Souvenirs d'Autos • Borgward

Souvenirs d'Autos (309) : Rêve ou Réalité en Borgward ?

Une rubrique pilotée par le Commandant Chatel. Après sa Dauphine, sa Toyota et la Ford Vendôme, Alain revient avec une nouvelle histoire sur une auto beaucoup moins connue… la Borgward ! Un grand merci.

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Vendredi 18 décembre 2020

…Geneviève Tabouis qui nous annonce le futur sur la radio du bord vient de nous apprendre que l'Abbé Fulbert Yulu devrait faire une grosse bêtise si le chancelier Adenauer est réélu et que selon l'agence Tass, Nikita Kroutchev viendra peut-être cet été à Moulinsart (sic)…

La Borgward Isabella rouge et blanche semble glisser sur cette route aussi moderne qu'elle, nous venons de passer sous les pistes d'Orly, cet aéroport futuriste que le monde nous envie et je me laisse bercer par le ronronnement de son puissant moteur, confortablement installé dans le fauteuil de cuir de couleur assortie à la carrosserie rouge et blanche, un résumé de luxe et de sécurité, prêt pour un long voyage vers Naples et la Sicile…

En fait, je n'en mène pas large, je ne connais pas ce conducteur qui m'emmène à vive allure, nous sommes quasiment seuls sur ce ruban de béton et en dehors de la voix nasillarde de la journaliste et du bruit du vent qui s'engouffre par la fenêtre entrouverte du chauffeur, aucune vie se semble exister alentour… le paysage défile, flou, l'air est tiède, je respire mal, je me sens paralysé, l'esprit ramolli…

Le jour tombe et il me semble reconnaitre la forêt de Milly que nous traversons maintenant, à moins que ce ne soit qu'une illusion. Ne serions-nous pas parvenus, depuis que nous avons quittés Paris à changer de dimension sur cette nouvelle autoroute diabolique, pourtant je ne vois pas les motards noirs ?

Tentons une rapide analyse de la situation: l'homme au volant est-il bien réel ? – je ne l'ai jamais vu auparavant – a-t-il prononcé le moindre mot ? – ne ressemble-t-il pas à Heurtebise? et que fais-je là?

En faisant un gros effort, je me rends compte que je ne connais ni son nom ni le son de sa voix ! j'arrive juste à me souvenir qu'on m'a mis de force dans cette voiture, il faudra que je réfléchisse à ça plus tard, mais là impossible, je suis totalement engourdi.

Nous dépassons l'obélisque à toute allure, puis peu après Nemours, l'auto, dans un terrible crissement de pneus tourne brusquement à gauche, s'engouffre sur une route forestière, et le temps s'arrête soudain, je m'évanouis.

…Gilbert, c'est à cette heure-ci que vous arrivez! On vous attendait pour  dîner, et regardez celui-là, il n'a pas l'air très vaillant, vous l'avez assommé? Mariette va aller le coucher, on sera plus tranquille,  pourquoi s'en être encombré?

 Je ne sais plus si c'est le sifflement strident d'un oiseau inconnu où le son d'une conversation montant jusqu'à la chambre où on m'avait cloîtré la veille qui me réveilla, mais ce qui était certain, c'est que je n'étais jamais venu ici et que sans doute, j'avais dû, tel Orphée franchir le miroir sans m'en rendre compte…

Impression confirmée lorsque qu'une fois habillé, je découvre en bas de l'escalier, mon chauffeur qui m'attend en parlant à voix basse avec les deux vieilles femmes de noir vêtues qui nous ont hébergés.

On reprend la route Nationale 6 à un train d'enfer, sans un mot, mon cauchemar continue, reverrai-je Eurydice?

À moins que la Bête ne l'ai déjà séquestrée!

Sens, Joigny, Auxerre, cela me fait penser au « Carillon de Vendôme » que je chantonnais enfant… mais l'ambiance n'était pas aux frivolités.

Sans ralentir, dans un nuage de poussière nous longeâmes Accolay et son gigantesque pot décoré sur le toit plat d'un show-room à l'américaine édifié en rase campagne, ce type conduit pied au plancher, comme l'italien dans sa Lancia Aurelia à la poursuite de la Chrysler New Yorker des Bordures qui enlevaient le professeur Tournesol, à ce rythme, nous serons à Genève avant la nuit…

La poudre qu'elles ont versé dans mon café fit son effet et je perdis connaissance dans le tunnel d'Arcy…

…De violents coups sur la vitre me sortent de ma léthargie, la porte s'ouvre violemment dans la moiteur du sud, on m'extirpe sans douceur du véhicule et je manque d'atterrir le nez dans la poussière…

  • Vous avez fait bon voyage? demanda la tante Marcelle à son neveu Gilbert, et toi mon gars, on dirais bien que tu te réveilles!
  • C'est sûrement la chaleur, il a été très sage, il dort depuis le départ, l'air de la campagne va lui faire du bien!

C'était l'été 1960, nous venions d'arriver place de la gare à Saulieu, ma tante m'attendait à l'arrêt du car, j'avais 9 ans avec une bonne grippe et ma mère m'avait confié un cousin inconnu qui avait gentiment accepté de m'emmener dans son Aronde P60, avec ma valise et ma superbe Borgward dans la poche avec laquelle j'allais passer de superbes vacances chez ma grand-mère…

Cette rubrique est aussi la vôtre !

Racontez vos anecdotes au Commandant Chatel par mail (thibautchatel@icloud.com), il se chargera de les publier. N’oubliez pas que pour « Souvenirs d’Autos » nous cherchons de l’anecdote, de l’humain, de l’humour, de l’émotion.

On oublie un peu l’arbre à came et le Weber double-corps…

Et si possible, joignez à votre histoire des photos….

On adore ça chez POA !

Merci.

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