Par le Commandant Chatel.
20 juillet 1969.
Le Val André.
J’ai 10 ans.
Je bronze sur la plage ensoleillée mais je fais la gueule.
Je suis furax, car Nanny, ma grand-mère paternelle, avec qui je passe ces vacances en Bretagne refuse que je veille ce soir pour regarder les astronautes américains marcher sur la Lune.
Je suis d’autant plus fou de rage que les patrons de l’hôtel Ker Loïs ont promis que le salon de télévision resterait ouvert toute la nuit.
Aussi, j’ai gardé les journaux et je connais par cœur les noms des trois héros : Neil Armstrong, Buzz Aldrin, Michael Collins ! Et en tant que tintinophile patenté, je sais exactement comment ça va se passer...
Bref, je n’ai le goût à rien et je refuse d’aller me baigner. Nanny ne peut quand même pas me forcer...
Vers 17h, on repart de la plage pour prendre nos vélos et rentrer à l’hôtel.
Nous voilà dans le Val André... et soudain, j’entends derrière moi le bruit caractéristique de la R10 (on ne disait pas Renault 10 à l’époque)...
Je ne sais pas pourquoi, mais je sais que c’est mon père. Je me retourne. Bingo ! C’est lui, au volant de sa voiture bordeaux.
Que fait-il là ?
Nous voilà à l’hôtel. J’indique à mon père où se trouve le petit parking réservé aux clients pour qu’il gare sa belle auto. Je la trouvais magnifique. Il m’aura fallu une bonne vingtaine d’année supplémentaire pour admettre que la R10 n’était pas si belle...
Discussion. Palabres. Négociation.
Victoire pour moi. Mon père est formel :
- Cette nuit est historique, il n’est pas question que Thibaut rate ça !
Ma grand-mère est furieuse (en douce on l’appelait Nanoche ou Nanochka, mais il ne faut pas le répéter) et affirme que « elle », elle ira se coucher.
La technologie ne l’intéresse pas.
Le soir, dans le salon de télévision, l’attente est longue et je m’endors sur le canapé. Mais vers 3h30 du matin, mon père me réveille.
- Ils vont bientôt sortir du Lem.
J’assiste alors médusé à l’incroyable. Un homme marche sur la Lune. Mon père m’entraîne dans le jardin et me montre la Lune.
- Tu vois, mon fils, ils sont là-haut.
Je n’oublierai jamais cette image et sa main sur mon épaule.
Vers 5 heures du matin, je monte me coucher et je me réveille vers 10h ou 11h du matin. Dans le jardin, Nanny, triomphante m’annonce que j’ai raté le petit-déjeuner. Qu’importe.
Et, elle ajoute que « c’est fini les caprices » car mon père est reparti à Paris !
Je refuse de le croire. Je cours au parking et je découvre un emplacement vide où la R10 était garée. C’est un coup dur et si mam mémoire est bonne, je me mets à pleurer.
Il avait fait l’aller et retour pour moi, pour me permettre de voir en direct Neil Armstrong prononcer ces mots : « C’est un petit pas pour l’homme, mais un bond de géant pour l’humanité... »
Je l’imagine roulant pied au plancher (c’était son habitude), toujours au volant d’une Renault (je vous épargne la liste) la Gitane au bec (ça l’a tué très jeune), faisant 900 km sur des routes hasardeuses, rien que pour moi.
Papa, je te remercie.
Nanny, je ne t’en veux pas. Même si tu n’étais pas toujours facile, j’ai toujours su que tu m’aimais...
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Merci.
L’avis des Petits Observateurs
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