Souvenirs d'Autos

Souvenirs d’Autos (458) : L’arrivée du Guerveur

Une rubrique pilotée par le Commandant Chatel.

L’excellent Arnold nous envoie un magnifique cadeau… Il pose deux questions à la communauté et j’espère qu’il trouvera des réponses…

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Jeudi 3 octobre 2024

Enfant, je passais mes vacances d’été à Belle-Île-en-Mer. Bien qu’une grande partie de la famille de ma mère occupait l'île, mes vacances étaient très solitaires, je pédalais une bonne partie de la journée entre les plages, les fortifications Vauban, la mission dans la soirée “d’aller au lait” avec le petit pot à lait en alu accroché au guidon.

Mais tout ça, c’était pour passer le temps, attendre l'événement de la journée qui avait lieu plusieurs fois… l'arrivée du Guerveur ou de l’Acadie!!

Des bateaux qui assuraient la liaison avec le continent en déversant leur flot de touristes et surtout ce moment que je manquais rarement… la sortie des voitures du “ventre” des ferries.

Le point de départ était la sirène qui retentissait à l’approche du port du Palais, je savais qu’il me restait le temps de descendre à l'embarcadère… Poulidor et Merckx pouvaient aller se rhabiller, malgré mon vieux biclou fatigué, je traçais  comme une flèche jusqu’au port, bon… faut dire que ça descendait !

Si j’avais le temps, j’achetai une glace triple boules, fraise, pistache, chocolat et je m’installais au bord de la cale en hauteur en faisant attention de pas faire tomber mes sandales comme c’était déjà arrivé.

Quelques précisions : environ 25 voitures étaient transportées, la sortie était latérale par deux énormes portes, celle du bas faisant office de rampe, les autos passaient sur un plateau tournant manipulé par les employés avec des cordes de manière à éviter de longues et pénibles manœuvres. Pour arranger le tout, le débarquement ne se faisait pas sur un quai horizontal, mais une cale de mise à l'eau fortement inclinée. Rajoutons à ça les fluctuations de la marée durant le débarquement faisant monter ou descendre le bateau et modifiant l'angle de la rampe !

Allez !... une bonne averse dont la Bretagne a le secret par la dessus pour rendre les choses bien glissantes !

Illustration - Souvenirs d'auto
Souvenirs d'auto

L’organisation était toujours la même… en premier, les palettes que venaient prendre le chariot élévateur, sans suspensions, la montée sur la rampe, le roulage sur les gros pavés de la cale secouait bien le bonhomme et le chargement qui tombait parfois !

Et puis, il y avait le camion de la Coop à la manœuvre délicate qui devait sortir de face et braquer en plusieurs fois pour monter la pente… j’adorais le bruit des freins à air, le craquement de la marche arrière, le châssis se tordait, faisait déraper les roues arrière. Le chauffeur et les gars du port braillaient ! J’entendais les commentaires autour de moi de ceux qui n’avaient jamais conduit un camion, mais donnaient des leçons !!

Ensuite, les locaux sortaient leurs voitures, des “îliens” qui par nécessité, faisaient la traversée pour diverses raisons, rien de très croustillant, l’habitude et l’expérience rendait la manœuvre banale. C'est à partir de là que le grondement du "plateau" se faisait entendre, raisonnant dans les entrailles du ferry. Je me souviens de ce bruit comme si c’était hier, mélangé aux odeurs du port, des fumées et des émanations de gasoil du bateau.

Autour de moi, quelques commérages….. ”tient!... ça fait deux fois qu’il traverse cette semaine”, ou “c’est qui le gars avec la fille Garec dans sa Simca?”, fallait pas avoir de choses à cacher!

Après, commençait le morceau de choix : les touristes qui n’avaient jamais sorti leur voiture d’un ferry de la sorte. À cette époque, c'était des autos des années 1960, ou plus anciennes et début 1970 pour les plus récentes... freins automatiques, boîte auto, direction assistée, et autres "contrôle de la descente" n'étaient pas encore à l'ordre du jour pour beaucoup de ces véhicules.

Et puis, il y avait les remorques, les caravanes, apportant son lot de complications, bref… c’était l’assurance d’un spectacle à rebondissements où il se passait toujours quelque chose ! Mais attention, pas de voyeurisme malsain et moqueur pour les curieux dont je faisais partie, non… nous étions là à attendre la difficulté pour nous ruer dans la cale et apporter de l’aide, pousser, tirer, guider les conducteurs, tout ça en association avec les employés du port.

Une voiture qui ne voulait plus redémarrer… hop ! des mains étaient déjà sur la malle en train de pousser et une fois en haut, il y avait toujours un “mécano” pour plonger les mains dans le moteur aidant le touriste néophyte en mécanique. D’autres prenaient l’initiative de s’occuper des gamins, un peu délaissés par les parents trop occupés pour tous ces événements. Ça y est, la famille pouvait repartir, des bras reconnaissants s’agitant aux portières, le tout suivi d’un coup de klaxon. Ça nous avait fait la journée et un sujet de conversation pour l’apéro du soir… bonnes vacances, la famille Bodin!

À cette époque, les différentes nationalités étaient souvent reconnaissables et pas seulement aux plaques d'immatriculation. Nous avions des physiques, des comportements et des autos en rapport avec notre pays d'origine et cela apportait un dépaysement que le petit français parisien que j'étais... appréciait beaucoup !

Illustration - Souvenirs d'auto
Souvenirs d'auto

Justement… c’est une voiture anglaise qui pointe sa calandre pour sortir, une Vauxhall, Rover…. je sais plus. Comme souvent, c’est le père de famille qui est au volant, la famille sortant à pied. Mr Smith, pâle comme un linge, suit les directives de l’employé qui le guide, on sent bien que la décontraction n’est pas de mise, mais le flegme typique fait que les choses se passent tranquillement, il manque plus que la tasse de thé sur le tableau de bord ! Mes yeux se régalent de la sérigraphie des plaques, ce conducteur du “mauvais” côté, l’autocollant “GB” à l’arrière. Il faut donner un peu de gaz pour monter la cale, l’auto ne doit pas être bien puissante, la chaleur, l’essence dans le carbu, mais bon, notre ami anglais termine son ascension et la petite famille va pouvoir commencer ses vacances…

La suivante, je m’en souviens très bien…… des Allemands avec une VW type 4 variant blanche. Ils louaient une maison près de la ferme ou j’allais chercher le lait. Cette voiture m’intriguait, un break avec seulement 2 portes… pourquoi? pas de calandre…pourquoi?

Le bagnolard qui sommeillait en moi ne s’était pas encore réveillé, mes connaissances étaient en devenir.

Là encore, une famille très “typique”, tous grands, blonds, rigoureux, avec le père Hans qui avait dû étudier la trajectoire, calculer les porte-à-faux, le régime moteur nécessaire pour la montée, etc.

Pas grand chose à attendre de ces inventeurs de la “Deutsche Qualitât”, la VW sort dans une maîtrise totale avec juste un petit frottement de l’échappement !... si peu, et disparaît dans les rues du port…

La suite annonce plus d’animation, c’est la famille Michaud avec sa belle 504  et sa superbe Caravélair ! Vous savez, ce M. Michaud dont la femme dit… ”mon mari est très Peugeot!”

Les éléments sont réunis….. l’humeur française, la fierté de l’attelage rutilant, la peur d’abîmer le matériel acquis à la sueur du front et puis la réputation, pas question d’être celui qui manque sa sortie!

C’est d'abord la voiture qui sort, le père de famille à les yeux partout et ne tient pas compte des gestes de l’employé qui veut accélérer le mouvement, bon…. ça y est, la Peugeot est en ligne, prête à recevoir la “maison roulante”.

(En écrivant, j’ai des images……un attelage qu’on dissimule aujourd’hui, était valorisant à l’époque, peint de la couleur de la voiture et puis…je vois également ce cache boule chromé avec un système de retenu façon “tire-bouchon zig-zag”, c’est mon imagination ou ça existait à l’époque?)

C’est maintenant la caravane qui sort, trois ou quatre personnes pour la retenir, une autre qui la guide par le timon et bien sûr “Michaud” dans les pattes, inquiet à l’idée de voir le crochet casser un feu ou marquer le pare-choc ! Ouf!.... c’est fixé et M. Michaud en sueur, vérifie le verrouillage ainsi que le raccordement électrique. Maintenant, il va falloir faire preuve de dosage avec l’embrayage, visuellement on sent le poids, l’arrière de la 504 est bien enfoncé. Emballement du moteur, relâchement de la pédale de gauche trop brutal et c’est le drame avec un calage en règle! l’ensemble recule de quelques mètres, des “ho!!”, des “hé!!” s’élèvent, le conducteur s’agace, redémarre en prise enfonçant encore plus le train arrière, c’est toute la foule qui retient son souffle cette fois!

Un employé “pédagogue” conseille et calme le pauvre Michaud, mais le moteur semble noyé, une, deux, trois tentatives, mais rien à faire, ça ne veut pas!

Alors c’est le moment où chacun sait ce qu’il doit faire, principalement des hommes courent vers l’attelage, la répartition est naturelle, une partie derrière la voiture et l’autre derrière la caravane. Un donne le signal de départ et tout le monde pousse faisant monter l’ensemble jusqu’en haut de la cale comme s’ils avaient fait ça toute leur vie ! Des gens qui veulent aider, rendre service, faire en sorte que le problème soit réglé sans rien attendre en retour, sans connaître ces vacanciers qui viennent de je ne sais où.

Illustration - Souvenirs d'auto
Souvenirs d'auto
Illustration - Souvenirs d'auto
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La 504 et sa caravane restera un moment le capot ouvert avec quelques têtes penchées sur le moteur et des mains qui trifouillent dedans, elle repartira grâce au bon samaritain qui aura trouvé la solution.

Les Michaud rejoindront leur terrain de camping, le père de famille retrouvera doucement son calme et les vacances pourront commencer.

Entre-temps, c’est une 4L qui sort du bateau, une mère de famille avec ses enfants, sans doute que le papa viendra les rejoindre plus tard. Le numéro 75 sur la plaque, je connais… elle vient de chez moi !

(Notre mémoire retient parfois mystérieusement certains détails……je me souviens aujourd’hui que l’auto avait les pare-chocs rectangulaires et verticaux des modèles 66, pourquoi j’ai retenu ça moi ?)

Cette fois, tout le monde est dans la voiture, cette maman étant seule avec sa progéniture, les bambins doivent rester au plus près, les consignes aux enfants ont été strictes pour la manœuvre, déjà qu’elle n’est pas rassurée à l’idée de cette difficulté portuaire… manquerait plus que ça soit le souk dans l’auto, alors…”JE VEUX PAS VOUS ENTENDRE AVANT D'ÊTRE EN HAUT…C’EST COMPRIS!!!!”

Ça moufte pas dans l’habitacle et elle peut se concentrer, l’employé qui la guide a un ton quelque peu différent de celui qu’il avait avec le pauvre M. Michaud, aller savoir pourquoi ? Le charme des parisiennes sans doute…

 

Toujours est-il que cette dame maîtrise bien la conduite, les suspensions souples aidant à passer la “‘marche”, c’est penchée en avant, collée au volant comme pour compenser la pente que la conductrice mène la frêle Renault au sommet de la cale, enfants toujours sages, panier en osier et épuisettes collés contre la vitre du coffre. Les vacances ne seront sans doute pas de tout repos avant l’arrivée du mari… courage madame la parisienne !

Et puis parfois, (sans avoir de souvenirs précis), une auto marquait les esprits, une belle auto, luxueuse, suggérant des touristes “particuliers”. Ça pouvait être une Mercedes, une Jaguar ou une italienne, autour de moi, chacun y allait de son commentaire sur le modèle, la version, la puissance de la mécanique, avec en point d’orgue l’inévitable “vitesse-max”, fantasme de cette époque révolue.

Une rumeur montait dans la foule, un bruit de chuchotement, de questionnement, eh oui!... certains avaient reconnu les passagers souvent dissimulés sous des lunettes de soleil, panama ou foulard sur les cheveux.

Un acteur, une actrice, un personnage public… encore de quoi alimenter les discussions de l’apéro du soir, mais une fois encore, les choses se faisaient avec respect, pas de ruée pour une photo avec “le p’tit dernier” ou des autographes envahissants et sans-gêne.

Plus que pour les autres, il y avait de l’inquiétude pour la voiture, pas question de laisser une trace de chrome sur les pavés, racler un bas de caisse de cette merveille qui nous faisait tous rêver et puis ces gens d'exception devaient garder un bon souvenir de leur séjour en terrain Belle-îlois!

Bonne vacances à eux également, sans doute dans un cadre particulièrement confortable comme le Castel Clara, lieu de tournage du film “Traitement de choc” dans ces années-là.

Allez savoir qui était dans la voiture!

Voilà, le “spectacle” était terminé, des touristes retardataires descendaient à pied par la petite passerelle, on rangeait les cordes, les cales en bois, il restait toujours quelques bricoles tombées des voitures dans le garage du bateau, les badauds s’éparpillaient et je remontais sur ma bicyclette, l’esprit chargé de question sur les détails que j’avais pu voir du haut du quai qui surplombait les voitures……ces “galeries de tableau de bord” qui me faisait penser à des frises égyptiennes, un fil de métal chromé aux formes torturées qui courait le long de la planche de bord, permettant au paquet de Gauloises, carte Michelin et autres objets de ne pas tomber.

La fameuse bande noire en caoutchouc qui frottait sur la route et dont la fonction fut toujours un mystère pour moi, tant les explications données à l’époque étaient nombreuses et variées!..... je préfère entretenir le doute pour rester au plus près de cette enfance perdue.

Il y avait aussi la “ jalousie” de lunette arrière du fabricant perpignanais Gradulux, un nom sans grâce pour un accessoire (je ne le savais pas encore) qui sera durant quelques années dans mon histoire professionnelle, puisque j’ai travaillé chez un fabricant de stores vénitiens.   

La dernière fois que je suis allé à Belle-Île, c'est durant l'été 1981.... première année de mon permis et première voiture, une R5. La route depuis Paris, la traversée, la fameuse sortie du ferry, les déplacements sur l’île, le retour… Eh bien je n’ai aucun souvenir, c 'est un peu comme si le jeune homme que j'étais devenu, avait perdu la curiosité et l'émerveillement du petit garçon que j'étais. Enfin si, je me souviens d’une chose… je ne portais plus de sandales, mais des Adidas Tabacco!

 

Cette rubrique est aussi la vôtre !

Racontez vos anecdotes au Commandant Chatel par mail (thibautchatel@icloud.com), il se chargera de les publier. N’oubliez pas que pour « Souvenirs d’Autos » nous cherchons de l’anecdote, de l’humain, de l’humour, de l’émotion.

On oublie un peu l’arbre à came et le Weber double-corps…

Et si possible, joignez à votre histoire des photos….

On adore ça chez POA !

Merci.

Illustration - Souvenirs d'auto
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L’avis des Petits Observateurs

1 commentaire au sujet de « Souvenirs d’Autos (458) : L’arrivée du Guerveur »

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Merci pour ce formidable souvenir d'enfance, on dirait du Jacques Tati. Comme tout est matière à émerveillement et curiosité... Nos enfants d'aujourd'hui sont ils aussi curieux?

Samedi 5 octobre 2024 à 12h03

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