Patrice Vergès. Début d'une longue saga qui revisite l'histoire de la Citroën 2 CV qui fête ses 70 ans cette année. La 2 CV n’est plus une voiture. Elle est devenue une institution, une légende, un mythe, un monument historique mécanique et surtout un élément de notre vie que nous ayons de 7 à 77 ans.
Il n’y a pas une 2 CV mais des 2 CV. Au cours de ses plus de 40 ans de vie, cette voiture s’est adressée à des couches sociales différentes au fur et à mesure que le temps filait. Mais, plus elle vieillissait, plus elle séduisait les jeunes en quête d’essentiel, accrochés par son image totalement décalée et anticonformiste. La 2 CV fut certainement la seule voiture adorée par ceux qui détestaient la bagnole.
Retour aux sources
C’est pour eux, que Citroën avait sorti fin 1975 la version Spécial qui renouait avec les valeurs fondamentales des premiers exemplaires. Elle était revenue aux 4 glaces, aux phares ronds désormais rectangulaires depuis l’année précédente, à l’équipement réduit au plus strict du minimum et même à l’ancien grand volant surplombant un minuscule compteur de cyclomoteur avec des garnitures intérieures simplifiées. Un véritable retour à l’esprit de son créateur Pierre Boulanger.
Heureusement, elle avait conservé les timides évolutions techniques saupoudrées par Citroën au fil de sa carrière ; le 435 cm3 poussé à 24 ch Din apparu en 1970, les amortisseurs chargés de tempérer ses interminables dodelinements de caisse et les joints homocinétiques de cardan évitant les ridicules hoquets au démarrage.
Aujourd'hui, se balader en 2CV est une expérience passionnante. Rien au monde n’attire plus la sympathie que ce véhicule encore familier. Ses phares en forme d’oreilles de Mickey tétanisent les jeunes enfants, elle ranime le feu éteint du regard des jeunes ados. Enfin, en illuminant le visage des adultes, elle provoque la mise en route de leur machine à souvenirs. Si vous désirez faire du social, ce n’est pas la peine de vous inscrire à SOS Amitié. Roulez en 2 CV.
Le chat Ponpon la reconnaissait
Aucune autre voiture ne génère autant le retour sur soi même et l’envie de se raconter aux autres. Car, avec plus de 5 millions d’exemplaires fabriqués, elle en a motorisé des millions et des millions de gens riches en anecdotes à raconter autour d’elle. Même les animaux. Ils reconnaissaient entre 1000 autres, le son caractéristique de son petit flat-twin. 500 mètres avant le portail de la maison, Tom ou Ponpon savait que c’était sa maîtresse ou son maître qui arrivait en 2 CV ! Ce n’est plus le cas aujourd’hui ou Tom 5 et Ponpon 4 sont incapables de distinguer la sonorité du bloc PSA commun à une 208 ou C3.
Un son si particulier que notre mémoire a gravé dans son disque dur comme celui, hululant du démarreur qui peine à lancer la mécanique, au chuintement aigrelet, fruit de l’air pulsé par la turbine se déchirant sur les ailettes des cylindres, davantage teinté de bruits mats sur le 435 cm3 plus poussé.
Selon le profil du terrain, il y avait plusieurs 2CV. Même en 1976, ses 24 ch contre 9 lors de sa naissance en 375 cm3, n’en faisaient pas une Formule1. Pied au plancher, elle frôlait les 100 km/h dans le joyeux vacarme du moteur et des claquements secs de la capote. Doubler un camion roulant à vive allure, exigeait du courage teinté d’une bonne concentration au volant pour juguler les remous d’air.
Piètre monteuse, redoutable descendeuse !
En côte, surtout en charge, la voiture s’écroulait dans le hurlement lancinant du moteur qui acceptait à fond de troisième de prendre 7000 tours. En revanche, en faux plat, à 120 compteur, elle se transformait en redoutable descendeuse à la capote gonflée par le désir en avalant les creux, en ingurgitant les bosses, en ingérant les virages dans des déhanchements spectaculaires limités uniquement par la hardiesse du pilote qui devait tirer très fort sur volant. Généralement humilié au sein de la circulation, celui-ci prenait sa revanche en descente en oubliant bien des voitures plus puissantes. Il la prenait aussi l’hiver sur routes mouillées ou neigeuses où rien, même pas Dieu n’aurait arrêté une 2 CV sauf le froid car il ne faisait pas bien chaud dans son habitacle à peine tiédi par un chauffage symbolique.
Volant trop plat, sièges trop près
La conduire était un grand moment dans une vie. Assis, trop engoncé sur des siéges trop souple à lanières, trop haut ou trop bas, face à un pare-brise trop petit, coincé contre un trop grand volant plat qui prenait trop de place dans un habitacle trop étriqué, on se disait qu’on n’y arrivera jamais.
Malgré les portes fines comme du papier à cigarette, on se touchait en 2CV. Les cuisses du conducteur frôlaient celles de la passagère et réciproquement. Cette promiscuité donna le jour à de nombreuses idylles et même plus si affinités. Pourtant, ce n’était pas la voiture idéale pour cela à cause de la dure armature centrale des banquettes et la souplesse de sa suspension attirant immédiatement l’attention sur un parking sombre du bal du samedi soir.
Victime de sa mauvaise visibilité, son dégivrage symbolique, son volant ferme laissant un minimum d’espace aux mains coincées contre le dégivrage pour tourner, sa pédale de freins dure et grinçante, son moteur hoquetant au démarrage, la 2 CV n’était pas une voiture idéale en ville sauf au niveau de sa consommation d’essence dépassant rarement 7 litres aux100. Mais, comme la Cox, c’est un véhicule qu’on aimait plus pour ses défauts que ses qualités.
La voiture des premières fois
Même si ce n’était pas la plus belle auto du monde, on était en empathie avec elle. On l’aimait car on se doutait inconsciemment qu’un jour on la regretterait. C’était la voiture des premières fois avec qui on partageait des moments de vie ensemble. Les premières vacances à Palavas, les rires des enfants, la crevaison sous la pluie, la panne d’essence, la première fois que l’autre nous avait dit, "je t’aime", la visite à ses parents le dimanche, le véhicule du premier job, du premier bébé dont on coinçait à l’arrière le couffin contre le dossier de banquette avant, tout ça avec le sentiment de penser que notre vie qui venait de commencer serait éternelle. C’est la 2 CV qui l’était….
L’avis des Petits Observateurs
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