XR4 et Cosworth, Focus RS, Puma. J’ai essayé toutes les Ford sportives des années 70 à 2000. Il y a dire, écrire, médire…
L’essieu arrière de la Ford Capri 3000 rouge balayait dans de larges travers la chaussée blanche. Rien à faire. Sur cette route enneigée de Pâques 1978, son long mufle allait prendre le chemin du fossé. Arrêtée au milieu de la chaussée. Aucune adhérence aux roues arrière qui patinaient furieusement en s’échappant à la moindre pression de l’accélérateur difficile à doser avec la boîte automatique. Nous avons réussi à redescendre des hauteurs enneigées et mon ex a pris le train pour aller chercher les enfants à Montauban (Voir Les Tonton Flingueur !). Un brusque chute de neige avait tapissé de blanc la route et immobilisé la Capri 3000 prêtée par Ford. En la découvrant quelques jours plut tôt sur route sèche, je m’étais déjà rendu compte que l’adhérence aux roues arrière n’était pas sa grande vertu. L’essieu arrière ruait en vibrant et renâclant dès qu’on sollicitait les 138 ch du gros V6 3 litres à la belle sonorité. Puissance handicapée par une boîte auto à 3 rapports mal étagée de surcroît. Mais sur la neige, cette Capri se transformait en auto..immobile.
Superbe planche de bord
Ford a été le premier constructeur généraliste à dériver des versions sportives de ses modèles de série et c'est tout à son honneur. A 20 ans je désirais une Cortina GT d’occasion. Pourquoi ? Déjà père de famille, je souhaitais concilier du volume et un bon coffre (poussette, couffin, biberons) avec les performances les plus élevées possibles pour mon maigre budget de chargé d’âmes. La Cortina GT, sorte de Cortina Lotus du pauvre était la plus puissante de son segment avec 85 ch. Son intérieur de véritable sportive, avec ses sièges séparés, ses quatre manomètres, son court levier au plancher, son volant sport, était énormément séduisant à mes yeux. Avec 150 km/h, la Cortina GT était également la plus rapide de la bande.
J’en ai essayées deux ou trois et cela ne s’est pas fait pour plusieurs raisons. D’abord, je ne rentrai pas dans ces voitures à cause de leurs sièges ne reculant pas assez pour mon gabarit. Par la faute aussi d’une amorce de tête à queue en essayant une GT de couleur beige avec le vendeur assis à coté et mon père à l’arrière. Pas content, le paternel ! Assez vexé et tentant de justifier ce tête à queue, j’ai compris quand mon vendeur m’a déclaré d’une voix péremptoire « A l’arrière, je ne gonfle qu’à 1,2 kg ». Certainement pour améliorer le confort de la suspension en mode très ferme.
De bosses en bosses
La Capri 2600 RS m’a totalement fasciné. Même d’occasion, hélas, ce n’était pas dans mes moyens. J’ai failli acheter une 2600 GT jaune au pavillon en vinyle noir mais je fus assez déçu au plan des performances et de sa sonorité sans âme loin du vrai feulement rauque de la RS 2600. C’était une authentique sportive qu’il fallait savoir emmener car ce damné essieu arrière partait vite et sans prévenir. Les possesseurs de RS se mesuraient aux nombres de têtes à queue qu’ils avaient effectués…
Ford a été le premier constructeur qui m’a invité à des essais et longuement prêté des voitures depuis la fin des années 70. D’où beaucoup de kilomètres à leur volant notamment en Capri 2800i en 1988. Une voiture encore mythique mais largement démodée et plus du tout amusante à conduire. Je me suis payé un tête à queue sur la route car l’adhérence de l’essieu arrière était vraiment problématique et son nez bien trop lourd. Pas très agréable, son gros V6 répugnait à prendre des tours. Il fallait le violenter. Le freinage à tambours arrière était aussi médiocre. A fin de la longue ligne droite du circuit du Castelet où Ford avait organisé des essais lors de la sortie de l’Escort RSI, j’ai dû m’enfiler l’échappatoire avec le cœur battant la chamade. Plus de freins !
Passage à la traction avant pas très sage
Fin 1980, l’Escort XR3 abandonnait enfin la propulsion et les ressorts à lames de l’ancienne mouture. C’était une voiture plus sûre, attrayante, fort bien finie mais elle ne distillait pas la magie de la Golf GTI plus agile, plus nerveuse et bien plus amusante. Ford développa une version RSi 115 ch qui se caractérisait par un train roulant équipé de grandes roues de 15 pouces gantés de bas profils de 50. Du jamais vu ! Idéal sur la piste. Sur la route, ce n’était pas la même chanson. La RSi errait de bosses en bosses avec de violents écarts dans le volant qui en faisait une voiture dangereuse. Je me souviens avoir appelé chez Ford pour savoir si c’était bien normal. La Sierra XR4 forte des 150 ch de son gros moteur V6 2,8 l m’a toujours fait peur. Lors des essais presse, j’en avais vu une partir dans le fossé. Une de mes relations, concessionnaire Ford s’est tuée à son volant quelques jours après. Brrr ….
Chaleurs en Fiesta Turbo !
Ce n’était rien par rapport à la Fiesta Turbo de 133 ch essayée sur le circuit de Dijon. Déjà avec 110 ch, la XR2 avait montré les limites de son train avant. Mais avec 133 ch et surtout le couple du turbo, le nez de la voiture partait dans de surprenants travers pour rejaillir de l’autre coté de la route au lâcher de gaz. Face aux regards goguenards des journalistes de l’époque, le PDG de Ford France avait piqué une grosse colère. Coutumier du fait, il terrorisait son personnel. Il avait tenu à nous faire faire des tours de circuit à ses cotés pour nous prouver absolument que la RS Turbo était géniale. Au moins, il croyait dans ses produits. Ce type aurait vendu du riz aux Chinois.
Le paysage s’accélérait
J’ai adoré la Sierra Cosworth. Méchante voiture mais ô combien excitante ! Les quatre roues motrices essayées en Espagne étaient largement meilleures que la propulsion dont il semblait que les roues avant allaient se détacher du boitier de direction. Deux articles différents m’avaient obligé à passer mes vacances 1988 en 2 CV Charleston et en Sierra Cosworth que j’aie conduites de conserve. Sensation surprenante. En 2 CV, je me souviens de ne pas avoir arrêté de vérifier si le frein à main était bien desserré. En reprenant la Cosworth, j’avais l’impression que le paysage s’accélérait autour de moi. Et il me fallait quelques minutes avant d’oser enfoncer l’accélérateur de la Ford. Sur routes amochées, la voiture bourlinguait de bosses et en bosse en exigeant d’être tendre avec la pédale de gaz. Sinon, elle ruait !
Comment ne pas aller vite en Sierra Cosworth ? Au feu rouge, tous les autres conducteurs attendaient avec jubilation un démarrage canon rien que pour le plaisir. En Cosworth, je les débordais sèchement rien que pour lire le bonheur dans leur yeux sur la route qui m’avait conduit au Pyla dans un hôtel où je n’ai plus les moyens d’aller, aujourd’hui, depuis que le prétentieux designer Philippe Stark est passé par là.
S'amuser en GT40 !
Bons souvenirs autour de la Puma qui ne tenait pas si mal le pavé que cela et surtout de son designer français Claude Lobo, hélas disparu. Travaillant à Cologne, il s'était fait concocter une réplique exacte de Ford de GT40 animée par un gros 5,3 l délivrant presque 500 ch. Son plaisir du dimanche matin était de prendre l'autoroute et à 160 km/h se faire doubler par une Audi A8 ou une Porsche Carrera. Il les rattrapait et restait à leur hauteur pendant quelques secondes. C'étaient généralement des connaisseurs qui tournaient la tête vers sa GT40. Lobo devinait la question qui trottait dans leur tête. Était-ce une vraie ou une fausse GT40 réplica à moteur PRV voire VW comme il en existe beaucoup ? Il leur donnait la réponse en accélérant brutalement en les faisant disparaître de sa rétrovision en quelques secondes. Un plaisir qui lui revenait quand même à 75 euros de carburant la petite balade !
Lorsque les premières Focus RS sont arrivées, c’est devenu bien moins marrant car non seulement elles allaient vite et elles tenaient bien la route. Je me demande si je n’ai pas davantage aimé les Ford plus pour leurs défauts que pour leurs qualités….
L’avis des Petits Observateurs
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