Renault Caravelle S : on ne vit que deux fois !

Le cabriolet que vous avez sous les yeux est l'un des derniers produits baptisé Caravelle S (type 1133 S) qui existait convertible avec toit en dur comme ce dernier et aussi en coupé 2+2 au toit fixe. A cette époque, on a lui reprochait son manque de virilité comme on disait alors en l'affublant de qualificatifs qui seraient jugés sexistes aujourd'hui. Elle fut surtout goûtée par une clientèle féminine dans les beaux quartiers.

La S se reconnaissait à ses clignotants rectangulaires et son logo de capot. Elle avait conservé les avertisseurs Jéricho montés sous le pare-choc depuis la R113

Serge a conservé les enjoliveurs qui ne sont pas d'origine qui coiffaient les roues de 15 pouces empruntées à la R8

Dérivée de la Dauphine puis R8

À la fin des années cinquante, Renault vendait beaucoup de Dauphine aux USA. Pour concurrencer la VW Karmann Ghia, Renault demanda au styliste italien Pietro Frua de dessiner un cabriolet extrapolé de la Dauphine. Il vit le jour en juin 1959 vendu aux USA sous le nom de Caravelle contre Floride en Europe.  La première version type 1092 était motorisée par son 850 cm3 poussé à 40 ch SAE. Cette puissance ne lui permettait pas d'être qualifiée de véritable sportive mais la VW faisait pire encore. Hélas, Renault s'écroula aux USA dès 1961 en limitant les ventes de la Floride au marché uniquement européen.

Pour mieux le satisfaire, en 1962 Renault adopta le train roulant et la mécanique de la R8. Avec 51 ch, il y avait un mieux mais pas suffisamment ce qui incita dès 1964 à la motoriser avec le 1108 cm3 de la Major poussé à 55 ch lui permettant 142 km/h. Jusque là, c'est clair ?

La Floride et Caravelle à moteur R8 avait perdu leurs entrées d'air latérales ainsi que sa sortie masquée par un enjoliveur chromé. L'entrée d'air du radiateur se faisait sur le capot moteur

La S se reconnaissait à sa planche de bord plus sportive et son agréable volant à faux trous

Je ne voulais qu'une S

Fin 1965, sous le nom générique de Caravelle avec le montage d'un carburateur Weber double corps, sa mécanique grimpa, accrochez vous, à 57,5 ch (précis hein !) comme celle de Serge. Avec cette puissance folle, la S qualifiant cette version plus affutée, pointait à 145 km/h. Même à cette époque, ce n'était déjà plus suffisant pour en faire une sportive. Cela dit, sa nouvelle concurrence, le cabriolet 204 ne faisait pas mieux.

Le Cléon Fonte 5 paliers a remplacé le moteur de la Dauphine en 1962, d'abord en 956 cm3 puis en 1108 cm3 en deux puissances

La Caravelle était proposée en deux places en version cabriolet hard-top ou 2+2 avec le pavillon fixe

Après avoir croisé ce cabriolet dans ses sorties de clubs d'anciennes et ayant apprécié sa silhouette élégante ainsi que son coté populaire et discret, Serge s'est mis en quête d'une Caravelle S. Version qui n'a été produite que trois ans de juillet 65 à juillet 1968 à seulement à 9309 exemplaires sur les 117 000 fabriquées.

"Je voulais absolument une Caravelle S qui me plaisait par sa planche de bord sportive avec ses deux gros cadrans dont un compte-tours et son moteur plus puissant. C'est un modèle rare et surtout très recherché. Fin 2020, j'en ai finalement trouvé une de 1967 (2291 fabriquées) à Saint Rémy de Provence. Son moteur d'origine fonctionnait bien et sa carrosserie était saine ce qui n'était pas le cas du reste un peu fatigué. J'ai beaucoup investi dessus mais quand on aime, on ne compte pas"

La Floride a  servi de banque d'organes pour de nombreuses sportives des sixties. On retrouvait ces belles poignées sur les Alpine et Matra Djet

En 1967, c'était la mode des rétroviseurs obus comme la Lotus F1 de Jim Clark. Une loi de 1972 obligera qu'il soit manipulable du siège du conducteur

Conseillé par le sympathique club Floride-Caravelle, Serge a refait ou fait refaire le train avant, changé tous les silentblocs, les amortisseurs, monté des pneus plus larges de 145 qu'à l'origine améliorant sa tenue de route, changé la capote, tous les chromes et les logos, la faire repeindre dans sa teinte d'origine blanche Kilimandjaro. Plusieurs milliers d'euros d'investissement. Aujourd'hui, sa Caravelle S qui brille sous le soleil semble sortir de chez Brissonneau et Lotz à Creil qui assurait son montage à partir des éléments de tôlerie emboutis par Chausson.

Bien améliorée

D'avoir adopté dès 1962 le train roulant de la R8, avait amélioré ses qualités routières de même que son freinage confié à quatre freins à disque. Mais ses dimensions plus importantes (4,26 m) et ses importantes portes à faux liés à sa répartition des masses (35%-65%) et un poids supérieur de plus de 100 kilos en faisaient une voiture moins agile que la R8. Elle était pourtant agréable à conduire grâce à la douceur de sa mécanique, sa direction précise, son freinage efficient, sa boîte de vitesses douce et son relatif confort.

Pare-soleil d'origine qui ont perdu leur transparence également montés sur les Alpine et Matra. Ils valent une  belle somme neuf ou d'occasion

Serge souhaitait un cabriolet populaire et pas ostentatoire. La Caravelle le ravit

En ligne droite, la Caravelle montrait une honnête rigidité surtout coiffé du hard-top ou en version coupé. Décapotée, on la sentait quand même se tortiller du fondement sur petites routes, mal posée sur ses étroits pneumatiques de 135X15. Cela dit, à cette époque, il y avait bien pire ailleurs.

Assis en travers

Nous partons nous balader, décapoté sous le soleil, pour dénicher un endroit pour la photographier. La position de conduite déroute aujourd'hui, trop proche du volant et surtout les pieds repoussés au centre de la voiture à cause des épais passages de roues.  Le sièges étonnent par leur moelleux tandis que l'oreille retrouve la sonorité caractéristique du bon vieux Cléon Fonte qui provient de l'arrière. " C'est une voiture très agréable à conduire avec une direction douce et une boîte précise et un moteur souple et des sièges étonnamment confortables. Il ne faut pas oublier que c'est une vieille dame et je ne dépasse pas   90 km/h où un filet que j'ai adapté, évite les remous d'hier. Sa vision fait sourire les personnes rencontrées toujours aimables " explique Serge. En effet, lors de la séance photos, parmi les personnes croisées, une promeneuse a été très émue par sa vue car la Floride avait été sa première voiture à 18 ans.

Brigitte Bardot a beaucoup posé au volant de ses Floride et Caravelle

La version décapotable était livrée avec un hard-top en dur qui améliorait sa rigidité lorsqu'il était fixé

Malgré les efforts de Renault pour lui donner une image plus agressive à l'aide de chevaux supplémentaires, la S ne sauva pas la Caravelle. Il en reste fort peu en bon état car la corrosion n'a pas été vraiment tendre avec elle. Mais quelle jolie silhouette qu'elle partageait avec celle aussi agréable de Brigitte Bardot qui fut son égérie !