Nouvelle prédominance du marché Chinois, promesse de l’électrique, obligation de baisser les émissions de C02, nécessité d’un réseau routier intelligent… Jamais l’automobile n’a été soumise à autant de défis d’envergure. L’enjeu ? Se réinventer ou disparaître. Voici les dix commandements qui guideront les constructeurs les plus avisés pour les dix ans à venir. Par Renaud Roubaudi
1) La Chine tu chériras
Les cassandres ont longtemps prédit la fin de l’automobile occidentale à cause de la Chine qui inonderait la planète de voitures à bas prix. Ironie de l’histoire, c’est la Chine qui sauve l’industrie Américaine et Européenne par son formidable appétit pour la « bagnole ». Avec 15 millions de voitures vendues en un an, l’empire du Milieu est devenu le premier marché mondial et ce n’est qu’un début. En 2020, on estime la demande à 35 millions d’unités annuelles ! Fans de voitures et parfaitement au fait des dernières tendances, les Chinois rêvent de modèles statutaires luxueux, gorgés de technologies, même si tous n’en ont pas forcément les moyens. Plus question donc de leur refourguer un modèle en fin de vie comme il y a dix ans. Les constructeurs dignes de ce nom doivent privilégier la Chine en lui réservant le meilleur et créer des modèles adaptés au gout local. En présentant le concept Metropolis à Shanghai, une super limousine dessinée par des Chinois pour les Chinois, Citroën a visé juste. La presse et le public se sont tellement emballés, que cette DS du XXI siècle sera produite sur place en 2014.
2) L’électricité tu propageras
L’automobile de demain sera électrique ou ne sera pas. La formule peut faire sourire les observateurs qui croient encore et à juste titre aux vertus du moteur à explosion, toujours est-il qu’aucun constructeur ne prend de risque de passer à côté de la fée électricité sous peine de passer pour un mauvais coucheur de l’environnement. Du coup au Mondial de Paris, toutes les grandes de marques dévoilent une ou plusieurs voitures à brancher sur secteur, mais la plupart ne seront pas en vente avant début 2012. Si l’envie vous prend de jouer les pionniers, passez chez les Français. Peugeot et Citroën commercialisent dès maintenant la I-ON et la C-Zéro, une citadine 100 % électrique pour 500 € par mois. Renault dévoile sa gamme électrique disponible en 2011, la berline Fluence, la petite Zoé et Twizy un inédit Scooter/voiture à deux places. Toute la question est de savoir qu’elle technologies remportera l’adhésion du public : 100 % électrique ? hybride électrique et essence ? hybride diesel et électrique ? Au jeu des prévisions, parions sur la Chevrolet Volt qui est la seule à proposer un prolongateur d’autonomie. La Volt est 100 % électrique pendant 60 km, au-delà un générateur à essence vient recharger la batterie et offre à 500 km d’autonomie, supprimant l’angoisse de la « coupure » de courant. La Volt débarquera en Europe l’année prochaine sous la marque Opel avec l’Ampera.
3) La ville tu respecteras
Face à une population mondiale majoritairement urbaine et des mégalopoles qui saturent, il est urgent pour l’automobile de se réinventer, au risque d’être définitivement banni des centres-villes. Se déplacer en Smart ne suffira sans doute pas, d’ou l’idée de General Motors qui a imaginé un micro engin électrique urbain très compact à deux places, assez proches de la forme d’un œuf, baptisé EN-V, pour electric network vehicule. Réalisé dans le cadre de l’Exposition Universelle de Shanghai, EN-V est doté d’une autonomie de 50 km, il ne dépasse pas 40 km/h et il peut se piloter en mode manuel ou tout automatique. Dans ce cas, le GPS prend les commandes après avoir programmé votre destination et il ne vous reste plus qu’à téléphoner ou regarder la télévision. Un réseau central gère le trafic en temps réel, évite les collisions, vous informe de la station de recharge disponible la plus proche, et vous propose tous les services imaginables (réservation de restaurant, parking, etc…). Le plus étonnant est que toutes ces technologies sont parfaitement opérationnelles. Leur mise en œuvre tient désormais à la volonté des pouvoirs publics et à l’instauration de normes communément admises par les acteurs de cette future mutation urbaine.
4)Les genres tu mélangeras
Observez la nouvelle Mini Countryman et le Nissan Juke, ces drôles de mutants sont parfaitement représentatifs de l’époque qui veut tout et son contraire. Le Countryman est à la fois une Mini, petite et snob, un break, elle a 4 portes et 5 places, un 4X4, elle peut crapahuter à l’occasion, et une sportive capable de faire le Tour de Corse avec son moteur de 180 ch (Cooper S). Avec son physique venu d’ailleurs, le nouveau Nissan Juke surfe lui aussi habilement sur les tendances des breaks, des citadines, des 4x4 et des monospaces. Impossible de ranger l’un ou l’autre dans une case précise et c’est exactement la volonté de leurs géniteurs. Aujourd’hui, pour séduire une clientèle éprise d’individualisme et pourtant sensible aux codes des marques, l’automobile doit brouiller les cartes et mélanger les genres, tout en multipliant les références à l’univers premium. La Countryman et le Juke diviseront autant qu’ils enthousiasmeront, mais personne ne pourra les ignorer, ce qui fait d’eux de véritables « people » de l’automobile.
5) Les autos entres elles tu connecteras
La plus grande révolution à venir dans l’automobile se nomme « Car 2 Car ». L’idée est de rendre la voiture plus intelligente en lui permettant de dialoguer en permanence avec ces semblables. À tout moment, la voiture de demain connaîtra l’emplacement et la vitesse des autres véhicules sur la route et agira de façon autonome. L’objectif est de contrôler le trafic, d’assister le conducteur, de pallier ces éventuelles défaillances, en prenant le contrôle des opérations si nécessaire. Pour cela, la commission européenne étudie la mise en place d’un réseau global qui connectera l’ensemble des automobiles via des GPS intelligents et des capteurs sur les grands axes. Ainsi équipée, la circulation sera régulée en temps réel, les accidents prévenus ou évités, les comportements dangereux repérés. Rien n’empêche d’imaginer que ce « Big Brother » géant contrôle la vitesse à distance, voir interdit l’accès à un centre-ville saturé. À moyen terme, le processus semble inévitable et les constructeurs devront coopérer, sous peine d’être exclus du jeu.
6) Le design tu réinventeras
Gilles Vidal, le nouveau directeur du design de Peugeot, est formel. D’ici 10 ans, l’offre automobile sera si différente qu’il faudra inventer un nouveau lexique pour la décrire. À cela trois raisons principales : L’arrivée de technologies qui vont façonner des formes inédites, une concurrence acharnée qui pousse à toujours plus de personnalisation et la prise du pouvoir définitive du design comme élément de différenciation. Pour se démarquer, les constructeurs doivent faire preuve d’audace en proposant des concepts qui n’existent pas encore, affirmer leurs partis pris et ne pas hésiter à faire des choix radicaux à l’image du concept Kia Pop présenté au Mondial. Ce petit véhicule urbain électrique à trois places est aussi séduisant qu’intelligent et renvoie la Smart au rayon jouet. Longtemps considéré comme économique et terne, le Coréen Kia a fait sa révolution en mettant le design et l’imagination au pourvoir. Résultat, Kia est le constructeur le plus craint et le plus admiré pour sa capacité à se réinventer et à sa vitesse d’adaptation. Les deux clés du succès dans un monde qui bouge en permanence.
7)Le low coast tu rendras sexy
Depuis le lancement de la Logan, la gamme Dacia n’en finit pas de faire des miracles, au point de faire du low coast le moteur de la croissance de Renault. En retard d’un métro, la concurrence se consolait jusqu’alors en raillant le design « très soviétique » de ces voitures premiers prix, mais l’arrivée au printemps du Duster, le premier 4X4 low coast, a changé la donne. Aussi sexy que sympathique, le design très aventurier du Duster fait un carton, devenant la première raison d’achat au côté de son prix canon (de 11 900 à 18 900 € selon les versions). En quatre mois, 30 000 commandes ont été enregistrées, soit 10 000 de plus que les prévisions annuelles. À la surprise générale, le Duster est devenu une voiture tendance que l’on s’arrache. Les délais de livraison atteignent 6 mois et certains clients font monter les enchères en revendant leurs bons de commande aux plus offrants. La concurrence redessine à la hâte ses projets de voiture low coast et Renault se frotte les mains, jurant que les futurs Logan seront toutes aussi sexy. Mais que reste-t-il aux riches ?
8) Le luxe tu célébreras
On a cru un moment que l’automobile de luxe sombrerait avec la crise financière, mais deux ans après le crack, les super bolides mettent à nouveau le turbo. Merci la Chine, qui avec 450 000 millionnaires déclarés en 2010, dope le marché comme jamais. Toutes les grandes marques ouvrent des concessions de Pékin à Shanghai et le programme des nouveautés a de quoi émoustiller les milliardaires les plus blasés. Porsche a annoncé la mise en production de la fabuleuse 918 spyder hybride pour plus de 600 000 €, Aston Martin a vendu les 77 exemplaires de la 0-77 à un million de livres sterling, Ferrari prépare une super car verte, Bentley et Rolls Royce ne peuvent pas répondre à la demande de la Mulsanne et de la Ghost, et Bugatti va produire la limousine la plus chère du monde, la Galibier pour 2 000 000 euros. Autre tendance, le besoin d’un luxe responsable qui a fait naitre des marques de sportives 100% électrique, comme Tesla ou Fikser. En France, un constructeur indépendant rêve de renouer avec le marché des GT d’exception. Il s’agit d’Exagon Motors qui présente au mondial la Furtive e-GT, une GT électrique dont le moteur et les batteries révolutionnaires offrent jusqu’à 300 km d’autonomie. Les hommes n’ont pas fini d’aimer les voitures.
9)Le désir tu entretiendras
DeZir, le dernier concept, car de Renault exposé au mondial de Paris, porte bien son nom. Qu’elle soit populaire ou luxueuse, électrique ou à essence, l’automobile doit avant tout carburer au désir. Les constructeurs l’ont bien compris et malgré les doutes qui planent sur l’avenir, il suffit de se promener dans les allées du mondial pour se convaincre que le désir est partout. Audi dévoile l’A7 Sportback, un somptueux coupé 4 portes qui vient rivaliser avec la toute nouvelle Mercedes SLS. Celle qui avait initié le concept de la berline façon coupé a joliment sur évoluer, pour devenir plus sensuelle encore. La nouvelle Peugeot 508 se fait aguicheuse pour séduire les hommes d’affaires et Citroën continue de se dévergonder avec l’étonnante DS4, une compacte décalée façon crossover. La palme de la séduction peut être attribuée au nouveau Range Rover Évoque qui bouscule tous les codes de la marque. C’est un coupé sport surélevé qui peut pour la première fois être doté de seulement deux roues motrices et ainsi recracher 135 g/km de CO2. La beauté, l’originalité et l’intelligence réconciliées, voilà qui promet de l’avenir à l’automobile.
10) La mobilité à la carte tu proposeras
À quelques mois de l’arrivée d’Autolib dans nos villes, jamais le besoin de solution de mobilité alternative ne s’est fait aussi cruellement sentir. Pour beaucoup de citadins posséder une voiture n’a plus de sens, tant pour des raisons économiques que de trafic et de parking. Anticipant cette tendance sociétale lourde, Peugeot a lancé en début d’année « Mu by Peugeot », le premier service de mobilité à la carte, inspiré des forfaits téléphonique. Il permet d’acheter des points sur internet et de louer toute la gamme du constructeur en fonction de ces besoins : vélo électrique un après-midi, cabriolet pour un week-end, monospace pour les vacances, camionnette pour déménager, GPS ou un coffre de toit le temps d’un déplacement. En 6 mois, 7000 clients ont été séduits par la souplesse du système et la formule s’étend peu à peu aux grandes villes européennes. Plusieurs acteurs institutionnels hors automobile réfléchissent à des offres similaires et nul doute que le durcissement des contraintes de circulation en ville renforcera ce besoin de « mobilité à la carte ».
Renaud Roubaudi pour Petites Observations Automobile - septembre 2010
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Mercredi 29 septembre 2010
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