Une rubrique pilotée par le Commandant Chatel.
Merci à Arnold (dont j’aime beaucoup les souvenirs) qui nous envoie cette histoire mélancolique comme j’aime…
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Vendredi 9 août 2024
Je dois avoir la vingtaine et mon ami Thierry me demande de l’accompagner pour une visite dominicale chez ses grands-parents. Ce nest pas la sortie de l'année, mais je sens qu'il ne veut pas y aller seul, alors je vais faire ma « B.A. » du jour.
L'Haÿ-les-Roses, un quartier résidentiel, une maison bourgeoise et un grand-père qui nous attend derrière le portail. Polytechnicien, ingénieur à la retraite, il a ce côté accessible et la sagesse des gens cultivés.
À l'étage, il y a son épouse, haute en couleur, un soupçon exubérante, une femme qui se veut du monde, même si aux premières paroles elle dégringole de catégorie sociale avec un verbe quelque peu venu des « bas quartiers », ce qui lui donne un côté fort sympathique !
Me voilà donc au milieu des effluves de verveine, de craquements de biscuit, de tintements de tasse sur leur soucoupe, le tout agrémenté de reproches au petit-fils qui ne donne pas souvent de nouvelles et de curiosité à mon égard qui suit l’inconnu de ce petit moments entre gens de bonne compagnie !
Et puis, il y a un blanc… je vois la vieille dame adopter un autre ton, presque solennel en direction de mon ami.
- Tu veux aller voir ton oncle ?
Sa réponse ressemble un peu à une obligation, comme s’il devait aller voir cet oncle sans en avoir envie.
- Oui, il est dans sa chambre ?
Je fais partie de cette expédition qui gravit les marches en direction de l’étage pour découvrir une sorte de « chambre-appartement », chargée de souvenirs, bibelots, livres, dossiers, le tout posé çà et là. Le personnage est là, au milieu de la pièce, un homme gêné par l’image qu’il renvoie sans doute. La cinquantaine réelle, mais beaucoup plus en apparence, peu soigné, arborant un pyjama et des charentaises aux pieds, les yeux sont fatigués et la bouteille ainsi que les cigarettes posées sur une table n’y sont pas étrangers. Les bonjours sont dans la retenue entre eux deux et je dois dire que je ne suis pas très à l’aise non plus malgré un ressenti chaleureux de ce monsieur à mon égard.
Quelle est l’histoire de cet oncle ?
Je commence à la deviner en remarquant un pan de mur rempli de photos le représentant à une époque où il devait briller. On le voit flamboyant dans des endroits festifs, champagne à la main, compagnie enviable et puis de nombreux clichés où de belles autos sont toujours présentes.
Comme il remarque mon regard curieux, il s’approche, content de voir l'intérêt que je porte à cette vie qui est désormais loin derrière lui ! Un petit jeu de devinettes commence...
- Tu l’a reconnait celle-là? une Dino, euh…..pas une Ferrari hein! une Fiat. Les potes étaient moqueurs en me demandant des nouvelles de mon coupé Audi! Attends… c’était le 2.4 et sur un Paris-Deauville, j’étais preum’s au bar du Normandy! J’peux te dire que ça chantait sous le tunnel de Saint-Cloud!
- Ca.....c'est avec la Pantera de mon pote Lulu, pas facile à garer la bestiole, fallait toujours l'aider, sinon un feu, une aile ou pire! Savait pas trop la conduire le gonze, j'crois qu'elle lui foutait les pétoches cette bagnole quand il commençait à faire parler le berlingo!
- Mon coupé 450 SLC......j'prenais toujours le plus gros moteur, comme ça, pas de regrets! Pas sanguine comme une italienne, mais pour l'envie d'aller prendre l'apéro à Cassis en sortant d'une boite parisienne avec des potes et des frangines......elle assurait la teutonne, jamais sous 200 sur l'A6. Tiens!.....tu vois la blonde là, elle avait un sacré coup de volant, elle prenait le cerceau quand j'voulais roupiller un peu! J'ouvrais un œil et je peux te dire que les aiguilles avaient mis le cap à tribord!
- Et celle la?.....si tu trouves, c'est ma tournée! C'était pas à moi, hein!...On a rencontré le proprio je sais plus où, je pense que le type voulait la vendre, mais sans le dire! Tu sèches?......une Jensen! y avait du british, du rital, moteur américain, une vraie salade niçoise le truc! Tu vois.....quand t'a deux grilles dans l'aile avant, c'est une 4X4, tu pourras frimer avec ça dans les dîners mondains!
J'ai eu le droit à bien d'autres commentaires sur les photos, anecdotes sur anecdotes, sans doute aussi des gens connus ou qui le sont devenu, mais je dois avouer que ma mémoire n'a pas tout stocké!
Et puis le mur c'est terminé, les photos aussi et je dirais même une période, alors Thierry a lancé à son oncle :
- Tu lui montre pas la corvette?
J’ai senti un changement d’ambiance, une atmosphère comme pesante, alors le tonton a sorti un album d’un tiroir et l’a ouvert presque religieusement. Il y a bien une corvette rouge avec des « side pipes » que je prends ignorant que je suis…pour des marches-pieds!
Bon……je dois avouer qu'à l’époque, je suis plutôt voitures modernes, je roule en Golf GTI, alors la corvette, c’est pour moi la caisse type du tenancier de rade en banlieue male famée ou du garagiste à la clarté plutôt obscure! Mais surtout, je suis marqué par les photos.
Les “frangines” sont devenues épouses et mamans, toujours de belles autos, mais plus familiales, plus sages…..on voit des clichés sympas avec un gamin sur le siège de l’américaine tentant de toucher le volant ou encore une jolie brune mimant une pose sensuelle sur le capot pour la blague!
On est passé de la « jet-set-champagne à la main » à « Vincent, François, Paul et les autres », avec des jardins, des maisons en travaux et des ambiances hivernales où les autos sont sales.
Très peu de commentaires, je n’ose pas poser de questions, j’ai le sentiment qu’il faut juste regarder !
C’est Thierry qui “relance” à nouveau :
- Tu l'as toujours?
- Oui, oui…..elle est toujours au sous-sol, tu veux la voir Arnold? Ça fait un bail que j’y suis pas allé, ça sera l’occasion…
Je dis pas non, même si j’imagine des nuages au-dessus de cette voiture.
À ce jeune âge, je ne suis pas encore aguerri dans la vie, mais peut-être un sixième sens qui me fait ressentir un je ne sais quoi à craindre……
Nous voilà en direction des entrailles de la maison pour pénétrer dans un premier garage ou se trouve la Mercedes du grand-père, nous traversons la pièce pour accéder au deuxième à l’éclairage faiblard. C’est là que je devine sous des draps l’énigmatique américaine. Une fois « déshabillée », elle a perdue de sa superbe. Pneus dégonflés, de la poussière, quelques coups sur la fibre.
De mémoire, l'auto doit être des années 70/75 et comme on est au début 80, c'est pas non plus de la « collection ».
Elle semble avoir été garée là après une utilisation quotidienne, mais comme si on avait voulu la remiser, coincée entre des étagères et la chaudière au fioul, peut-être punie !
L'oncle fait le tour et avec quelques difficultés prend place derrière le volant... entre le peu de place pour ouvrir la porte, la souplesse perdue de l'homme et le siège bas, il finit par « tomber sans grâce sur le fauteuil.
Des souvenirs de plus de 40 ans sont parfois approximatifs, et pourtant, je me souviens précisément de son regard juste au-dessus de la baie de pare-brise, (un modèle avec le T-Top sans doute), un regard qui semblait me dire qu'il a été quelqu'un d'autre, qu'il s'excuse de ce qu'il est aujourd'hui et je dois avouer que sans méchanceté... entre les photos et ce monsieur à la tenue négligée dans cette voiture inerte, mal éclairée avec cette odeur d'humidité du sous-sol… ce sont deux mondes opposés!
Mais surtout, et aujourd’hui encore, j’ai de l'empathie, je ressens de la tristesse et toujours cette question… mais que s'est -il passé pour en arriver là ?
Nous l’aidons à ressortir de l’auto, remettons en place les draps et avant de sortir de la pièce, Thierry me fait remarquer discrètement un des murs en me précisant qu'il m'expliquera plus tard.
Je vois en effet un mur mal construit qui bizarrement est monté devant la porte du garage, comme pour la condamner! C'est moi qui bascule le vieil interrupteur métallique et après un « clac », la Corvette retourne à sa solitude en attendant une prochaine visite sans doute lointaine.
Pas d’humanisation avec les automobiles, mais quand même……elle me fait de la peine, elle qui a dû être tant convoitée, regardée, enviée aux oreilles de certains.
Notre trio remonte à l’étage, l’oncle continu son ascension comme s’il voulait rejoindre son repaire rapidement, il salue tout le monde avec quelques mots de circonstance et disparait derrière la porte de sa chambre…
Mon ami et moi prenons également congé, accompagnés jusqu’au portail par le grand-père. Je démarre la GTI et dans une ambiance des plus silencieuses, nous prenons la route vers Montreuil.
Paradoxalement, j'ai un souvenir assez vague des explications que me donne Thierry sur cet oncle et pourtant, je me suis interrogé sur lui toute la journée !
Entre le côté "évasif" de mon ami et les pièces qui manquent au puzzle de ma mémoire, je ne suis pas sûr d'avoir eu ma réponse à la question...
Mais que s'est -il passé pour en arriver là ?
Quelques bribes me font dire que cet homme est revenu un jour à L'Haÿ-les-Roses, il a rentré sa voiture au sous-sol après un événement sans doute grave, un retour au refuge familial qui devait rester le dernier point de chute possible. Une explication de mon ami sur ce fameux « mur » monté un jour de colère, comme pour condamner cet objet maléfique rouge, cause supposée de la déchéance de son propriétaire.
La maçonnerie terminée, il a dû plonger la Corvette dans le noir, la maudissant et une fois les marches gravies, il a fermé la porte de sa chambre sur sa vie passée...
En me laissant aller, j'imagine un jour croiser une Corvette rouge, dans un rassemblement, dans un garage ou ailleurs, et là, le propriétaire me dit :
- Vous devinerez jamais comment j'ai mis la main dessus! en faisant des travaux dans une maison......j'abats un mur et.......!
Je crois que j'aurais deux trois explications à donner à ce monsieur !
Cette rubrique est aussi la vôtre !
Racontez vos anecdotes au Commandant Chatel par mail (thibautchatel@icloud.com), il se chargera de les publier. N’oubliez pas que pour « Souvenirs d’Autos » nous cherchons de l’anecdote, de l’humain, de l’humour, de l’émotion.
On oublie un peu l’arbre à came et le Weber double-corps…
Et si possible, joignez à votre histoire des photos….
On adore ça chez POA !
Merci.
L’avis des Petits Observateurs
5 commentaires au sujet de « Souvenirs d’Autos : La corvette oubliée »
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Bravo Arnold, ça c'est du Souvenir d'Auto. On dit que la vie est un long fleuve tranquille mais on oublie de préciser qu'un fleuve, ça a, depuis sa source, ses affluents, son delta, ses tempêtes, ses périodes d'étiages, que c'est souvent très long mais en réalité rarement tranquille... 😉
Vendredi 9 août 2024 à 11h55
En réponse à Nabu C
.........je regarde en ce moment une serie de documentaires appelée "au bout c'est la mer",
vous comprendrez cher Nabu, que je suis bien d'accord avec vous! 😉
Vendredi 9 août 2024 à 15h26
En réponse à arnold N
😁 😁 😁
Vendredi 9 août 2024 à 17h27
Un peu le même esprit que les belles dormantes mais avec une histoire probablement plus triste. Peut être ne faut il pas savoir...
Vendredi 9 août 2024 à 14h48
En réponse à Chapman L
En effet.......c'est le fait de ne pas ou de ne plus savoir le fin mot, qui m'a donné envie de
raconter cette histoire. Les SDA réactivent ma mémoire de façon étonnante,
des détails, des odeurs, des situations........mais finalement, je retiens le moins
triste et c'est bien ainsi! 😉
Vendredi 9 août 2024 à 15h21