Citroën est-il prêt pour l’essentiel automobile ?

Citroën planche discrètement sur la réinvention de l’automobile en imaginant une nouvelle gamme qui se concentre sur « l’essentiel ». Explication. par Renaud Roubaudi

Mettre fin au dictat du toujours plus qui sévit depuis des décennies et a conduit l’automobile dans l’impasse. Voilà le point de départ de la réflexion de Citroën qui travaille sur un projet confidentiel dont le nom de code est « Essentiel ». Le concept tient en quelques mots : se concentrer sur l’essentiel pour créer une gamme inédite à la fois accessible et écologique. À la différence de la stratégie « low cost » qui se focalise sur l’aspect économique et pratique, le projet « Essentiel » se veut plus ambitieux en terme d’émotion, par son design, de valorisation, par son contenu, et de vertu, en minimisant l’impact de son cycle de vie, de sa production à son recyclage. 

Initié en 2007 avec le concept car C-Cactus, la démarche sur « Essentiel » a bouleversé les croyances chez Citroën en posant cette question digne du bac de philo : qu'est-ce que l’essentiel en automobile ? Un débat de fond qui a opposé conservateurs et modernistes. Jusqu’où faut-il aller dans la simplicité ? Quels équipements conserver ou supprimer ? Quelle puissance et quelle énergie proposer ? Quels matériaux utilisés ? Comment fabriquer différemment ? Des centaines de questions dont chaque réponse influence le processus de production et donc les coûts. 

Aujourd’hui, grâce à certaines fuites complaisantes, on sait que la première voiture essentielle ne devrait pas posséder de tableau de bord. La majorité des commandes seraient regroupées au volant et certaines fonctions de confort (GPS, radio, téléphone…) seraient assurées par un smart phone directement connecté à la voiture. Sa vitesse serait limitée à 150 km/h ce qui permet de proposer des petits moteurs économiques et légers, donc peu polluant avec des émissions à moins de 90g/km de CO2. Un bi-cylindre à essence pourrait faire son apparition et une motorisation électrique est également à l’étude. Certaines pièces de carrosserie devraient être non peintes, plusieurs éléments seraient très facilement interchangeables et cette voiture light utiliserait 30 % de pièces en moins qu’un modèle de taille comparable, pour réduire son poids global (l’ennemi de la consommation) et son temps d’assemblage. En revanche, l’utilisation massive de matériaux « totalement verts » prévue initialement, comme le bambou, a dû être abandonnée. Leurs coûts sont encore trop élevés...

Cette petite berline compacte à 5 portes, environ 4,20 m de long, serait proposé aux alentours de 12 000 €/15 000 €, le prix que déclare pouvoir investir l’Européen moyen dans une voiture. Enfin, son design devrait être révolutionnairement séduisant, à l’image des derniers concepts de la marque, notamment la Revolte saluée comme le brillant « revival » de la 2CV. 

De l’aveu même de Vincent Besson, directeur stratégique du plan produit chez PSA, la voiture est prête et la direction est sereine sur ses partis pris. Véritable objet de modernité, selon Vincent Besson, « Essentiel » est à même d’accompagner la mutation qui ébranle la société, mais dont personne n’est capable de cerner précisément l’impact sur notre consommation quotidienne à dix ou vingt ans. D’où la question qui taraude désormais les têtes pensantes. 




Quand faut-il lancer la voiture ? 2012 ? 2013 ? 2014 ? Toujours selon Vincent Besson, il s’agit d’une rupture si forte, que la fenêtre de tir est capitale. En clair, entre déclaration d’attention et réalité commerciale, Citroën craint que le grand public ne soit pas prêt à sauter le pas d’une offre minimaliste, aussi juste et séduisante soit-elle. Proposer la voiture trop tôt peut dérouter un conducteur pétri d’habitudes, et inversement être en retard d’un métro est tout aussi préjudiciable. Cette question du timing pose une règle d’or en automobile. Bien avant d’être un outil de mobilité, une voiture doit véhiculer des valeurs en phase avec son époque. La liberté dans les années 50, la vitesse dans les années 60/70, la convivialité dans les années 80, la sécurité dans les années 90, l’environnement en 2010… et demain ?

Renaud Roubaudi - Petites Observations Automobile - avril 2010