Par Patrice Vergès. Le retour d'Alpine incite à revenir sur l'histoire de cette marque française qui a fait rêver une génération de passionnés de sport automobile. Avant d'essayer une Berlinette 1300 S de 1969, nous allons évoquer la création d'Alpine en 1955.
Nous sommes au début des années 50. Au volant de sa petite Renault 4 CV 1063, Jean Rédélé participe avec succès à de nombreux rallyes et courses en circuit. Dans les lacets des montagnes alpines, il fait voler sa 4 CV d'un virage à l'autre. Pourtant, ce n'est pas le pilotage incisif de ce jeune diplômé de HEC qui va séduire la Régie Renault mais son excellente analyse du service commercial au travers d'un rapport. Il lui permet de devenir, à 24 ans, le plus jeune concessionnaire Renault de France à Dieppe.
Si la 4 CV est imbattable en montagne, sa carrosserie peu aérodynamique limite sa vitesse de pointe à 130 km/h. Comme quelques autres pilotes, il la fait carrosser en Italie par Michelotti en un minuscule coupé en aluminium bien plus profilé qu'il engage en rallyes sous le nom de 4 CV Spéciale.
Le polyester, un nouveau matériau
En France, le carrossier Chappe est le pionnier d'une nouvelle matière appelée polyester. Sur la base de la 4 CV, Chappe réalise de son côté, un petit coach sportif en polyester. Le beau père de Jean Rédélé est l'un des plus grands concessionnaires Renault à Paris rue du Forrest. Intéressé par ce petit coach 4 CV en polyester des frères Chappe, Jean Escoffier en commande quelques uns, après que Renault lui ait donné son autorisation pour le vendre dans son garage dès septembre 1955. Escoffier demande à son gendre de s'occuper de la commercialisation de ce coach 4 CV. Ce dernier qui a le sens du commerce, le baptise Alpine Mille Miles en souvenir de ses victoires de catégorie au volant de sa 4 CV à la Coupe des Alpes et aux Mille Miles.
C’est, néanmoins, avec une certaine méfiance que la Régie voit sortir ce véhicule puisqu’elle lui demande d’enlever le nom de Renault. L'Alpine coûte deux fois le prix de la 4 CV ce qui est beaucoup pour une voiture qui roule à 115 km/h. Elle intéresse surtout les pilotes en version 1063 poussée à 40 ch autorisant 150 km/h avec une bien meilleure maniabilité que la 4 CV. En 1956, la sortie de la Dauphine donnera des ailes aux Alpine dont la mécanique sera poussée à 903 cm3 et près 60 ch. Mais Jean Redélé qui n'apprécie guère sa silhouette, fait dessiner en Italie toujours par Michelotti, un cabriolet plus gracieux. Pas encore satisfait, il fait transformer ce cabriolet en coupé en redessinant sa face avant, habillant cette fois un châssis à poutre centrale bien plus rigide que le soubassement de la 4 CV de l'A106. Cet élégant coupé surbaissé (1,12 m) fait ses premiers tours de roues au Tour Auto 1960. Son nom est tout trouvé : Berlinette Tour de France (A108).
Elle ne sera plus construite chez les frères Chappe mais à Dieppe dans de minuscules locaux à moins d'une centaine d'unités pas an. Rédélé n'est qu'un client de la Régie Renault à qui il achète toutes les pièces mécaniques de Dauphine. Les utilisateurs sportifs de la Berlinette, lui reprochent encore son manque de puissance qu'elle compense par une maniabilité ahurissante due à son empattement ultra-court lié à son moteur en porte à faux. La sortie de la berline R8 plus ambitieuse et surtout de sa version Gordini à moteur 1108 cm3 fin 1964 permet enfin à la Berlinette revue et rebaptisée A110 de changer d'univers.
La reine des rallyes
Désormais, avec des puissances dépassant les 100 chevaux, la 1300 S ne brigue plus des victoires de classe mais celles au scratch. En ce milieu des années 60, Alpine est la marque qui monte dans le cœur des sportifs. Rédélé qui en produit encore moins de 300 par an, s'engage avec fièvre dans toutes les disciplines sportives. La petite marque bleue fait feu de tous bois sans grands moyens. Elle se lance sur la piste en monoplace F3 puis F2 avec moins de réussite qu’en endurance où les prototypes très profilés fendent l’air à des vitesses époustouflantes (250 km/h) pour une 1300 cm3. Ces exploits incitent Renault à collaborer davantage avec sa marque puisqu’il faudra attendre 1967 pour que le logo de la marque soit apposé sur les carrosseries.
Si Alpine est une marque mondialement connue, produisant moins de 500 voitures par an, elle reste une entreprise artisanale.La France a soif de victoires à haut niveau comme Rédélé qui part dans un programme encore plus ambitieux avec un prototype 3 litres pour briguer la victoire au Mans, une Formule 1. Las, le V8 3 litres dessiné par Gordini se révèle si décevant sur les protos A220 que Renault interdira à l’Alpine F1 équipée de cette mécanique de faire ses débuts au GP de Rouen 1968.
Championne du monde des rallyes en 1973
Heureusement que pendant ce temps, la Berlinette est devenue la reine des rallyes où elle truste les victoires ce qui incite Renault à la regarder avec moins de condescendance en faisant distribuer les Alpine Renault par les concessionnaires. Cet accord va sauver les affaires de Jean Rédélé mais aussi le perdre puisqu'il ne pourra jamais utiliser d'autres mécaniques. Les Alpine auront toujours un moteur de retard ! Il vend les droits de licence de production de la Berlinette dans de nombreux pays (Brésil, Mexique et Bulgarie) et planche sur une petite voiture urbaine qui restera sans suite.
La Berlinette gagne de la cylindrée et de la puissance grâce au moteur de la R16 poussé à plus de 170 ch en compétition. Avec son empattement hyper court et ce nouveau gros moteur monté en porte à faux arrière, l'A110 offre une ahurissante maniabilité qui lui permet de compenser son éternel manque de puissance par la rapidité à laquelle elle ingère les virages. Cette minuscule voiture parvient à s'imposer dans les plus grands rallyes malgré son manque de cylindrée face aux Porsche et Lancia. Victoires sanctionnées par un titre de champion de monde en 1973. Las, ce triomphe va marquer le début de la fin de la marque Alpine. La suite bientôt si vous le voulez bien.....
Alpine, comment est né le mythe ? : les années 71 à 1995 (deuxième partie)
Alpine, comment est né le mythe ? : La conduite (troisième partie)
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