Par Patrice Vergès. La question fait débat dans le petit monde des collectionneurs. Peut-on moderniser une voiture ancienne ? Certains sont farouchement hostiles à ce qu'on appelle "le restomod", d'autres, au contraire, y sont favorables. Vaste débat.
La tendance "restomod" va souvent bien plus loin que d'adapter des accessoires d'aujourd'hui à une voiture d'hier puisqu'elle consiste parfois à la rajeunir aussi esthétiquement en mixant du design actuel à celui d'avant comme l'ont imaginé les Américains. Ce n'est pas le sujet aujourd'hui avec la très belle Jaguar XK150 d'Alain. Dans POA, nous avons déjà essayé ce coupé sportif il y a quatre ans. /2014/09/la-jaguar-de-florence-portrait.html et nous ne reviendrons pas sur son histoire.
Rappelons que la XK150 a été produite de 1957 à 1961 à seulement 9 382 exemplaires en coupé ou en cabriolet dont la majorité a été vendue aux USA. Son fameux 6 cylindres en ligne de 3,4 l qui délivrait de 190 à 210 chevaux selon les modèles, a permis à la firme anglaise de s'imposer cinq fois aux 24 Heures du Mans entre 1951 et 1957. Comparée à la XK120/140 dont elle reprenait les dessous, la 150 embourgeoisée offrait surtout une meilleure habitabilité au prix d'un tempérament moins sportif générant une conduite plus lourde à cause de son moteur avancé.
"J'ai toujours aimé les Jaguar "
Alain a toujours roulé en ancienne puisqu'à 15 ans, sans permis de conduire, il avait déjà acheté une Citroën Traction 15-6 qui valait à l'époque une bouchée de pain. Elle a été suivie d'une longue ribambelle d'anciennes, de la Vedette en passant par une Talbot 4 litres Major, Panhard sans soupapes, Amilcar, Packard et quelques autres pas banales aujourd'hui. Cet amoureux de l'automobile roule au quotidien en coupé Jaguar 4,2 l XK V8 en aluminium, digne descendante de la XK150 et se souvient avoir possédé une Volvo V70 avec laquelle il a parcouru sans aucun ennuis 750 000 km en la vidangeant seulement tous les 50 000 km !
Rouler en Jaguar moderne l'a incité à acheter une ancienne de la même marque. " J'ai toujours aimé les Jaguar car ce sont des voitures qui me correspondent. Je trouve qu'elles ne se démodent pas et sont généralement très agréables à conduire. Je rêvais d'une Jaguar E mais comme je souhaitais la garder longtemps, j'ai pensé qu'une XK150 plus haute, plus habitable, serait plus facile à utiliser lorsque je serai plus vieux. C'est en Suède que j'ai déniché cette Jaguar datant de fin 1958. Importée des USA en 2001, elle avait été restaurée autant mécanique (moteur changé et adapté à l'essence sans plomb) que carrosserie et c'est sa couleur qui m'a séduit" .En effet, la XK150 d'Alain est d'un fascinant bleu nuit qui fait ressortir ses chromes épais.
Direction assistée, boîte synchronisée
Malgré tout le respect qu'on porte à une XK150, aujourd'hui c'est un véritable camion à conduire avec une direction à boitier Burman en béton et une boîte de vitesses Moss qui fait office de chauffage, hiver comme été. D'où le choix d'Alain de la moderniser sans altérer son esthétique ni sa philosophie avec des modifications réversibles. " Je veux une voiture qui marche et donne du plaisir pas seulement en la regardant mais en roulant". C'est un des ses amis spécialiste des anglaises, Thierry dit "l'ingénieur " qui dirige le garage " L'atelier des anglaises " à Châteauneuf en Vendée qui s'est chargé de moderniser sa voiture.
Pour faciliter le démarrage, il a adopté un allumage électronique, un alternateur à look de dynamo à la place de celle-ci et un démarreur moderne bien plus puissant et un circuit électrique plus sûr Pour améliorer son éclairage, il l'a fait équiper d'ampoules H4 et de clignotants à leds. Pour aider son refroidissement, un gros ventilateur électrique a été posé devant le radiateur d'origine épaulé par un circuit d'eau sous pression avec un vase d'expansion. Enfin une boite entièrement synchronisée avec overdrive de Jaguar XJ-6 a remplacé la trop fameuse boîte Moss qui était l'accessoire qui avait le plus vieilli dans la XK150. " Les vitesses passent en douceur avec deux doigts dans une grille et plus précise avec un régime moteur abaissé de 600 tours liées une vitesse de pointe accrue" expliqua Alain en avouant que tout est rentré au millimètre.
Plus sûre, plus agréable aussi
Pour la rendre plus sûre et aussi plus facile à conduire, il l'a équipée de ceintures de sécurité, d'un lave-glace électrique et aussi d'une direction à assistance électrique qui la rend bien moins lourde surtout en manœuvre que la Burman d'origine. Direction dont il peut modifier l'assistance et qui a imposé un volant au diamètre plus réduit que celui d'origine.
Sous une livrée identique à une XK 150 full origine, sa Jaguar est plus agréable à conduire, plus économique, plus fiable, plus sécurisante et plus performante. Parmi les possesseurs de Jaguar de collection, nombreux effectuent ce rajeunissement. D'ailleurs, de nombreuses officines spécialisées modernisent des anciennes au niveau moteur pour rouler au sans plomb, freinage, allumage. Ce sont les organes qui ont le plus vieilli. C'est assez fréquent chez les marques où il y a une filiation entre les modèles successifs comme chez Mercedes, Alfa Romeo, Ford Mustang, Land Rover, Porsche ou Renault sportives notamment Alpine.
Un crime pour les puristes
Bien que cette modernisation n'altère pas le caractère de la voiture, certains puristes sont farouchement contre en hurlant au sacrilège. Ils arguent qu'une ancienne doit rester strictement dans son jus et être identique à la fiche d'homologation de l'époque. Ils argument que c'est illégal au niveau de la loi et qu'en cas d'accident, un expert ne la remboursera pas à sa juste valeur. C'est surtout le cas depuis que les vocables "Matching numbers " et "Matching color" se sont popularisés. Argumentaire de plus value pour des officines spécialisées dans l'ancienne et de commissaires priseur qui autorise à vendre bien plus cher des voitures de collection full origine en prétextant une historique plus limpide ce qui n'est pas toujours une évidence.
Un sacrilège ou mieux partager la route ?
Ce n'est pas ma vision, pratiquant l'auto ancienne depuis l'âge de 17 ans à une époque où on les appelait encore tacot et coûtaient trois fois rien. Si les modifications n'altèrent en rien l'esthétique et la philosophie d'une voiture en permettant de l'utiliser plus souvent et plus agréablement et avec davantage de sécurité autant pour soi que pour les autres usagers avec lesquels nous partageons la route, pourquoi pas ? Même s'il fait chuter le prix de celle-ci. J'ai souvent remarqué lors d'essais que le prix d'une voiture ancienne est souvent inversement proportionnel au bonheur qu'elle apporte surtout depuis que certains commissaires priseur au verbe emphatique le laissent imaginer. Est-on plus heureux au volant d'une voiture "Matching numbers" à la batterie 6 volts qui ne démarre pas qu'une autre pas tout à fait d'origine qui démarre grâce à sa batterie 12 volts et son démarreur moderne ? Comme partout, en ancienne, l'argent est souvent la fausse monnaie du bonheur.
L’avis des Petits Observateurs
Soyez le premier a commenter
Se connecter ou s'inscrire pour poster un commentaire