Calqué sur le modèle économique de la téléphonie mobile, le Free Car Project fonctionne sur les commissions générées par l’utilisation d’une voiture. Une sorte d’opérateur automobile qui permet d'offrir la voiture à ses clients. Explications.
Projet d'une voiture essentiel à moins de 2500 €
Comment imaginer un nouveau modèle économique pour l’automobile ? En pleine crise de surproduction du marché européen, la question est d’une actualité brûlante, notamment pour les constructeurs généralistes. Pris en tenaille entre le marché des voitures premium et low cost, les deux seuls segments qui progressent, les généralistes doivent urgemment trouver des approches inédites pour assurer leur avenir. Parmi les solutions envisagées, un think tank français, le Center for Alternative Research, a le mérite de proposer une alternative intéressante au modèle dominant. Créé en 2007 par Michael Oualid, ingénieur et ancien directeur au centre de design Peugeot Citroën, puis de Volkswagen, ce groupe de recherche indépendant composé de personnalités très diverses et hors secteur propose un business model en rupture avec les codes inchangés depuis cent ans de l’industrie automobile.
Baptisé Free Car Project, l'idée peut s’apparenter à l’économie de la téléphonie mobile. Il ne s’agit plus de faire des profits sur la vente d’un produit, mais sur son usage. Au même titre qu’un téléphone portable (dont le coût reste élevé) est offert quasi gratuitement en échange d’un abonnement et remboursé par le prix des communications, le Center For Alternive Research, propose de vendre la voiture à un prix modéré, environ 1000 euros pour conserver l’esprit d’appartenance, et de la rembourser en percevant des micro commissions sur le chiffre d’affaires qu’elle génère, puis de créer des profits tout au long de sa vie.
Suivant les sources du CFAR, il est en effet prouvé que l’usage d’une voiture particulière génère en moyenne 6 600 € de chiffre d’affaires annuel, répartie en 3 700 € de frais de fonctionnement (énergie, assurance, entretien, parking, péages…) et 2 900 € de dépenses dans les centres commerciaux. Soit 99 000 € en quinze ans, la durée de vie moyenne d’une voiture. Le principe est de mettre dans la boucle les grandes enseignes en périphérie des villes uniquement accessibles en auto, grandes distributions, magasins de meuble, de bricolage…, qui reverseraient à cet « opérateur automobile » d’un nouveau genre des micro commissions sur les achats des clients venus avec cette voiture.
La technologie permet d’envisager facilement et pour un coût dérisoire une carte magnétique réservée au conducteur qui tracerait ses achats dans les enseignes partenaires. Dès lors, la voiture devient un outil de fidélisation pour ces enseignes. Suivant les partenariats, chaque auto pourrait rapporter entre 500 et 1 000 € de micro commissions par an, voire beaucoup plus dans le cadre d’une voiture qui serait partagée entre plusieurs utilisateurs.
Pour que l’équation économique fonctionne, il faut repenser la conception même de l’automobile afin de la rendre la moins chère possible. Ayant par le passé participé à l’élaboration de nombreux modèles contemporains qui circulent dans nos rues, Michael Oualid, l’inspirateur du projet, connaît bien le poids du marketing et de la communication qui décline à toutes les sauces le monde fantasmé de la bagnole, fondé sur la performance et le statut social, et donne naissance à des voitures toujours plus grosses, toujours plus équipées et toujours plus chères. Une obésité malsaine pour la planète et pour le pouvoir d’achat des plus modestes pour lesquels une voiture neuve – vendue en moyenne en France 21 149 € (1) en 2010 –, reste un investissement lourd, voire un luxe inaccessible.
Souhaitant mettre fin à cette spirale infernale, Michael Oualid propose de développer une petite voiture, facile à construire qui respecte les contraintes de sécurité légales, mais qui soit légère, basique, et à l’architecture dite « ouverte ». Il s’agit en fait de déconnecter les fonctions basiques (châssis, structure, moteur, suspension, roues…) des fonctions connexes (éclairage, portes, équipement de confort). Cette structure permet d’assembler plus facilement et à moindre coût les éléments dits « connexes » qui sont soit déjà existants soit volontairement simplifiés. Par exemple, des portes droites (sans effet de style) et un vitrage plat limitent fortement les prix de revient. Les différents types de motorisations économiques comme le bicylindre et le moteur électrique permettent aussi d’envisager une voiture bon marché entre 3 000 et 5 000 €. L’intérêt du procédé est d’envisager différents designs sur les parties connexes, à partir du moment où ils respectent le cahier des charges de la simplicité. Plusieurs versions sont possibles sur la même base, du mini bus au coupé, en passant par le Buggy.
projet de voiture low coast sexy
Free Car Project fera sans doute sourire les grands pontes du secteur qui se concentrent sur la réduction des coûts par la délocalisation et l’innovation pour vendre toujours plus et moins cher. Pourtant les recherches du CFAR font écho aux travaux de nombreux spécialistes de la nouvelle économie qui prônent un système ouvert et libre, fondé sur les micro commissions. Quand au début des années 2000, Steve Jobs a imaginé de dématérialiser la musique et de vendre un morceau 99 cents et non plus un CD de 20 titres à 15 dollars, toutes les majors du disque lui ont ri au nez. On connaît la suite, iTunes d’Apple est devenu le modèle dominant. Les constructeurs devraient s’en souvenir s’ils veulent assurer leur pérennité pour les cent prochaines années.
Renaud Roubaudi - Petites Observations Automobile - septembre 2012
(1) D’après une étude de l’institut Polk.
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Dimanche 2 septembre 2012
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