Souvenirs d'Autos • Fiat

Souvenirs d’Autos (204) : Rencontre sur le toit du monde.

Une rubrique pilotée par le Commandant Chatel. Si vous aimez POA, vous connaissez forcément Wladimir qui était venu un mercredi présenter sa chère Panda (et surtout en parler si bien). /2018/06/fiat-panda.html Le voici de retour avec une belle histoire, en partie rêvé et des sublimes photos. Je connaissais Wladimir le philosophe passionné d’architecture, voici le poète !  Et nous, chez POA, les philosophes, les rêveurs, les poètes, on les aime.



 

À l'occasion d'un voyage dans le nord de l'Italie, me voilà sur le célèbre toit historique de l'usine Fiat, le Lingotto à Turin, temple de l'industrie automobile italienne (construit par l'architecte Giacome Matte Trucco) dont l'activité commença au début des années 1920. Le bâtiment existe toujours, il a été partiellement réaménagé mais ne produit plus de voitures. Je suis saisi par l'absence totale de visiteurs et le calme apparent des lieux.

 



 

Je ferme les yeux et j'entends les millions de voitures, fraîchement assemblées aux étages inférieurs par les milliers d'ouvriers italiens originaires de toutes les provinces du pays. À chaque étape de leur fabrication, elles s'élèvent d'un niveau et finissent sur le toit par un parcours sur les courbes inclinées et sensuelles de cette piste d'essai mythique. Chaque voiture a ainsi la chance de rouler dans le ciel avant de redescendre vers le sol par l'une des deux rampes hélicoïdales en béton brut.

 



 

Le vacarme de l'usine sous mes pieds traverse tout le XXème siècle pour arriver jusqu'à nous. Fiat Mirafiori, 500, 124, 126, jusqu'à la Lancia Delta, les modèles s'y succèdent, innovent, réussissent à séduire un très grand nombre, ils font la fierté de ceux qui les conçoivent et qui les fabriquent. À certaines heures de la journée l'odeur de peinture en provenance de l'atelier carrosserie se répand dans tout le quartier au gré du vent. Les ingénieurs en blouse blanche s'affairent pour terminer les derniers réglages avant le départ de leurs créations vers les quatre coins du monde.

 



 

J'ouvre les yeux, silence de cathédrale, le lieu est désert, la ligne des Alpes se dresse à l'horizon, ma femme est au loin, je tiens mon fils par la main, je lui raconte que la voiture de son arrière grand-père, une Fiat 508 Ballila a sans doute fait ses premiers tours de roues sur ce toit avant d'embarquer pour la France. Un sentiment étrange m'envahit à ce moment précis, je revois mon grand-père tirant sur son cigare dans son costume trois pièces, mon père à ses côtés, et moi qui suis là, debout, entre ciel et terre accompagné de mon fils. Nous sommes tous présents, réunis sur ce toit, nos routes se croisent de façon inattendue sur ce circuit, comme si nous nous rencontrions enfin, mais sans l'avoir planifié, après que le temps, les distances et les épreuves nous aient séparés. Apaisé, je souris, qu'on le veuille ou non, la transmission se poursuit.

La belle sphère érigée par Renzo Piano il y a une vingtaine d'années (une extraordinaire salle de réunion réservée à la direction de Fiat) trône en hauteur, elle rappelle le globe terrestre sur lequel l'Empire Fiat a longtemps régné, des Etats-Unis jusqu'en ex-URSS, Empire italien aujourd'hui confronté à la germanisation du monde automobile. J'admire la réalisation de ce grand architecte du pays, c'est à lui que l'on confie les missions impossibles lorsqu'il s'agit de toucher au sacré, la famille Agnelli (propriétaire de Fiat) ne s'y est pas trompé, l'esprit du fondateur Giovanni est bien là. C'est la rencontre entre l'histoire d'une grande famille, d'un pays, de l'automobile et de l'architecture.

Accolée à la sphère transparente, une piste pour hélicoptère nous invite à encore plus d'élévation. Le bleu infini du ciel se confond avec le bleu déposé par Piano sur ce toit. Je lève la tête, ébloui par le soleil, je m'envole, je suis sur le toit du monde.



 

J'ai grandi dans des voitures françaises (que j'ai beaucoup aimées par ailleurs), mon père achetait français car comme beaucoup, il a subi une forme de propagande à l'encontre des voitures italiennes qui méritaient à peine que l'on pose le regard sur elles tant leur réputation était mauvaise (piètre qualité, rouille, peu chères donc peu dignes d'intérêt). Mais pour sa dernière voiture, il m'a accordé sa confiance et sur mes conseils nous voilà partis pour l'achat d'une Panda 2. En route, il me confie avec émotion :

- Finalement la première voiture dans laquelle j'ai roulé à ma naissance était la Fiat 508 Ballila de ton grand-père, réquisitionnée et volée par les allemands pendant la guerre, et ma dernière voiture sera une Fiat.

Tu vois Papa, la voiture italienne, on l'a retrouvée, on s'est retrouvés.

Cette rubrique est aussi la vôtre !

Racontez vos anecdotes au Commandant Chatel par mail (thibautchatel@icloud.com), il se chargera de les publier. N’oubliez pas que pour « Souvenirs d’Autos » nous cherchons de l’anecdote, de l’humain, de l’humour, de l’émotion.  On oublie un peu l’arbre à came et le Weber double-corps…  Et si possible, joignez à votre histoire des photos….  On adore ça chez POA ! Merci.

 

 

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Vendredi 30 novembre 2018

L’avis des Petits Observateurs

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