Souvenirs d'Autos

Souvenirs d’Autos (428) : L’alignement des planètes

Écrit par

Thibaut Chatel (Commandant Chatel, Petites Observations Automobiles)

Une rubrique pilotée par le Commandant Chatel. Merci, Arnold, pour ce moment… magique !

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Vendredi 20 octobre 2023


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Photo Thibaut

Thibaut Chatel Petites Observations Automobiles - Commandant Chatel

Alias "Commandant Chatel"  de POA.

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Il y a parfois dans la vie de l'automobiliste des moments de grâce où la route devient poésie.

Il y a bien longtemps, le parisien que je suis rejoint la grande bleue un été. Je suis jeune, je suis libre et je conduis une auto qui me plaît.

J'aime que le voyage fasse partie des vacances, qu'il ne soit pas seulement l'épisode "utile" pour rejoindre le lieu de villégiature, j'aime ce moment de transition permettant de changer en douceur de climat, de paysages, d'odeurs, d'ambiance... alors, naturellement je délaisse le grand ruban, d'autant que cette année, je veux musarder sur "La route Napoléon" avec ses villes et villages qui me font déjà rêver !

C'est une soirée d'été, il est peut-être 20h ou plus, Grenoble est déjà loin derrière, pas de sportivité dans ma conduite, mais plutôt un enroulé rapide et propre, peu de monde sur la route, c'est l'heure des apéritifs entre vacanciers, la préparation du barbecue. La chaleur n'est plus la même qu'en journée, elle est produite par la route chaude, les grands murs ayant emmagasiné le soleil pendant la journée.  

Les vitres et le toit sont ouverts, le goudron presque liquide par endroits émet des bruits sous les pneus comme par temps de pluie et puis... il y a le son, la mélodie du "Devil" résonnant contre les parois rocheuses que je modère en jouant avec le régime moteur, je suis le chef d'orchestre de ce concert pour tubulures et chicanes savamment étudié pour les mélomanes de ce concerto en quatre temps. 


Je me sens l'être choisi pour ce moment de bonheur, une sensation de rareté où les éléments sont réunis pour ces instants privilégiés. Je ne saurais dire si mon estomac m'a commandé de faire une halte en voyant ce petit "gastro" éphémère, un de ces endroits qui serait démonté une fois les vacances terminées... ou l'inverse. 

J'arrête mon bolide et je soigne ma descente de l'auto... j'aime être cet étranger venant de loin, ayant abattu de nombreux kilomètres, alors devant les quelques autochtones accoudés à ce bar extérieur, je prends place à une table et commande un plat chaud avec un pichet de rosé.

Je me dis que comme dans la chanson de Vassiliu, je suis la curiosité du moment, les quelques vapeurs d'huile chaude et la couleur grisâtre des sorties d'échappement, font que l'amateur avisé reconnaitra un rythme soutenu, le "super' de l'époque permettant de visualiser le bon réglage moteur, ainsi que la pression du pied droit du pilote!

Le bruit rageur d'un double arbre italien met fin au rôle principal que je tiens... L'italienne envahit le parking en terre, agrémentant mon assiette de poussière! Une bande de jeunes en sort. Ils sont sympathiques, joyeux, ils vont animer la fin de mon repas avec des blagues graveleuses, paradant entre le bar et l'auto qui est leur faire valoir, espérant attirer le regard de quelques jeunes filles présentes, surtout un plus grand, plus beau avec un bagou à la "Gassman" dans le Fanfaron.

Je prends congé de tout ce petit monde, remontant dans mon auto en gardant une part de mystère sur d'où je viens, où je vais, qui je suis... un coup de clé et la mécanique germanique fait entendre son grondement.

Je monte raisonnablement les rapports, le compte-tours est là, mais c'est mon oreille qui me guide, je choisis les variations comme si je choisissais ma musique, le volume, le tempo. Un léger coup de gaz entre les vitesses pour le plaisir et puis je me délecte des retours en décélération, des sons amplifiés par "l'auditorium" de cette nuit d'été dans ces départements si évocateurs.

Je m'enfonce doucement dans la nuit, la fatigue fait son apparition et le rosé se rappelle à mon bon souvenir ! La direction devient plus lourde, l'embrayage aussi, je suis moins précis, les trajectoires sont moins soignées, alors il est temps de m'arrêter.

Dans les phares, je devine un mirador, un espace arrondi avec un muret en pierre.... ça sera là, je coupe le moteur, il reste le chant des cigales et un bruit de rivière, j'incline le dossier du siège et je m'allonge, la température est idéale, je regarde le ciel par le toit, c'est une nuit claire peuplée d'étoiles, j'entends comme un métronome, les bruits secs et réguliers du moteur qui refroidit.
 
Je vais bientôt m'endormir et en regardant une dernière fois le ciel, je me dis que durant cette journée, les planètes étaient particulièrement bien alignées !

Cette rubrique est aussi la vôtre !

Racontez vos anecdotes au Commandant Chatel par mail (thibautchatel@icloud.com), il se chargera de les publier. N’oubliez pas que pour « Souvenirs d’Autos » nous cherchons de l’anecdote, de l’humain, de l’humour, de l’émotion. 

On oublie un peu l’arbre à came et le Weber double-corps… Et si possible, joignez à votre histoire des photos…. On adore ça chez POA !

Merci.

L’avis des Petits Observateurs

10 commentaires au sujet de « Souvenirs d’Autos (428) : L’alignement des planètes »

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Merci pour ce très beau voyage, Arnold.
On ne s'en lasse pas, dès que j'ai un moment, promis, je me le refais...
😉
Avec tous mes respects au Commanche !

Vendredi 13 octobre 2023 à 09h34

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En réponse à arnold N

Il se trouve que la vie m'a donné le privilège de vivre sur la route des Grandes Alpes. Aussi, lorsque je descends recharger mes batteries de bonne humeur au doux soleil de la méditerranée, je saute dans mon petit cabrio et hop, à moi les parfums et les musiques du voyage. Autant vous dire que je n'emprunte, autant que possible, jamais le ruban monotone, surtout que je ne comprends pas l'intérêt de payer pour plus de danger... 😏

Vendredi 13 octobre 2023 à 17h48

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Comme je vous comprend Arnold, j'adore ces routes, loin des péages, chemins de traverse pour la Suisse, l'Italie, l'Allemagne, la Belgique et le premier arrêt après la frontière pour s'imprégner de l'ambiance locale et arriver à destination, sans pression, sans horaires...
Merci pour l'ambiance, les sons, les odeurs, tout y est!

Vendredi 13 octobre 2023 à 13h24

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Quand la lumière est belle, le temps est beau, les fenêtres ouvertes sur les odeurs de la nature, la route sinueuse juste ce qu'il faut, que l'auto radio diffuse la musique idoine et que la voiture nous sied parfaitement.... Ah j'oubliais, et qu'on est seul à bord parce que ces moments là sont quasi impossibles à partager (peut être un vieil ami d'enfance avec lequel on a beaucoup bourlingué.... Et encore) alors là oui, il s'agit d'un moment qui reste gravé dans notre mémoire.
Merci Arnold de nous aider à nous souvenirs de ces instants fugaces.
Tiens, un petit sda sauvage.
Un soir de pluie, je remonte une rue du 14ieme arrondissement de Paris au volant d'une id 19 de 1963, la vitre est entre ouverte pour la buée et la fumée de ma gitane sans filtre, les essuies glaces dispersent avec grâce (il s'agit des premiers montages au fonctionnement opposé) le crachin parisien qui rend les pavés luisants juste comme il faut, avec les reflets des lampadaires sur la carrosserie mouillée, Tom Waits grogne son "blue Valentine" dans les hauts parleurs, je suis seul à bord et un peu comme dans la chanson de Brassens "les passantes" , vous vous souvenez? "celle qu'on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s'évanouit"......
Je devais avoir vingt ans et je m'en souviens comme si c'était hier.

Vendredi 13 octobre 2023 à 18h21

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En réponse à Chapman L

.........je vois l'id bien sale, cabossée, pas soignée, odorante de
l'échappement, bref........une image plus en rapport avec un vieu
film de l'époque ou des images de l'INA, qu'une production 2023
avec des autos de collection louées pour l'occasion.
Un vrai souvenir qui doit rester dans son époque, j'entends d'içi
le bruit caractérisque du vieux quatre cylindres !!! 😉

Vendredi 13 octobre 2023 à 19h03

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Bel épisode. C'est souvent quand le soleil s'efface, en soirée ou au coeur de la nuit, que le plaisir automobile est à son maximum. Pour prolonger le voyage, une vidéo dans le même "mood" = www.youtube.com

Samedi 14 octobre 2023 à 11h29

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Beau moment, si bien décrit qui m'a fait remonter un petit souvenir. Je n'ai pris qu'une fois la route Napoléon pour descendre à Golfe-Juan et ce fut l'occasion d'une bonne mais gentille "arsouille" avec un allemand en Porsche 914 jaune et moi en Alfasud, rouge derrière mais ... pas loin. Il tourna quelque part au bout d'une bonne dizaine de kilomètres en me faisant un sympathique salut que je lui rendis et je repris plus calmement ma route. On est en 1981/1982, pas sur qu'il soit possible de refaire la même chose aujourd'hui!

Dimanche 15 octobre 2023 à 18h10

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