Par Thibault Chatel*.
Je me souviens que ma grand-mère avait une 4 CV avec une galerie. Quand elle partait passer deux mois en Normandie, elle faisait un ballot de vêtement avec un grand drap blanc qu’elle posait sur le toit. Je me souviens que mon père levait les yeux au ciel devant ce spectacle, sans doute indigne pour lui.
Je me souviens que si on faisait la route avec ma grand-mère en 4 CV, ça durait toute la journée et que si on y allait avec mon père dans sa Floride, ça ne durait que 4 heures. En revanche on était malade comme des chiens car il fumait Gitane sur Gitane… Le choix était cornélien.
Je me souviens qu’un jour ma grand-mère a donné sa 4 CV à une fermière qu’elle aimait bien et qu’elle s’est achetée une Dauphine neuve ! Un événement.
Je me souviens que cette Dauphine était assez récalcitrante au démarrage. Dans ce cas, ça se passait toujours de la même façon. Ma grand-mère saisissait la manivelle qui était posé par terre devant le siège passager et elle la tendait vers le premier passant portant une cravate… ça ne ratait jamais. Le monsieur retirait son veston et faisait démarrer la voiture après grandes effusions de jurons, de râles et de sueur… et il finissait toujours avec du cambouis sur sa chemise blanche.
Je me souviens que ma grand-mère avait finalement inventé un stratagème consistant à recouvrir le moteur d’une couverture… qu’elle oubliait souvent et qui se rappelait à son bon souvenir en prenant feu ! Ce qui m’a valu quelques vrais moments de panique.
Je me souviens que mon grand-père avait une Ondine (la version luxe de la Dauphine). Il voulait sans doute montrer sa supériorité vis-à-vis de sa femme. Un jour, il est arrivé en retard pour déjeuner un dimanche car il avait fait un tonneau sur le pont de Neuilly. Il avait une tache de sang sur le crâne et il ne semblait pas stressé du tout.
Je me souviens que mon père a acheté ensuite une R8 Major… puis une R10 dont il avait l’air très content. Je me souviens que je reconnaissais certaines voitures caractéristiques (DS, Aronde, Panhard) au bruit et qu’il était très fier de moi devant ses amis.
Je me souviens que ma mère avait une 4L trois vitesses et que le levier de vitesses surmonté d’une grosse boule noire me fascinait. Je me souviens que j’étais bien dans cette auto car j’avais l’impression d’être très haut (contrairement à la Dauphine où je ne voyais pas la route…) Pour moi, c’était la 4L était la voiture idéale.
Je me souviens que mon père conduisait comme un fou et qu’un jour pour éviter une femme qui traversait la départementale sur laquelle il déboulait comme une fusée… il est passé par la station service, la R8 en travers. Je me souviens qu’il était très content de lui.
Je me souviens de Bernard Woringer, le grand copain de mon père, arrivant en Facelia puis avec son Alfa ! Il était pour moi, le play-boy parfait.
Je me souviens de ces années 60, terminées en 1968 en queue de poisson, quand ma grand-mère m’a annoncé un soir, au volant de cette fichue Dauphine, que mes parents allaient divorcer. Au passage, on notera qu’ils ont un peu manqué de courage de ne pas me le dire eux-mêmes. Je me souviens de moi, enfoncé sur la banquette arrière, sentant le sol s’écrouler sous moi.
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*Je m’appelle Thibaut, je suis né en 1959. Il se trouve que j’ai toujours adoré les automobiles… Pourquoi ? Sans doute parce que j’aime l’idée de liberté. On monte dans sa voiture, on démarre, on s’en va ailleurs. Là où il fait beau, au bord de la mer, à la campagne… peu importe. Parfois, je repense à des histoires d’enfance, d’adolescence, de jeunesse et j’ai décidé de les livrer à P.O.A.
L’avis des Petits Observateurs
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