Souvenirs d'Autos

Souvenirs d’Autos (410) : Y a un bruit !

Écrit par

Thibaut Chatel (Commandant Chatel, Petites Observations Automobiles)

Une rubrique pilotée par le Commandant Chatel. Après Frédéric, très fidèle à cette rubrique, c’est Sylvie, sa compagne, qui passe aux aveux !

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Vendredi 17 mars 2023


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Photo Thibaut

Thibaut Chatel Petites Observations Automobiles - Commandant Chatel

Alias "Commandant Chatel"  de POA.

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Fin d'hiver 2014-2015. Nous sommes en Espagne, sur le circuit de Motorland Aragon. 

J'accompagne Frédéric qui est là pour raison professionnelles. Il a en effet réussi à entrer en tant que directeur des opérations dans une équipe privée de LMP2 qui « monte » cette année du championnat ELMS (European Le Mans Series) en Championnat du Monde WEC (World Endurance Championship). En fait, il y fait ce qu'il sait faire... s'occuper d'argent ! Car il est principalement en charge des finances et de l'organisation au sens large. Et puis, je serais réquisitionnée sur les courses pour le ravitaillement et essence. Il est donc bon que je me familiarise avec le fonctionnement de l'équipe sur les circuits. 

Nous aidons donc, mais n'avons ni l'un ni l'autre grand-chose à faire. Hormis le thé dont nous partageons le secret du mélange avec « Red face », l'ingénieur motoriste que Judd nous a détaché pour veiller sur les précieux V8 (que nous louons 50.000 GBP pour 50 heures de fonctionnement ! Mais rassurez-vous, la LMP2 est officiellement une catégorie « à coûts limités »...). 

Alors que nos deux voitures (à l'époque) tournent, j'entends un bruit anormal sur l'une d'elles. 
Lorsque la 39 rentre au stand, je m'approche du chef de voiture qui discute avec l'ingénieur de cette voiture : « Elle fait un bruit bizarre à l'avant. Comme un ronflement de vibrations. ». Avant que les deux n'aient eu le temps de me demander de préciser mes propos, Benoît, le patron de l'équipe intervient avec la délicatesse dont il est coutumier : « C'est gentil de t'intéresser, mais tu n'y connais rien. Laisse-nous travailler. ». 

Tout d'abord stupéfaite de cette brutale interruption, puis furieuse de ce manque flagrant de savoir-vivre, je « moule mon cake » devant les mécanos et vais m'installer derrière le stand dans un rayon soleil. 

Frédéric me dit penser que c'est une erreur de ne pas tenir compte de mon avis. Car jusqu'à ce que je vienne vivre avec lui, j'étais responsable d'un service d'assurance-qualité dans la micro-mécanique, et ai développé un sens de la mécanique qui semble assez affuté. 

Après l'interruption pour une rapide collation, nous montons dans la voiture de l'attaché de presse de l'équipe pour découvrir le circuit et faire des photos depuis différents points de vue. 

Mais c'est drôle, nous ne voyons passer qu'une seule de nos voitures... 

Nous rentrons donc rapidement. Alors que nous pénétrons dans le stand, je m'arrête un instant, interdite. Puis affiche délibérément un large sourire triomphal afin que tout le monde le voie ! 
L'avant de la 39 git au sol en pièces détachées. 
Non pas juste le simple démontage du splitter (en fait, le « nez » de la voiture) comme en cas d'accident ou pour un changement de configuration (les voitures ont deux jeux d'appendices aérodynamiques distincts : celui « normal » et celui à « faible traînée » pour les circuits les plus rapides comme Le Mans). 
L'avant a été complètement démonté, le splitter gisant en pièces détachées sur le sol du stand. 

Nous apercevant, le chef mécanicien s'approche la mine contrite : « Tu avais raison. Il y a un élément qui vibre sur l'avant de la 39. Nous avons dû tout démonter pour trouver. C'est un morceau qui était mal collé et vibrait à certains régimes. Nous aurions dû t'écouter au lieu de suivre les directives de Benoît... ». 

La leçon portera. Tant et si bien qu'aux 24 heures du Mans, lorsque je ferai quelques remarques sur le manque de fluidité des gestes du mécano en charge du pistolet à roues, l'équipe en tiendra compte. La « chorégraphie » sera si bien modifiée que l'équipe Porsche LMP1 viendra nous filmer pour s'inspirer de quelques détails de nos améliorations  ! 

Petite anecdote sur le chemin du retour : 
Alors que nous attendions notre « air orange » (Easyjet) pour Genève, nous avisons les queues pour les autres départs. En effet, les essais de pré-saison de F1 venaient de se terminer à Barcelone, et les équipes reprenaient l'avion qui pour l'Angleterre, qui pour l'Italie. Les uniformes ne laissaient aucun doute sur qui travaillait pour qui. 
Les avions étant tous en retard, il n'y avait pas grand-chose à faire qu'observer les autres files. C'est là qu'avisant un des italiens à côté de nous, Frédéric attire mon attention : 
    Regarde le numéro de sa valise cabine. 253. Cela veut dire que Ferrari a au moins 253 techniciens sur les essais ?
    Mais non. Cela doit être le numéro du bagage. 
    Ha ? Bon. Tu as sans doute raison. 
Quelques minutes plus tard, les files se mettant enfin en marche, nous avons un autre angle de vue sur ce même italien : 
    Regarde ! Son sac à dos est lui aussi numéroté 253. C'est donc son numéro dans l'organisation de course.
    Mince alors... 
À comparer avec notre pauvre équipe privée de LMP2 dont le staff permanent se montait à... 8 personnes ! Les autres membres de l'effectif, ingénieurs et mécanos, étaient des externes qui nous rejoignaient ponctuellement selon les besoins. 

Je ne tiendrai finalement le poste à la venne de carburant qu'au prologue de la saison. Des problèmes entre le propriétaire de l'équipe et le premier sponsor feront qu'après le forfait de la première épreuve à Silverstone, l'équipe n'engagera qu'une seule voiture sur le reste de la saison 2015. 

Cette rubrique est aussi la vôtre !

Faites comme Sylvie et racontez vos anecdotes au Commandant Chatel par mail (thibautchatel@icloud.com), il se chargera de les publier. N’oubliez pas que pour « Souvenirs d’Autos » nous cherchons de l’anecdote, de l’humain, de l’humour, de l’émotion. 

On oublie un peu l’arbre à came et le Weber double-corps… Et si possible, joignez à votre histoire des photos…. On adore ça chez POA !

Merci.

L’avis des Petits Observateurs

1 commentaire au sujet de « Souvenirs d’Autos (410) : Y a un bruit ! »

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D'abord merci Sylvie pour ce souvenir, les femmes sont trop rares ici, faut-il le répéter ?
Quand à l'ambiance et la tension dans les paddocks, dans les années 73/75 j'ai eu la chance de bosser une semaine au circuit du Castellet et en fin de journée j'allais trainer du côté des stands pendant les essais d'où je garde en mémoire les odeurs de carburants et des additifs qu'ils utilisaient à cette époque, monde fascinant des groupes 2 et des monstrueuses sport prototypes!

Vendredi 17 mars 2023 à 14h46

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