Par Patrice Vergès. Le retour d’Alpine incite à revenir sur l’histoire de cette marque française qui a fait rêver une génération de passionnés de sport automobile. Après la période 1955-1973, nous évoquons aujourd'hui les années 1971 à 1995.
Trop radicale, la Berlinette n'est pas suffisamment commerciale pour séduire une clientèle plus bourgeoise comme celle de Porsche. Alpine travaille depuis longtemps sur un coupé 2+2 plus habitable baptisé A310 dévoilé en mars 1971. Plus commercial, il ouvre de nouvelles ambitions à la marque dieppoise avec des cadences de production bien supérieures à celles de l'A110 en se posant désormais en concurrent de la Porsche 911.
Malgré d'indéniables qualités et une esthétique particulièrement réussie, l'A310 déçoit la clientèle par sa motorisation trop timide confiée aux 4 cylindres 1600 cm3 de 120 chevaux dérivé de la Renault 12 Gordini et sa finition trop artisanale. Mais Alpine ne dispose pas de moteurs plus puissants dans la gamme Renault. Au prix où est vendue l'A310, sa clientèle est devenue plus exigeante.
Les maux bleus
Entreprise familiale, Alpine a grandi certainement trop vite et sans structure. Peu de temps après, une grève dure paralyse la firme entraînant des difficultés de paiement. Rédélé pensera toujours qu'il avait été victime d'un complot. Hélas, il m'interdira de le publier. C'est justement curieusement à cette époque que Renault lui fait des propositions pour entrer dans son capital. Ce dernier accepte à condition de garantie l’emploi du personnel (900 personnes) ce que fait le Régie en 1974 quand la crise pétrolière et la limitation de vitesse font plonger dramatiquement les ventes d'Alpine.
Mais au fil du temps, il perçoit qu’il n’est plus le maître à bord même si Renault fait perdurer le nom à travers la R5 Alpine. En 1978, Jean Rédélé cède la totalité de ses parts et revient à son premier métier de concessionnaire.
Renault se retrouve avec l'A310 4 cylindres dont les ventes piétinent à moins de 1000 unités par an. Si le montage du gros V6 PRV de 2,7 l de 150 chevaux de la nouvelle Renault 30 lui apporte enfin la puissance tant attendue, cette grand tourisme reste une voiture pointue à conduire en manque de sophistication mécanique par rapport aux autres sportives et d'une bonne qualité de fabrication. Le nom Alpine n'est pas une priorité pour Renault qui l'utilise sur son prototype A442 qui lui permet de s'imposer aux 24 heures du Mans 1978.
Sauvée par le V6 !
L'A310 évoluera trop petitement en accueillant une boîte enfin à 5 rapports en 1979 (celle de la R30 TX) et un train roulant plus sophistiqué en 1981 (celui de R 5 Turbo) et d'un kit carrosserie groupe 4 plus agressif, sa meilleure année de production de l'A310 avec 1284 unités vendues. Après plus de 14 ans de production, l'A310 tire sa révérence après plus de 11 000 exemplaires produits dont 9 166 V6.
En 1985, Alpine nourrit plus d'espoirs sur sa nouvelle GTA toujours fidèle à l'esprit de l'A310 avec son moteur en porte à faux accroché à une poutre centrale habillée d'une carrosserie très aérodynamique. Enfin, elle n'est désormais plus sous-motorisée puisque la version Turbo, au moteur de la R25 Turbo poussé à 200 ch frôle les 250 km/h. Mais elle souffre des mêmes vices que ses aînées. Malgré ses qualités, ses ventes resteront modestes ne dépassant pas 1300 exemplaires par an dans ses meilleures années avant de sombrer. Après 6491 exemplaires, la GTA laisse la place en 1991 à l'Alpine A610.
A610, le chant du Cygne!
L'Alpine A610 extrapolée de la GTA, gomme nombre de ses défauts mais pas suffisamment. Elle cache la structure de la GTA animée toujours par le V6 en porte à faux porté à 3 litres et 250 chevaux dans sa version la plus véloce. Mais sa finition reste perfectible eu égard à son prix de vente bien trop élevé justifié par des cadences trop faibles de 10 unités par jour.
L'image d'Alpine s'est délitée dans l'esprit du public, l'épopée de la Berlinette en rallyes est déjà bien lointaine et la clientèle des années 90 est plus sensible à la fiabilité d'une Porsche ou l'image d'une Ferrari. La 610 est un colossal échec avec seulement 818 voitures produites en 5 ans. En 1995, dans l'indifférence, la marque disparaît juste 40 ans après sa naissance !
Alpine is back !
Pourtant, un peu plus tard, Renault en quête d'image retravaille sur un petit coupé sportif qui reprend les fondamentaux de la première A110. Mais en 1999, le projet W71 jugé peu rentable est abandonné à la grande déception de son créateur qui espéra, jusqu'à la fin, à la renaissance de sa marque. Rédélé continua partager sa vie entre ses concessions, son voilier, Formule 1 des océans, et de nombreuses et sympathiques commémorations autour d’Alpine jusqu'en en août 2007 où la mort viendra le saisir à l'âge de 85 ans.
Cinq ans plus tard, en 2012, Carlos Ghosn annoncera enfin le retour d'Alpine. Après quelques atermoiements, notamment le départ de son initiateur Carlos Tavarés et changement de partenaire, la marque Alpine renait enfin de ses cendres en revenant en compétition en WC2 avant de dévoiler la nouvelle Berlinette en 2016. La vente en seulement 48 heures des 1955 contrats de la future A110 permet de fonder de gros espoirs sur la passion que suscite toujours la marque bleue qui nous a fait tant rêver...
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