Une rubrique pilotée par le Commandant Chatel. Cette histoire m’est envoyée par Alain que je remercie pour sa confiance.
17 Octobre 2004 - Péage de Villefranche sur Saône - 6h35...
- Bon il arrive Thierry, qu’est-ce qu’il fout ?
- Je sais pas moi peut-être qu’il est déjà passé et qu’on l’a pas vu...
- Pas vu ? T’es malade ou quoi ? Il a sa dépanneuse porte-voiture avec sa remorque plateau au cul et il roule avec son pote qui a son camion porte-voiture et une remorque porte-voiture derrière... Comment tu veux les manquer ?
- Attends mais avec nous ça fait 5 porte-voitures au total ?
- Oui je sais ça risque de faire juste mais tant pis chacun prendra celle qu’il veut en dehors de la Volvo que j’aimerais bien me garder pour moi...
Petit flash-back de quelques jours...
Je passais beaucoup (trop ?) de temps sur un forum qui parlait de bagnoles bien entendu ! Et on y retrouvait des tranches de Vie autour de ces trucs en métal ou en plastique qui parfois nous retournent le cerveau... Et ces moments de Vie peuvent être originaux, touchants, drôles ou... moins drôles... Comme la fois où un gars m’envoie un message privé pour me parler de son grand-père décédé et ce dernier adorait les bagnoles au point de les avoir « entassées » dans un hangar au centre d’un village paumé. Maintenant la Mairie lui demandait de tout débarrasser sous 15 jours au risque de devoir payer pour faire évacuer toutes ces épaves... Il me demandait donc si je pouvais l’aider en venant prendre tout ce qui m’intéressait car cela ferait toujours moins de choses à faire enlever...
Bon, début Octobre, tu te dis que soit le mec à 6 mois de retard soit 6 mois d’avance sur le 1er Avril... Donc je gratte un peu, demande des infos plus précises et surtout où cela se trouve. Et bam, c’est au nord de Paris et moi je suis à Lyon... Il me faut donc un peu plus d’infos sur les autos, leur état, si elles ont leurs papiers, si elles sont roulantes (faut pas rêver elles vont quand même pas avoir le contrôle technique non plus) et comment il voit les choses. Et voilà que je reçois toute une série de photos de voitures garées (enfin « posées » est un mot plus juste) les unes contre les autres (oui oui il n’y a pas du tout d’espace entre les carrosseries) ainsi que des photos de cartes grises de certaines autos. Et il n’y en pas qu’un peu car j’arrive à un total de 9 bagnoles entassées là !!!
De la Volvo P1800, de la MGB, de l’Alfa Bertone, une Jaguar Type S et autres 2CV et du foutoir un peu partout... Je lui demande depuis combien de temps elles sont là et pourquoi elles n’ont pas disparu. Et j’apprends que le papy avait creusé une tranchée à l’entrée du hangar pour empêcher de sortir les autos et qu’il avait garé un break DS devant l’entrée en plantant un buisson devant. Mais la nature reprenant ses droits, le dit break a disparu sous la végétation... Donc l’entrée était invisible de la rue...
Moi, toujours pas convaincu de l’histoire (et sachant qu’il y avait quand même au moins 12 à 15 heures de route A/R avec un plateau), j’ai appelé un ami (oui, Jean-Pierre c’est mon dernier mot) le soir même. Et 3 heures plus tard, coup de fil (« C’est qui qui t’appelle à 22h30 ? C’est gonflé quand même ! » « T’inquiète pas chérie, c’est mon copain Xavier de Paris »). Et là je décroche pour entendre une voix surexcitée qui me sort 3600 mots à la seconde... Je parviens quand même à comprendre quelques extraits du genre « truc de dingue » « Incroyable » « le rêve » « comment t’as fait ». Et cela se conclue par un « Bon faut pas laisser traîner ! On y va quand ? ».
Maintenant que le truc est devenu réel, il faut recontacter le gars pour s’organiser... Et j’appelle les copains pour qu’ils viennent en profiter aussi (avec les copains on partage le pain, le vin et les bons coups sinon c’est pas des copains). Le trou de l’entrée ? On va bien trouver des pelles chez des potes qui ont un petit jardin et on ira faire un tour à Brico-Truc. Bon, l’arbuste de l’entrée qui a maintenant un vrai tronc et fait quelques mètres de haut, je vais appeler l’ami d’enfance de ma femme qui vient de trouver un job de jardinier et qui a donc tout le matos et l’expérience pour couper et débarrasser... Puis, on fixe la date fatidique. Ce sera le dernier Dimanche avant que la Mairie rapplique pour tout enlever (de toute façon, il n’y avait pas d’autre jour avant où tout le monde était libre)... Et voilà comment je me retrouve sur l’autoroute A6, au péage de Villefranche sur Saône direction Paris à attendre Thierry... Ah ça y est, le v’là..
- Bah qu’est-ce que t’as foutu ?
- C’est la boite du camion, elle fait un drôle de bruit et j’ai vérifié le niveau d’huile mais ça va aller c’est de l’asiatique... Et puis je vais pas rater ça quand même...
- Et ton pote, pourquoi il a pris sa Mercedes sur son camion plateau ?
- J’ai pas compris non plus mais cherche pas à comprendre...
- OK ! Bon bah on y va alors !
Et nous voilà partis à 9 (bah quoi ?) avec la discrétion toute relative d’un convoi de 2 camions plateau avec chacun une remorque plateau et une Laguna avec 5 poilus dedans, elle aussi tractant un plateau porte-voiture... Un peu comme un mini cirque en balade... Mais le cirque il était dans les véhicules où personne ne peut dormir avec ce niveau d’excitation qui monte depuis de nombreux jours... « Allez refait voir les photos » « Attends mais y’a de la Volvo 1800 ? » « Et la deuche pourquoi elle est penchée comme ça ? »...
Quelques heures plus tard, nous voici arrivés dans le village où les 2 dépanneuses et les remorques dans tous les sens ne sont pas discrets du tout. Et nous ne le sommes pas plus avec 9 gugusses qui discutent forts et rigolent comme des ados...
Allez, assez bavardé, on va voir le fameux hangar... Ah oui quand même.... On n’en mène pas large et même mon pote Romu se demande comment couper suffisamment bas tout ce qui a poussé pour que la DS passe au-dessus... C’est que c’est super bas une DS affalée au sol comme un cachalot !!! Mais ce n’est pas grave, Romu va chercher tout son matos et reviens vers l’entrée. Entrée où effectivement, il y a bien un fossé de creusé pour ne pas sortir les autos. Mais le vieux avait très bien fait les choses : Il avait emporté toute la terre qu’il avait retiré ce qui fait que tu ne pouvais remplir qu’en retirant de la terre ailleurs ! Oui mais y’avait pas d’ailleurs : À l’intérieur y’avait des bagnoles et du bordel de partout et devant y’avait un break DS garé en marche avant...
Et là sur le côté sous les buissons on peut pas creuser ? Pas con tiens... Ah non, y’a une épave de Traction large d’environ 1939 avec ses jantes pilotes rouge qui joue à cache-cache... Trouvée ! Les sourires se figent un peu et l’excitation retombe doucement... Un peu comme si tu te prenais d’un coup un poids sur les épaules... Et le coup de grâce arrive avec Thierry, le carrossier de la bande, qui explique que si on doit tirer le break pour le sortir, il est tellement mûr qu’il va casser en deux et que l’on va se retrouver avec l’arrière posé dans la rue (et là t’en fais quoi de ce morceau qui peut plus bouger vu qu’il manque les roues avant) et l’avant qui bloque toujours l’entrée en étant posé sur le plancher et donc totalement immobile... Surtout que tu peux même pas le pousser de force vers le fond, vu que tu viens de découvrir l'épave de 11 large contre son nez... Et bim un poids en plus sur les épaules...
Bon, c’est certain que si l’on était monté le samedi matin, on aurait pu se dire qu’on mettait un bon coup jusqu’au soir, on dormait vite fait dans le coin et on terminait le dimanche puis on rentrait à la maison sous les applaudissements de nos épouses (non je déconne)...
Donc, nous v’la avec plein de bagnoles qui nous regardent l’air tristes car on a le sentiment qu’elles viennent de comprendre qu’elles vont encore rester là quelque temps vu que l’arrivée de ces gugusses ne sonnait pas encore l’heure d’une restauration tant attendue... Et c’est vrai qu’elles avaient l’air tristes toutes pleine de poussière, parfois de rouille et surtout ayant subies les outrages de personnes qui avaient quand même repéré une entrée et étaient venues piller des pièces... On se pose quelques minutes et la décision est prise : on va récupérer tout ce qui pourra passer par l’entrée. On était tellement blasés et déçus que l’on ne s’est même pas posé la question de prendre les outils et de démonter des accessoires encore en place (quand je repense aux feux arrières et aux baguettes de P1800 qui étaient en états neufs et qu'aujourd’hui un copain en recherche pour la sienne), des rétros, enjoliveurs et autres compteurs ou tableaux de bords...
Non, on étaient tellement abasourdis que l’on a juste récupéré des roues, des pneus, un ou deux blocs moteurs qui traînaient, un ou deux éléments de carrosserie démontés et la calandre de la Jaguar cachée sous un tas de revues porno des années 60/70 (je jure que c’est vrai)...
Mais alors me direz-vous, qu’est-ce qu’il reste de tout ça ?
- Des souvenirs de malade avec d’autres passionnés dont certains étaient déjà des amis proches et d’autres qui le sont devenus.
- Des sourires de fou (de ceux que si tu n'as pas les oreilles pour arrêter la bouche tu as la tète coupée en deux) même en rentrant car on avait quand même vu un truc incroyable.
- Le souvenir de mon Romu (que la Vie nous a arraché bien trop tôt) avec sa tronçonneuse et sa débroussailleuse et qui était tout déçu de ne pas s’en servir.
- Une calandre qui a orné mon bureau jusqu’au jour où un jeune est passé et avait les yeux qui brillaient en la regardant. Du coup, il est parti avec après avoir « subi » son histoire.
- Et un sourire en repensant à cette histoire rocambolesque d’un groupe de pieds nickelés.
Ah oui, j’oubliais : les dépanneuses asiatiques ne sont pas toujours si solides car celle de Thierry a terminé le voyage de retour... sur l’autre dépanneuse ! Heureusement que son pote avait chargé sa Mercedes sur la sienne : elle avait un attelage et a pu rapporter la remorque plateau qui était attelée au camion en panne... Finalement c’était pas si idiot de l’avoir prise...
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Racontez vos anecdotes au Commandant Chatel par mail (thibautchatel@icloud.com), il se chargera de les publier. N’oubliez pas que pour « Souvenirs d’Autos » nous cherchons de l’anecdote, de l’humain, de l’humour, de l’émotion. On oublie un peu l’arbre à came et le Weber double-corps…
Et si possible, joignez à votre histoire des photos…. On adore ça chez POA !
Merci.
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