Patrice Vergès. Le regretté Jean d'Ormesson usait volontiers de l'adjectif délicieusement suranné d'épatant signifiant formidable ou admirable qui qualifie merveilleusement le retour de la marque en général et de l'Alpine A110 en particulier.
Avant que le trio infernal en prenne plus longuement le volant en vidéo, voici quelques brèves impressions ressenties à son bord. La Berlinette Alpine est ancrée dans ma jeunesse. Travaillant alors pour le magazine Échappement, il n'était pas rare que mes yeux en comptent plus de 25 au départ d'une course de côte ou d'un rallye où elles s'imposaient fréquemment. C'était minuscule coupé où on se glissait dans l'habitacle comme on enfile une paire de gants de cuir avant de la faire virevolter dans les virages.
L'esprit de la précédente
Si la nouvelle Alpine A110 en a repris d'abord l'esprit, les courbes douces intemporelles mais sensuelles néo-rétro de l'ancienne produite de 1960 à 1977 ainsi que son sigle, elle n'est pas tombée dans la pâle copie. Avec 1,25 m de haut contre 1,13 cm, la dernière Alpine A110 est plus volumineuse et heureusement plus habitable. Miracle, grâce à un seul de porte étroit et une porte remontant haut sur le toit, il est aisé de s'inscrire à son bord sans baisser la tête pour s'asseoir dans un siège baquet allégé non seulement magnifique comme un sculpture mais étonnamment confortable. Il sera facile de vivre au quotidien dans l'A110 quand les problèmes de rangement cruellement absents sur les premiers modèles seront résolus ce qui est prévu mais ne résoudront pas la taille trop réduite des deux coffres. L'Alpine devait être la plus compacte possible.
L'habitacle où on peut étendre ses coudes a également repris le design de l'ancienne dans l'aspect de ses contre-portes et de sa planche de bord avec un zeste de modernité sous forme d'un affichage digital de l'instrumentation qui varie selon le mode de conduite et des diverses commandes digitales. Certains confrères ont critiqué l'emploi de commodos de Renault qui ne me choquent pas d'autant que c'est dans l'esprit de la précédente qui utilisait beaucoup de pièces de voitures de série d'alors notamment des clignotants avant de Citroën Dyane ! Et si la finition ne vaut pas celle d'une Audi TT ou d'une Porsche Cayman, rien ne m'a offusqué excepté le reflet de la visière en carbone dans le pare-brise.
Que du plaisir
Grace à une carrosserie et un châssis en aluminium et du vrai carbone ici ou là, l'Alpine A110 pèse moins de 1100 kilos ce qui est un exploit aujourd'hui mais qu'on ne manquera pas d'opposer aux 750 de l'aînée. Les suspensions à double triangulation sont particulièrement efficaces et souples ce qui étonne et détonne sur une sportive aussi radicale. Efficace mais surtout étonnement confortable, l'A110 avale les ralentisseurs même en mode Sport en souplesse, sans racler ni casser le dos. Bluffant !
Grace à son idéale répartition de masses (44/56) né de son moteur implanté en position centrale transversale, l'Alpine A110 se révèle également d'une plaisante mobilité et légèreté en donnant le sentiment d'être colée à la route. Grace à sa direction précise mais douce, la voiture s'inscrit dans les virages avec une gourmandise jamais rassasiée en virant à plat. Un pur régal. En circuit, elle accepte de dériver légèrement du train arrière mais en prévenant gentiment. Proprement. Loin de son aînée au rapport des masses délirant qui exigeait une finesse de conduite et un long apprentissage pour tenter de devenir l'ombre de l'égal de Therier, Andruet ou Darniche. Une voiture que j'ai beaucoup pratiquée à son volant. Grace à trois modes de conduite, confort, sport et circuit, on peut modifier son comportement qui reste dans la plupart des cas amusant et sécurisant à la fois.
Zéro à 100 en 4,5 secondes
Avec l'Alpine A110, on peut perdre son permis de conduire en 4,5 secondes, temps nécessaire pour qu'elle avale le zéro à cent. Une belle perf due à son poids réduit et aux 252 chevaux de son 1800 cm3 TCe turbo signé Renault. Il permet des performances de haut niveau avec 250 km/h en pointe et des reprises musclées bien servies par une boîte automatique EDC7 à 7 rapports à double embrayage que d'aucun ont qualifié d'un peu lente. Peut-être. Mais ô combien bien plus agréable à utiliser qu'une pédale d'embrayage.
Certains puristes ont également regretté une puissance un peu juste par rapport à une Porsche Cayman. C'est vrai. On m'a expliqué que ce moteur pouvait facilement délivrer quelques chevaux en plus (280 ch) comme sur la version Cup ou Mégane RS. Mais dans ce cas, il aurait exigé des freins plus gros et des roues plus larges (205 à l'avant et 235) générant une aérodynamique moins bonne, un poids accru et l'équilibre général. Tout ceci aurait augmenté sa consommation et sa pollution qui restent très maîtrisée (138 g/km) dont le malus ne sera que de 860 euros en 2018 contre bien plus pour la concurrence nommée Audi TT ou Porsche 718. Ce qui donne à réfléchir. Surtout en mode Sport, le 4 cylindres génère une sonorité somptueuse (réelle sans artifice) dont les crépitements réjouissants en décélération sont liés à un voluptueux bruit d'aspiration laissant imaginer qu'il est encore alimenté par deux goulus carburateurs Weber de 45 comme la 1600 S.
Passionnante
Produite au rythme d'une dizaine de voitures par jour avant de grimper à une vingtaine, l'Alpine A110 va connaître de longs délais de livraison du moins au début. Si la version Première Edition dont les 1955 exemplaires ont été vendus en moins de 2 jours coûte 58 500 euros, les normales devraient être proposées à des tarifs inférieurs de 50/55 000 euros. C'était en euros constants, sensiblement le tarif de la Berlinette 1600 S en 1973. J'avoue avoir fait partie des sceptiques face à cette nouvelle A110 ne croyant guère au retour de la marque après tant d'années et une fin aussi misérable. J'avais tort. L'attitude ses personnes croisées sur la route qui se manifestait par des appels de phares et des pouces levés et des visages souriants est très rassurante surtout dans le climat d'autophobie qui règne aujourd'hui.
Cela dit, malgré ses merveilleuses qualités, l'Alpine A110 ne connaîtra pas l'engouement magique qu'elle suscitait alors parce que les temps ont changé, rouler en voiture de sport est un pêché et qu'elle n'aura pas en compétition (malgré une version Cup) la glorieuse destinée de son aînée. En rallye, celle-ci se permettait d'être plus rapide que les Porsche bien plus puissantes pourtant, performances qui l'ont lui ont permises d'être championne du monde des rallyes en 1973.
Enfin, la Berlinette d'antan était la plus vivante des voitures car elle exhalait des odeurs intimes faites d'un subtil cocktail de colle, de polyester et d'essence (il ne fallait jamais remplir le réservoir à fond). Pour sa clientèle de vieux nostalgiques assez nombreux sur les 1955 de vendues, je suggère qu'Alpine monte un diffuseur d'odeurs (Digital Scent Techonologies) qui émettrait ce parfum inoubliable. Quant à moi, j'ai adoré cette A110 qui restera l'un de mes plus beaux souvenirs parmi 1600 voitures essayées.
L’avis des Petits Observateurs
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