Par Renaud Roubaudi. À l'heure ou tout le monde se demande dans quelle voiture le Président va remonter les Champs-Élysées, certains rêvent de la SM Présidentielle décapotable. L'occasion de revenir sur ma première voiture de Collection, la fameuse Citroën SM. Un rêve d'adolescent qui démarre en 1985...
1985. Je découvre à la télévision César et Rosalie de Claude Sautet. Dans ce film de 1972, Yves Montand interprète un riche industriel fantasque qui n’hésite pas à traverser la France à 200 km/h à bord de sa Citroën SM pour reconquérir la belle Romy Schneider.
C’est un double choc. Du haut de mes 18 ans, Montand devient mon idéal et la SM la monture indispensable à tout homme d’exception.
Je commence alors à tout collectionner sur la SM. Ce n’est pas évident, car il s’agit à l’époque d’une voiture d’occasion, mal aimée, affublée d'une réputation désastreuse.
Les ouvrages à son sujet sont rares.
Heureusement je découvre Auto Rétro (dont j’ai conservé pieusement l’exemplaire de 85) et deux ouvrages visionnaires de Fabien Sabatès.
Les années passent. Je deviens une encyclopédie vivante de la SM au grand dam de mes copains qui fantasment plutôt sur la Ferrari Testarossa.
1989. Je dois faire mes 3 jours pour le service militaire. En me rendant au Fort de Vincennes, je passe devant une concession Citroën qui expose une SM de 1973 injection électronique, gris métal, cuir noir, 132 000 km, au prix de 65 000 francs.
Mon cœur bat la chamade. Je tourne longuement autour avant d’oser rentrer m’asseoir à son bord. Étonnement, le vendeur ne me prend pas de haut malgré mon jeune âge. je comprends que ce dernier a la voiture sur les bras depuis pas mal de temps et qu’il est prêt à négocier.
Convaincu que cette auto doit être mienne, j’entreprends le soir même mes parents en leur proposant d’investir dans un placement d’avenir, une affaire à ne pas manquer, une œuvre d’art roulante… À ma grande surprise, eux qui se foutent des bagnoles, acceptent de financer l’aventure !
Nous décidons de récupérer la voiture un vendredi soir pour partir en Normandie directement.
Le jour J arrive enfin. Depuis 4 ans, j’ai lu et relu que la direction Diravi devait se manœuvrer avec doigté au risque de partir dans le décor, que la pédale champignon du freinage demandait de la douceur, que le V6 Maserati devait monter calmement en température…
Bref, nous voilà sur le périphérique à 40 km/h tellement je crains de faire une bêtise. Arrivé au tunnel de St Cloud, mon père qui lisait Le Monde sans un mot à mes côtés, baisse le journal et me dit : « bon, c’est une SM ou une 2 CV ta charrette. Je n'ai pas envie d’arriver à minuit moi ! »
Piqué au vif, je rétrograde et écrase l’accélérateur. La SM monte du nez et prend de la vitesse. Nous voilà frôlant les 200, calé sur la file de gauche, les voitures devant nous se rabattant naturellement.
Arrivés au péage de Mantes, je suis comme Neill Armstrong qui vient de marcher sur la Lune. Je conduis la meilleure voiture du monde.
Problème, au moment de repartir du péage, la SM cale et… ne redémarre pas malgré mes dizaines de coup de clé. Je me mets à transpirer. Sans hydraulique, la voiture s’affaisse tandis qu’un concert de klaxons retentit dans mon dos.
Mon père ne dit rien, il lit Le Monde, impassible. Désemparé, je sors demander de l’aide. Deux responsables du péage viennent m’aider à pousser la voiture en riant sous cape.
« Vous avez serré le moteur me dit l’un d’eux, c’est classique sur un vieux moteur qui n’a pas tourné depuis longtemps. Ces voitures c’est de la merde, elle est morte votre bagnole».
Le monde s’écroule sous mes pieds.
... Nous sommes sur le parking à attendre la dépanneuse de nuit. Nous ne disons rien. L’ambiance est surréelle.
Dans le rétroviseur, je vois le girophare du dépanneur. Par réflexe, j’ose un dernier coup de clé et… miracle, la SM redémarre.
Les deux responsables du péage sortent de la guérite et nous regardent avec des yeux ronds. Mon père qui n’avait pas dit un mot jusque-là baisse sa vitre et leur dit : « salut les cons » et se tourne vers moi: « on se tire ! »
Nous nous enfuyons comme des voleurs heureux de leur casse réussi.
Je dois confesser que nous avons calé à chaque péage et que nous sommes arrivés à 3 heures du matin. Chaude, la SM refusait obstinément de redémarrer.
A suivre : La SM du président (deuxième partie)
L’avis des Petits Observateurs
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