Par Patrice Vergès. Poursuivons ma confession de chasseur de prospectus automobile commencé à l'âge de 15 ans et qui s'est poursuivi plus de 30 ans.
Au fil du temps, j'étais devenu un expert en prospectus automobile. D'un court coup d'œil de pro, je cataloguais le catalogue. Je savais immédiatement si le vendeur me refilait le bon millésime, le beau ou le pas beau, l'épais ou pas épais, le générique ou celui du modèle recherché. L'expérience m'avait appris que certains constructeurs radins ne modifiaient pas leur catalogue tous les ans quand leur modèle évoluait peu. D'autres plus vicieux, comme Citroën changeaient seulement le décor autour de la même photo. Certains, comme Ford retouchaient simplement les roues au fil des années. Ceux de Panhard et Simca des années 60 n'avaient pas de photos. Les voitures étaient dessinées, généralement affinées, largement surbaissées à leur avantage semblant mesurer près de 5 m de long.
Les catalogues sur papier glacé des voitures américaines ressemblaient à leur voiture, c'est à dire luxueux et flatteurs. Les anglais étaient généralement dessinés avec des tons pastel avec un trait plus réaliste que les française. Les italiens étaient hâbleurs notamment les Alfa. Sur les photos, le plastique de mauvaise qualité des Alfa semblait avoir la même texture que celui des BMW ou Mercedes. Bravo les projos !
Rares ne veut pas dire cher !
J'avais beaucoup de bonheur à feuilleter les britanniques qui mettaient en avant généralement leur planche de bord en bois précieux parsemée de cadrans et petits manos alors que les Italiens illuminaient les leurs de tous les voyants. Il faut avoir roulé en italienne pour savoir qu'ils ne s'éteignaient pas toujours....
En revanche, les prospectus Saab et Volvo n'avaient rien de bien excitant jouant sur la sécurité et robustesse de leur voiture. Plus le catalogue était beau et luxueux, plus il était difficile à chasser. Déjà à cette époque, pas question de solliciter un catalogue chez Ferrari ou Mercédès où on se faisait éconduire si on parvenait à entrer sur le stand. Aujourd'hui, c'est bien pire encore.
A une époque, les superbes catalogues BMW reprenait sur la couverture le sigle chromé de la malle tandis que ceux de Mercedes très lourds et de qualité étaient argentés. Les Porsche très épais offraient un format italien géant qui les rendait peu pratiques à classer. En revanche, celui des petites marques comme GC ou Ligier ou Matra avant Simca se résumait à deux décevants feuillets
Saccagé par le vendeur
Mon gros souci venait du vendeur qui me saccageait généralement la première page du catalogue en écrivant au stylo le prix, plus les options, les taxes et le plus important son nom avec son numéro de téléphone. Ces inscriptions rappellent des prix d'époque qui nous semblent peu élevés aujourd'hui alors qu'ils l'étaient dans leur temps. Que sont devenus ces Dupont, Martin, Durand et qui ont cru saisir un instant un potentiel acheteur dans mon regard ? Que sont devenus ces numéros à 6 chiffres que plus personne n'appelle ?
En fait, le catalogue offrait un énorme défaut, il était impossible à ranger. Tous avaient un format différent. A quand une norme AFNOR du catalogue pour les collectionneurs ? Celui de la BX 4 TC faisait un bon mètre carré comme celui de la Rambler ou Renault 10 ou Nissan 300 ZX. Impossible à classer sur une étagère.
Trop tard, on a tout jeté !
Vous allez penser " Mais pourquoi ne disait-il pas simplement la vérité aux vendeurs plutôt que de faire toutes ses simagrées ? Vous pensez bien que j'ai essayé. Mais un vendeur d'auto est fait pour vendre et ne pas donner de catalogue du moins la majorité, d'autant qu'ils sont facturés au concessionnaire par le constructeur dont le premier client est ce dernier. En l'avouant, parfois, j'ai senti de la commisération aux coins de leurs yeux face à ce grand dadais de 25 ans collectionneur d'un truc incollectionnable à leurs yeux. C'était avant la mode du retro et le culte de la voiture ancienne et du temps passé. Les catalogues auto qui fleurissent aujourd'hui sur des sites de vente à des prix surréalistes me font sourire doucement. Les vendeurs les conserveront longtemps.....
J'ai encore le souvenir d'un vendeur qui m'avait lâché " Pas de chance, on a changé de bureau, hier, et jeté 500 kilos de catalogues qui s'entassaient depuis des années". A cette époque, dans les pubs des magazines auto, il y avait fréquemment un bon à découper selon le pointillé pour recevoir un "luxueux catalogue". Ceux que j'ai conservés en portent aujourd'hui la cicatrice. Et cela n'empêchait pas que quinze jours après réception du luxueux catalogue se résumant à 4 pauvres pages, d'avoir la visite du vendeur.
En fait, derrière chaque catalogue, se cachait une histoire, une anecdote, un mensonge, un déplacement et un investissement. Puis, par manque de temps, ma passion s'est émoussée au fil du temps. J'ai vu arriver les spéculateurs qui ont compliqué mon job puisque les concessionnaires et les vendeurs des stands des salons sont devenus bien plus méfiants et moins généreux
Début 2010, j'ai donc décidé de vendre mes catalogues qui occupaient plusieurs stères du plancher de ma cave. J'ai participé à une brocante auto où j'ai sélectionné les meilleurs à mes yeux sur les milliers possédés. A cette époque, les Ferrari, Porsche, Matra et Alpine sont partis presque immédiatement à des prix élevés comparés à ceux qui se pratiquent aujourd'hui où les réseaux sociaux ont multiplié l'offre mais pas la clientèle. Pas suffisamment cher semble-t-il, puisque des professionnels sont venus sur mon stand en me reprochant de ne pas vendre assez cher ! Je cassais le marché.
J'ai appris que ce n'était pas parce qu'un catalogue était rare qu'il se vendait mieux pour la bonne raison qu'il était lié à une voiture généralement aussi rare intéressant peu de personne comme celui de la NSU RO, de la GS Birotor ou du sublime Fiat 130 coupé.
Jusqu'à 500 euros !
Avant de déménager il y a un peu plus de 3 ans, j'ai vendu le reste de ma collection une bouché de pain à un professionnel prénommé Laurent qui est venu avec une camionnette suivie d'une remorque. Du coup, avec ce "cher " Laurent comme je l'appelle nous sommes devenus copains. Voici comment ce professionnel depuis 20 ans perçoit le marché du catalogue. " C'est évolutif avec des tendances. Par exemple les catalogues publicitaires des voitures antérieures à 1939 qui se vendaient encore bien il y a 20 ans se vendent aujourd'hui très mal. D'autres, sont en perte de vitesse comme les Ferrari des années 80/90 ou des marques comme Alpine ou Matra car la clientèle a vieilli. En revanche, il y a de nouveaux clients pour les youngtimers comme la Clio Williams, Golf GTI ou 5 GT Turbo, Alfa Sud. Bref, toutes les sportives des années 90 à des prix qui ne dépassent pas 30 à 40 euros. Enfin, pour certaines voitures comme par exemple une Porsche 356 A, une BMW 507, leur catalogue peut atteindre jusqu'à 500 euros et plus de 1000 euros pour des Alfa d'avant guerre et Ferrari des années 50 ".
Laurent précise à la vente qu'il ne faut pas confondre à des prix d'achat car il attend parfois deux ans avant de vendre un catalogue dans les divers salons où il participe ce qui lui vaut à force de soulever beaucoup de papier (le poids des mots) d'être bâti comme Rambo le roi de Bibliauto.
Enfin, avec mes 5000 ou 10 000 catalogues, je n'étais qu'un petit joueur à coté de Gilles Biette de Saint Cyrh qui possède autour de 100 000 catalogues de 2500 marques de 1898 à nos jours. POA lui rendra visite un jour prochain.... .
Patrice Vergès
Les Italiens mettaient bien en valeur leur intérieur. Bravo les projos !
Les Suédois comme Saab insistaient sur la sécurité dont on se fichait
Panhard redessinait ses modèles à leur avantage en les surbaissant et agrandissant les surfaces vitrées
Les catalogues de Matra et d'Alpine sont en perte de vitesse
La GS Birotor est une voiture rare et les acheteurs de son catalogue sont encore plus rares
La mode youngtimers a lancé le marché des prospectus de GTI des années 80/90
Ce catalogue de Porsche 356 A qui devait être vendu aux enchères le 14 avril annulées par le confinement par l'Hôtel des ventes de la Seine était estimé entre 400 et 500 euros
Ah, la GTV6 !
Qui dit voiture rare comme la 264, dit raréfaction des acheteurs de son prospectus
Le confort de la 604 mis en avant dans son prospectus
L’avis des Petits Observateurs
Soyez le premier a commenter
Se connecter ou s'inscrire pour poster un commentaire