La DS aura toujours 20 ans

Par Patrice Vergès. L’année 2015 fête le soixantième anniversaire de la naissance de la Citroën DS. Au fil du temps, la DS s’est transformée de voiture révolutionnaire en légende roulante. On n’en raconte plus l’histoire mais une sorte de roman qui s’éloigne de la réalité. Nous n’allons pas raconter sa véritable vie désenjolivée mais, au contraire, saluer la DS comme elle le mérite.





En fait, la rencontre avec un passionné de Citroën DS, m’a permis de rouler de nouveau dans cette voiture, ce qui ne m’était pas arrivé, je l’avoue, depuis plus de 20 ans. La dernière fois étant une DS de 1960 appartenant à Citroën. Certes, la DS essayée ne datait pas de 1955 mais de 1967 était bien améliorée par rapport à la première mouture. On pourrait presque parler de nouvelle voiture vu que le train roulant avait été revu tout comme le freinage et le moteur dont la puissance s’était accrue de 25 % en passant au modèle 21.



Un pas en avant

Cette DS 21 était dans un état mécanique assez exceptionnel. Son propriétaire voulant certainement me montrer ce qu’elle avait dans les tripes, lors de l’essai, a mené bon train comme on disait avant. J’ai été vraiment bluffé par ses qualités dynamiques. Autant au niveau tenue de route, que freinage, que confort de suspension et même accélérations et vitesse. Une DS 21 peut s’immiscer en toute sécurité dans la circulation du 3e millénaire.

On ne peut pas en dire autant de toutes les anciennes âgées de 50 ans.

Sa modernité fait mieux ressortir le fabuleux pas en avant que fut la DS en son temps. D’autant que parallèlement à cet essai, j’ai pu rouler en Traction 15-Six ; une voiture fascinante à de nombreux égards. Mais quand on pense que les deux modèles étaient au catalogue du constructeur en 1955, on mesure mieux le bond technologique entre elles. Il est vrai que l’une avait 15 ans de retard et l’autre 15 ans d’avance. En essayant ces deux véhicules de conserve, on comprend que beaucoup d’acheteurs de Traction aient été épouvantés lorsqu’ils ont vu la DS et surtout lorsqu’ils ont tenté de l’essayer. A condition qu’il ait passé le cap de son esthétique  qui dérouta pas mal de monde fin 1955.



Réapprendre à conduire

Pas question de démarrer une DS et partir avec comme sur une voiture ordinaire. Elle exigeait une longue adaptation ou plutôt « une nouvelle alchimie de conduite» comme l’écrivait le philosophe Roland Barthes fasciné par ce modèle. Après essais, déroutés par la direction assistée sans consistante, son pédalier peu orthodoxe dont la pédale de frein était remplacé par un bouton, par sa commande de boîte en ligne, par son embrayage on-off, de nombreux acheteurs potentiels humiliés, jetèrent l’éponge en quittant la concession la tête basse pour aller chez Peugeot se rassurer avec une 403 qu’ils savaient conduire.

Plus tard, ils se tournèrent vers l’ID19 où ils retrouvèrent avec jubilation le volant en béton et la vraie pédale de frein dure comme du bois de la Traction. Il fallait beaucoup de courage et d’abnégation à un vendeur de la marque pour faire essayer à une DS à un conducteur qui n’avait jamais conduit une voiture aussi déroutante. Combien ont tapé leur tête dans le pare-brise au premier freinage ? Trop, c’était trop.



Les débuts de la DS ont été durs, très durs. Outre le fait qu’elle n’était pas au point, elle troublait trop son conducteur qui ne devenait efficient qu’après avoir parcouru des milliers de kilomètres derrière son curieux volant monobranche. Aujourd’hui, il serait impossible pour un constructeur de dévoiler un véhicule aussi novateur au plan technique que dérangeant au niveau de la conduite que provocant au degré esthétique. L’échec de la C6 qu’on peut légitiment présenter comme la descendante de la DS, le prouve. Citroën se borne à faire revivre son nom sous forme de marque avec des modèles il est vrai, bien emballés mais guère novateurs en matière technologique. La DS du 3e millénaire n’existera que dans nos rêves et nos illusions. Aujourd’hui, Citroën préfère avoir raison avec tout le monde que tort tout seul !