Morgan la machine à arrêter le temps

Par Patrice Vergès. En 20 ans, Michel a parcouru plus de 40 000 kilomètres au volant d’une Morgan Plus 4. Une voiture rare destinée seulement aux initiés et toujours produite à la main depuis plus de 65 ans dans la même usine de Malvern inaugurée en 1918.



La Morgan Plus 4 a été produite de 1950 à 1969 à 607 exemplaires dont 348 roadsters comme celui-ci



La Morgan de Michel a vu le jour en octobre 1966. Ne cherchez pas de différences avec la première version de 1950, elle même dérivée d’un modèle né en 1936, il y en a peu. Ne cherchez pas de dissemblances non plus avec le modèle de 2015 à moteur Ford 2 litres. Elles sont minimes excepté au plan de la mécanique qui a  évolué au fil du temps. Les modèles actuels ont conservé cette délicieuse silhouette d’un autre temps et surtout la même philosophie. A savoir son originale structure en bois et son surprenant essieu avant rigide coulissant qui lui procure ces sensations de conduite délicieusement vintages.



La planche de bord compte 3 gros cadrans gravés au nom de la marque

Une version à moteur Triumph

« Je voulais une voiture anglaise plus originale qu’une Triumph ou MG. L’idée d’une Morgan a muri peu à peu. J’ai choisi un modèle Plus 4 à moteur Triumph TR4 de 2,1 l, pour moi, le meilleur compromis entre la version 1600 Ford et la Plus 8 3,5 l à moteur 8 cylindres Rover.  J’ai finalement trouvé ce modèle Plus 4 en 1994 dont le moteur venait d’être refait en dépôt vente chez un garagiste. A cette époque, elle était de teinte bleu clair et était en bon état d’usage excepté la capote réparée et les contre- portes qui manquaient ».



La belle courroie en cuir qui ferme le capot était optionnelle comme le chauffage, les roues fils, les panneaux latéraux, le pare-choc arrière et les sièges baquet



Les deux gros carburateurs SU n’avaient pas de filtres à air car ils ne passaient pas sous le capot

Une Morgan d’hier comme ce modèle exhale un charme fou avec sa fameuse calandre renflée qui l’équipe depuis 1953, ses ailes rapportées datant des versions d’avant la guerre et sa silhouette bondissant et surbaissée. Car sur la photo, on ne se rend pas compte, la Morgan Plus 4 est une petite voiture haute de 119 cm seulement. Il faut montrer une belle souplesse pour se glisser dans l’habitacle très exigu surtout s’il est coiffé par la capote. Pour la décapoter et la recapoter, il faut s’armer de patience car il faut déverrouiller tous les durs ergots et jongler avec les armatures. « Il faut attendre qu’il y ait du soleil pour la décapoter car la toile froide est trop raide et on y arrivera pas» m’explique Michel. Ce jour là, le soleil timide n’arrive pas à réchauffer l’air froid.



 Michel arbore une superbe moustache très britannique



Capotée, la visibilité est plus que médiocre. La Morgan ne mesure que 1,19 m de haut

Dur, ferme, coriace, raide

Décapotée, la Morgan fait apparaître un habitacle réduit. Magnifique planche de bord en bois trouée de gros cadrans siglés Morgan, un petit levier de vitesses et un pédalier étriqué où les pieds se marchent les uns sur les autres et des sièges baquets pas tendres avec les gros popotins

Avec une bonne centaine de chevaux délivrés par le gros 4 cylindres Triumph de 2,1 l de cylindrée, la Morgan est une voiture tonique car elle ne pèse que 875 kilos (0 à 100 km/h en 10 secondes. Plus nerveuse que rapide (170 km/h) avec son Cx d’hier. Mais on n’achète pas une Morgan pour faire de la vitesse car le châssis ne le supporterait pas. Direction directe hyper coriace, freins durs, boîte Moss en béton avec en fond sonore une lancinante mélopée en 3eme, suspension en bois. Bref que des défauts qui se transforment en qualités car ils lui donnent sa fascinante personnalité et son lots de sensations fortes

Réparations coûteuses

Pourtant, elle lui en a fait voir. Suite à un accident en 1999 il a dû la faire réparer à Paris car avec son originale structure en bois de frêne sur laquelle est fixée sa carrosserie, la Morgan ne peut pas être confiée au carrossier du coin de la rue. Pour la récupérer avec un châssis et une structure en bois neufs, il a dû signer un chèque qui correspond à plus de 45 000 euros actuels. Du coup, il en a profité pour la faire repeindre en vert Connaught qui lui va mieux au teint

Le 4 cylindres qui lâche un grondement très présent aux oreilles annonce aux alentours que sa voiture arrive. C’est tant mieux car sous le capote, aves les contre portes installées, derrière le minuscule pare-brise mangé par les phares, le conducteur d’une Morgan n’y voit pas grand-chose. Trop occupé à jouir d’un bonheur qui serait certainement perçu comme du malheur dans une autre voiture.



L’adorable petite veilleuse qui surmonte les ailes au galbe sensuel



 Un écusson magique