Souvenirs d'auto (2) : La Mobylette du Général de Gaulle

Je m’appelle Thibaut, je suis né en 1959. Mon enfance se déroule donc dans les années 60 et mon adolescence dans les années 70. Il se trouve que j’ai toujours adoré les automobiles… Sans doute parce que j’aime l’idée de liberté. On monte dans sa voiture, on démarre, on s’en va ailleurs. Là où il fait beau, au bord de la mer, à la campagne… peu importe. De temps en temps, je repense à des histoires d’enfance, d’adolescence, de jeunesse et j’ai décidé de les livrer à P.O.A

Nous sommes en 1966. Nous habitons à Puteaux, avec ma mère, mon père, mes frères. L’appartement est petit, mais tout le monde s’entend bien. En mai, mon père, François (c’est un réalisateur de télévision assez lancé ) fête ses 40 ans. Il invite tous ses amis à une soirée costumée.

(Mon père à cette époque avec Pierre Tchernia)

Tout le monde joue le jeu. Les invités déboulent en riant, déguisés en cow-boy, en maharadja, en James Bond… c’est très rigolo. Soudain, dans la rue c’est presque l’émeute. Les voisins hurlent « Vive le général ! ». On se précipite sur le balcon, le grand copain de mon père, Jacques Ary passe dans la rue au volant de son énorme Cadillac. Il salue de la main… déguisé en général de Gaulle ! Mais attention, Jacques est un pro. Le maquillage est parfait (faux nez plus vrai que nature) comme le faux ventre sous l’uniforme et les médailles…



Jacques Ary était un comique en avance sur son temps qui passait dans les cabarets et vendait par écrit des gags à Jerry Lewis. Un grand type (il joue le flic dans Le Corniaud (photo ci dessus) ) très drôle, charmant, charmeur, et qui adorait faire rire ses copains en montant des canulars insensés. Bref, les habitants de Puteaux, les Putéoliens, descendent de chez eux pour saluer le général de Gaulle seul au volant de sa Cadillac… puis en faisant le tour de sa voiture, ils se mettent à faire une drôle de tête en regardant l’arrière. Le voisin d’en dessous, je crois qu’il s’appelait Monsieur Poirotte, semble particulièrement intrigué par la marque de l’auto.



Il s’approche de Jacques et lui dit :

-       C’est… c’est Mobylette qui fabrique cette grosse voiture, mon Général  ?

Le général de Gaulle-Ary lui répond :

-       Oui, mon ami ! On relance l’industrie automobile, il faut voir grand !

Nous descendons le rejoindre. Et nous comprenons le gag. Jacques a retiré la marque « Cadillac » à l’arrière et a faire poser une belle pièce moulée et chromée représentant le logo « Mobylette ». Comme toujours avec Jacques ça a été parfaitement fait. C’est ainsi qu’en mai 1966, des Putéoliens ont salué le général de Gaulle, seul, au volant de sa Mobylette de 6 mètres de long ! À minuit, tous les invités descendent dans la rue pour faire une photo de groupe. Jacques Ary a encore un tour dans son sac. Il dévisse la plaque de la rue (rue Roque de Fillol) et en installe une autre : « Rue François Chatel ». Ils prennent tous la pose. Clic-clac.

Vive la Mobylette !, Vive la France ! , Vive Jacques Ary !

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