Nous sommes fin 1979 et je m’inscris en auto-école rue Saint-Jacques à Paris 5°, celle-là même où mon grand frère quelques années auparavant avait fait ses armes au volant d’une R8. Grosse différence d’âge oblige, j’ai droit au tout à l’avant, une Peugeot 104 de base, un peu austère mais très facile de prise en main.
Ce que je n’ai pas dit au moniteur c’est que je conduis depuis « toujours ». Déjà à cinq ans, touchant de la pointe des pieds les pédales de la 2cv fourgonnette, mascotte de la propriété de mes grands-parents, surveillant avec peine le chemin par le volet de ventilation judicieusement placé sous le parebrise, j’use la patience de ma pauvre mère qui n’a trouvé que ce moyen pour que j’arrête de la harceler, ne vivant mon enfance que pour et par l’automobile.
Avec tout ça, avant dix ans j’étais un conducteur, si ce n’est parfait, en tout cas sûr de lui et décontracté, prenant le volant en de nombreuses occasions à bord d’une grande variété de modèles.
Évidemment, le moniteur s’aperçoit vite de mes « capacités » et mes mauvaises habitudes. Qu’importe, les temps sont à l’économie, trois petites heures de leçons seront suffisantes pour m’apprendre les mains à 10 heures 10 et les coups d’œil appuyés aux rétroviseurs, le respect des piétons et les créneaux en bonne et due forme.
Je passe le code du premier coup en suivant depuis le fond de la salle, les têtes se pencher pour cocher les bonnes réponses à mesure qu’elles sont énoncées par l’examinateur.
Et voilà le jour tant attendu de l’examen. Avec deux autres élèves et le moniteur, nous nous rendons à Maison-Alfort et sans autre appréhension, je lève le doigt pour passer le premier.
- Allez y jeune homme.
Hop, un coup de clef, je mets le clignotant et sort de mon créneau. Entre la première et la seconde, après un coup de genou appuyé dans mon dos par mon moniteur assis sur la banquette arrière, je règle les rétroviseurs et attache ma ceinture de sécurité, je passe la troisième et règle enfin mon siège en gratifiant l’examinateur d’un large sourire, je laisse mon coude à la portière et ma main droite sur le levier de vitesse et lui demande où je dois me diriger en tournant le volant d’une main comme dans les films.
- Vous avez l’air de savoir où vous allez me dit-il un peu acide en cochant de nombreuses cases sur la feuille d’examen.
Je taille un short à une dame qui traversait en dehors des clous puis, me rendant compte (avec force de coups de genoux dans le dos) que je ne fais rien comme il faut, je m’arrête à un passage piéton alors qu’il n’y a personne encore qui manifeste la moindre envie de traverser.
Le stylo coche des croix, encore et encore.
Tout est foutu, j’en suis sûr. Après l’injonction de me garer au premier créneau disponible, je m’exécute avec brio, clignotant bien mis mais en omettant le coup d’œil réglementaire dans le rétro.
Mon moniteur tousse, j’ai le dos en compote à force de coups d’alertes.
Le mec se gratte la gorge :
- Vous conduisez comme mon grand-père, c’est n’importe quoi, ça fait longtemps que vous roulez ?
- Ben euh je….
- Bon il faut 120 points, je ne vous en trouve que 118. Je vous passe la dame en dehors des clous. Vous savez manifestement conduire et possédez de bons réflexes. Ça fait 122. Vous l’avez !
Aucun des deux autres élèves qui se présentaient ce jour-là ne l’a eu, vraisemblablement trop appliqués et stressés. Ils m’en ont voulu, mon moniteur aussi d’ailleurs.
Je reste après plus de quarante ans de permis, un conducteur détendu, un peu rapide et qui s’adapte à tous les styles de voitures. J’ai bien sûr un peu ralenti le rythme et découvre maintenant les joies de la conduite éco qui, en ces temps de répression routière remplace avantageusement la sacro-sainte moyenne de mes jeunes années (qui courent dans la montagne comme chacun sait).
L’avis des Petits Observateurs
10 commentaires au sujet de « Souvenirs d’Autos (393) : Le permis en 104 »
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J'adore les Souvenirs d'Auto !
Merci Chapman et merci Commandant.
😉
Vendredi 4 novembre 2022 à 10h08
En réponse à Nabu C
On va bientôt être à sec, cher ami... N'hésitez pas à prendre la plume. C'était comment votre permis de conduire ?
Vendredi 4 novembre 2022 à 10h15
En réponse à Commandant C
Euh, en trois volets, rose ! 😁
Vendredi 4 novembre 2022 à 10h56
En réponse à Nabu C
Insolent !
Vendredi 4 novembre 2022 à 11h59
Chapman a cinq ans, presque debout dans la deuche, ça me rappelle quelque chose...
...il faut juste que je retrouve une photo...
Vendredi 4 novembre 2022 à 13h45
En réponse à Alain L
Oh oui, je veux savoir. J'aurais tellement aimé avoir une photo de moi au volant à l'époque. Mais les appareils photos n'étaient pas aussi pratiques et on ne les avait pas toujours sous la main.
Vendredi 4 novembre 2022 à 17h52
Souvenirs, souvenirs...
1982, et une R5 GTL (bonjour le veau... 😫) pour monture dans l'auto-école proche de chez moi.
Habitant le 9e arrondissement de Paris, les sessions d'une heure se déroulaient dans les petites rues de Montmartre. D'où une maîtrise particulièrement pointue du démarrage et manœuvres en côte. Excellente formation au demeurant. Car une fois maîtrisé le créneau en remontant en marche-arrière, plus aucune acrobatie automobile ne semble hors de portée ! 😉
L'examen en banlieue Nord-Est fut un non-événement. De retour à l'auto-école, je n'eus que quelques mètres à faire pour récupérer au parking la Métro qui m'y attendait depuis plusieurs semaines, et prendre la route pour la maison de campagne où mes parents m'attendaient. Leur seule inconnue étant si la ralliais en voiture ou avec ma 125... 🤗
Vendredi 4 novembre 2022 à 14h14
Mais c'est génial !
Tu m'a rappelé les coups de genou dans le dos, j'avais oublié...
Bon, je vais de ce pas me remettre à l'écriture d'un prochain souvenir d'auto !
Vendredi 4 novembre 2022 à 17h44
En réponse à GEORGES P
Précieux les coups de genoux hein Georges? 😇
Vendredi 4 novembre 2022 à 17h54
En réponse à Chapman L
Oh oui, et on se sent moins seul !
Vendredi 4 novembre 2022 à 20h07