Par Teddy Arzuffi*. Il est 5 heures du matin à l’aéroport de Varsovie. En train d’attendre l’ouverture de l’embarquement pour mon retour à Paris, je me trouve par hasard face à un stand publicitaire où trône fièrement une BMW Série 4 430 i. Des hommes et femmes de tout âge la regardent avec un oeil plus ou moins admiratif. À partir de ce moment là, ça commence à cogiter dans mon esprit...
Tout d’abord, force est de constater qu’elle en impose. Large, solidement posée sur ses grandes roues, dotée d’une double sortie d’échappement, vous avez le sentiment d’avoir face à vous une voiture sportive qui vous en donne pour votre argent.
Cette impression de puissance athlétique est bien évidemment voulue car BMW a toujours eu la réputation d’un motoriste redoutable. L’autre image qui colle à la carrosserie des BMW et qui fait l’objet d’un véritable leitmotiv pour la marque est sans hésitation le plaisir de conduire. D’ailleurs, son slogan, conçu pour inscrire dans l’esprit du public l’image de la marque, est « ultimate driving machine » à savoir « l’ultime machine à conduire ».
De plus, à analyser ses dernières nouveautés, BMW, bien qu’impliqué dans la course à l’innovation (il n’y a qu’à voir le contenu technologique des dernières séries 7 et 5), semble tout de même être attaché à faire encore des bagnoles « traditionnelles ». Face à la numérisation de l’automobile, où la part de software prend une place de plus en plus importante, BMW semble donc vouloir préserver un contact physique avec l’automobile « classique » pour respecter son passé et ne pas avoir à se mettre à dos sa base d'aficionados.
Néanmoins, plus je regarde cette Série 4 et plus je vois en elle un subtil restylage de l’ancienne Série 3 coupé. Une fois de plus, la fameuse tradition du design BMW... Ou plus généralement du design allemand. A savoir la volonté de changer dans la continuité l’esthétique d’un modèle existant de façon à ne jamais le démoder trop brutalement lors de son renouvellement. Ce choix, que l’on peut nommer de stratégie du « mille-feuille », par amélioration successive « couche par couche », est une stratégie intelligente qui a porté ses fruits.
Mais depuis quelques temps, d’autres constructeurs orientent leur stratégie stylistique dans une même logique qu’outre-Rhin : Ford, Renault, Opel, Hyundai, Kia... la liste est longue et non exhaustive. Tous ces constructeurs se sont lancés depuis quelques années dans une refonte de leur image à travers la recherche et la mise en oeuvre d’une identité stylistique forte, reconnaissable au premier coup d’oeil.
Seulement, l’avenir risque d’être moins enthousiasmant et moins étonnant. Chez Renault, pour ne citer que ce constructeur, le directeur du design, Laurens van den Acker, affirme en effet sa volonté de créer un style qui survit aux différentes générations, considérant que ce qui a été fait auparavant, à savoir de révolutionner le style des modèles à chaque génération, n’a pas été une stratégie gagnante. De plus, à regarder la dernière génération de Fiesta chez Ford ou les récentes Astra et Insigna Grand Sport d’Opel, il est possible de comprendre que cette stratégie n’est pas uniquement adoptée que chez Renault.
Et c’est alors que se pose une question : la stratégie stylistique des constructeurs allemands a t-elle encore un avenir ? Emprisonnés dans cette logique et dans le respect de leur passé, les constructeurs automobiles ne s’autocensurent-ils pas ?
En effet, le design d’une voiture n’est pas qu’une succession de plis de carrosserie, il est certes porteur d’un héritage mais il doit également véhiculer des valeurs et donc délivrer un message. À vouloir conserver les mêmes bases stylistiques nées à la fin du XX° siècle et en ce début de siècle, n’y aurait-il pas une certaine incohérence entre ce que les automobiles du futur afficheront comme valeurs et leur réalité technique et technologique qui se voudra plus vertueuse et plus socialement acceptable ?
De par l’utilisation annoncée de la technologie de conduite autonome, nos voitures risquent de ne plus pouvoir donc reprendre les codes du design actuel. Par exemple, à quoi bon continuer à réaliser des véhicules avec des ceintures de caisse hautes, qui limitent le champ de vision, quand le conducteur, s’il en a l’envie, n’aura plus qu’à regarder le paysage ? Des nouveautés comme la nouvelle Ampera-e d’Opel ou encore le concept ID de Volkswagen vont dans ce sens et dans cette logique de retour à la visibilité et à la lumière dans nos véhicules. Ou encore, pourquoi continuer à installer deux sièges à l’avant séparés d’une console centrale quand les boites de vitesses pourront être réduites à simple bouton (ce que Citroën commence déjà à faire avec son C4 Cactus) ?
Ces deux véhicules de constructeurs allemands renouent avec de grandes surfaces vitrées.
Cette mutation de l’industrie automobile est corrélée aux évolutions de notre société. Nombreux scientifiques s’accordent d’ailleurs pour affirmer que le mode de vie des sociétés industrialisées n’est pas un modèle durable pour l’avenir de la planète. En conséquence, de nouvelles solutions de mobilité se mettent en oeuvre et s’annoncent : développement des plateformes de covoiturage, autopartage, nouveaux mode de transports en commun et chasse aux automobiles dans les grandes métropoles.
Les investissements, les choix technologiques et stylistiques qui se décident actuellement sont donc d’une importance probablement encore plus capitale quant à la pérennité à moyen et long terme d’un constructeur automobile.
Loin dans ces pensées, un message audio m’interrompt. Il est 6 heures, l’embarquement va commencer. Je n’aurais pas vu l’heure d’attente passer.
*Fidèle petit observateur, Teddy est un jeune maître d'école dans le primaire. Passionné par la stratégie des marques automobile, il collabore régulièrement avec POA.
L’avis des Petits Observateurs
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