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Je n’aime pas les Audi, suis-je normal docteur ?



Carte Blanche

à Patrice Verges


Je ne suis pas allergique au gluten, je ne suis pas bipolaire, je ne suis pas fan de Yannick Noah ni de Lou Doillon. Et je n’aime pas les Audi. Suis-je normal docteur ?




Par Patrice Vergès*

Un sondage récent apprend qu’Audi est la marque préférée des Français. Je fais donc partie d’une infime minorité à ne pas succomber à l’attrait des modèles de la firme d’Ingolstadt. Je suis donc sûr de déplaire à 99 % des personnes lisant ce billet. Certes, je suis sensible à la ligne, la finition et la technologie des Audi, surtout celles des modèles hauts de gamme, mais il y a quelque chose qui ne passe pas au plan intellectuel si l’on peut parler ainsi. Pour moi les Audi ne sont pas véritablement des Audi et cela me trouble. 

Une Skoda bien emballée.

À la réflexion, une Audi A1ou A3 ou bien A4, c’est une Skoda, une Seat ou une VW en mieux emballée. Ça m’interpelle quand on veut me faire croire que l’A3 par exemple est issue de la R18 TDI qui a gagné Le Mans ou proche de la technologie d’une A8. Quand on achète une BMW, c’est une vraie BMW avec un moteur BMW. Quand on fait l’acquisition d’une Mercedes, c’est une 100 % Mercedes avec un moteur Mercedes. Mais, quand on succombe à une Audi, sauf la A8 ou R8, c’est une WV avec 90 % de pièces communes, dont la mécanique, le train roulant et la structure.

Et de se poser la question de confiance ; à modèle égal, une Audi vaut-elle vraiment les 5 à 7000 € supplémentaires que le modèle dont elle est étroitement issue ? Une anecdote si vous le permettez. Un de mes amis, possesseur d’une Skoda Octavia RS, a changé ses disques avant usés. Il a été étonné d’apprendre que la référence était la même que celle de l’Audi TT 3,2 l. Mais ils n’étaient pas vendus au même prix comme le tarif horaire de l’après-vente. C’est connu, Audi fait payer cher le prix de rouler en Audi.

Il y a du génie dans mon Audi

En revanche, au plan du marketing, il y a du génie chez Audi en faisant croire au client qu’il achète une voiture pas comme les autres tout simplement en surfant sur l’image technologique de la firme née de la compétition. Bien sûr si vous êtes sensible à l’accueil d’un vendeur vêtu d’un Smalto dans un luxueux show-room plutôt que celui habillé par C&A de chez Seat, achetez une Audi. Si vous êtes réceptif à l’effet que cela fait d’annoncer, « Je roule en Audi » dans les dîners en ville plutôt qu’un timide « J’ai une Skoda » qui n’allumera pas le regard de la jolie blonde assise en face de vous, achetez une Audi. Si vous êtes sensible aux petites loupiotes qui s’illuminent à l’ouverture de la porte, à la moquette plus épaisse et aux plastiques au grain plus moelleux, achetez un Audi. Mais si vous intéressez seulement la technique, êtes insensible à votre image et souhaitez le meilleur rapport prix-qualité, achetez l’équivalent de la A1, A3 ou 

A4 chez Skoda ou VW et partez au bout du monde en vacances avec la différence.

Moins de passé que d’avenir

 Audi magnifie non seulement son présent, mais aussi son passé. Aux débuts des années 60, Mercedes rachète Auto-Union, presque en faillite, pour produire la DKW, un auto à moteur 2 temps de fort mauvaise réputation. En 1964, Mercedes réussit à fourguer la marque à Volkswagen avec en cadeau un moteur 4 temps que VW installa dans le modèle DKW F 102 dont il fallait absolument changer le nom. Volkswagen  avait à sa disposition 4 marques possibles du groupe Auto-Union : DKW, Wanderer, Audi et Horch. Mercedes refusa Horch jugé trop concurrentiel, Wanderer était inconsistant et DKW avait mauvaise réputation. Restait Audi, nom oublié, mais qui sonnait bien. Audi, en peu de temps, réinventa une histoire en mélangeant le passé du groupe Auto-Union avec celui d’Audi assez terne. Et voila comment on réécrit l’histoire pour aller jouer dans la cour de BMW et Mercedes.

Est-ce que cette fameuse image Audi vaut-elle 5 à 7000 € de plus ? Là est la question. Impossible de répondre péremptoirement. Trop cartésien, changerai-je d’opinion un jour ? Après tout, l’image qu’on se fait d’une personne ou d’une marque est quelque chose de virtuel qui existe ou pas dans l’œil de l’autre. Et, c’est bien connu, « Je est un autre ».


Petites Observations Automobile - mars 2013

*Patrice Vergès

Journaliste, historien de l’automobile, romancier, Patrice Vergès écrit depuis plus de 40 ans dans des revues automobiles et motocyclistes françaises et étrangères. Il a publié trois livres sur l’histoire de l’auto et a signé plusieurs romans policiers. Dans la revue Option Auto, il a longtemps signé une chronique intitulée « Il était une mauvaise foi » où il donnait sa vision très personnelle de l’automobile. En mai 2013, sous sa plume devrait sortir chez ETAI, « Michelin à la conquête de l’automobile et à la rentrée, chez « Vents salés », son cinquième roman appelé « Les disparues de la Garonne".



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Jeudi 14 mars 2013

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