Par le Commandant Chatel.
Mai 1981.
Je travaille à Radio-Monte-Carlo (Paris) et François Mitterrand est élu Président de la République. Tout le monde peut créer sa radio (puisque le Président socialiste a « libéré les ondes ») et un ami de mes parents me téléphone. Nous l’appellerons Monsieur C.
Il veut sa radio orientale, mais il n’y connaît rien. Il a besoin de conseils, d’émission, de techniciens… La seule chose dont il ne manque pas, c’est de l’argent. Comme je n’en ai pas, on va bien s’entendre !
Donc, au nez et à la barbe de mon employeur, je mets en place un véritable barnum… mais de nuit ! Dès 20 heures, quand le personnel quitte les locaux, nous commençons à enregistrer des émissions afin « d’occuper l’antenne ». Parallèlement, une équipe de la maintenance monte et soude un studio complet à Montmartre.
Chaque jour, vers 5 heures du matin, Monsieur C. repart avec ses disques et ses 5 ou 6 heures d’antenne enregistrées. Et chaque jour, il sort une liasse de sa poche et nous paie… Mon copain Michel, qui m’aide dans cette tache (fabriquer une radio de toute pièce !) a remarqué que Monsieur C. nous donne les billets un par un et qui si on le fixe, il arrête la distribution. Comme un jour, il le fait remarquer à Monsieur C. ce dernier le traite d’insolent ! On a bien rit.
Bref ! Monsieur C. roule à ma connaissance dans trois voitures. Une petite Jeep Suzuki (immatriculée au Luxembourg), une Rolls Royce Silver Shadow (immatriculée à Monaco) et une Lamborghini Countach (immatriculée en Italie). Il possède probablement d’autres autos, mais nous les verrons pas. Parfois, il sait quand même être discret.
Un de ces fameux petits matins où nous discutons (comme à peu près chaque fois) le prix de notre prestation et que nous sommes en train de charger le coffre de la Rolls de disque, Monsieur C. nous dit :
- Imaginez que la Silver Shadow, je l’ai louée pour vous impressionner…
- Et c’est très réussi ! répond Michel en réclamant 200 Francs de plus.
J’en ris encore 35 ans plus tard…
Un jour, Monsieur C. veut vendre sa Countach. Il l’a eu neuve. Elle a 8.000 Km. Elle est impeccable… elle n’a qu’un seul défaut, elle est blanche intérieur cuir blanc. Monsieur C. la trouve très classe. Je la trouve ignoble.
Mais une Countach, quand même, ça fait rêver (j’ai toujours adoré cette auto)… Il me propose un deal. Je lui donne 40 000 francs et des heures de travail (je ne me souviens plus combien… mais beaucoup) et la Lamborghini est à moi.
Je sais que je dois dire : OUI ! Je sais que je dois accepter ! Je sais que je n’ai pas les moyens et que je devrais louer un box… Je me triture les méninges… Et finalement, la raison l’emporte et je dis : NON…
Quelque temps plus tard, nous ne revoyons pas Monsieur C. nous avons appris à son équipe et lui tout ce que nous savons et il peut voler de ses propres ailes. Et de plus son studio a été attaqué un dimanche à la batte de base-ball par, disons, des gens qui ne pensent pas comme lui… Un de nos techniciens qui faisait des heures supplémentaires a cru que sa dernière heure était arrivée…
L’aventure ayant duré 6 ou 7 mois, nous avons beaucoup de sommeil en retard et un peu d’argent d’avance pour offrir des tournées à l’Elysée-Matignon…
Adieu la fortune, la Countach vaut aujourd'hui 400 000 euros ! Et vive la radio !
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L’avis des Petits Observateurs
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