Les Petites News

Voir ou conduire, il faut choisir !


Carte Blanche

à Patrice Verges*




Nos voitures modernes sont de plus en plus sûres, plus écologiques, plus économiques, plus robustes. Mais leur visibilité est de moins en moins bonne….




Avant, c’était avant comme dirait la pub. La visibilité des automobiles était un argumentaire sécuritaire. Dans les années 50, General Motors avait innové avec le pare-brise à montants inversés qui supprimaient l’angle mort. Les voitures offraient alors une excellente visibilité périphérique, mais le conducteur d’aujourd’hui aurait le sentiment d’être un poisson rouge dans un aquarium à la vue de tous. Les vastes surfaces vitrées des pare-brise permettait de voir le bout de son capot, de l’aile arrière, du cycliste qui surgissait du rond-point et de la moto située dans l’angle qui n’était pas encore mort. Lorsqu’il a dessiné la Mercedes 230 SL Pagode, son designer Paul Bracq s’est attaché à proposer des flancs offrant autant de surface vitrée que tôlée. Mais tout cela c’était avant les normes de sécurités accrues. Les étoiles Euro-Ncap ont contraint les constructeurs à proposer des voitures plus robustes en cas de chocs frontaux et latéraux. Cette sécurité est passée à travers des montants de pavillon épaissis chargés d’absorber les chocs faciaux ou tonneaux ainsi que la réduction des hauteurs de flancs car la tôle absorbe mieux les chocs que le verre. Soit.

Intimacy



Mais la mode est aussi passée par là. C’est Audi, marque prescriptrice, qui a donné le ton en relançant les flancs hauts vers le milieu des années 90, ce au détriment de la surface vitrée latérale. Ce style avait l’avantage d’accroître la robustesse de la coque, de nourrir chez ses passagers un sentiment de sécurité et de solidité accrues et surtout de mieux isoler ces derniers de la rue. La voiture devenait un cocon intime où l’on se sentait bien comme dans le ventre de sa mère. La mode des glaces surteintées dissocia encore davantage ces deux mondes qui se côtoient sans vraiment s’aimer en créant une intimité voire une connivence entre ses occupants qui rejettent l’extérieur vulgaire et plébéien. De l’intimacy comme on dit dans le français anglicisé d’aujourd’hui !  Un peu à l’image  des stars du show-biz dont les lunettes noires qui les empêchent d’être reconnues leur permettent de se faire reconnaître en faisant  savoir qu’ils sont des stars….…....


Pas voir mais ne pas être vu !



Revenons à nos voitures. Depuis un certains temps, la mode consiste à proposer un pavillon écrasé lié à des flancs rehaussés. Si cette tendance n’avait pas séduit sur la Rover P5 des années 1960 arrivée trop tôt, c’est Mercedes qui l’a relancée avec son coupé 4 places CLS il y a quelques années suivie par la Chrysler 300 C. Puis le 4X4 a imposé cette vision. D’abord avec le Nissan Juke puis le BMW X6 et surtout le Range Rover Evoque qui a encore aplati son pavillon jusqu'aux limites du ridicule. Il faut d’abord escalader avant de baisser la tête pour entrer dans l’habitacle. Mode qui a séduit la DS5 puis Mini avec la Paceman suivie de Mercedes avec sa récente CLA. Je n’évoque ( !)  pas la surface vitrée de la nouvelle Opel Cascada dont la lunette arrière se résume à une meurtrière qui transforme une banale marche arrière en expédition en terre inconnue. Les voitures actuelles, c’est ne pas voir et ne pas être vu !


Pilotage sans visibilité



S’il y a à dire au plan esthétique, il y a bien plus à dire au niveau de la sécurité et de l’accessibilité de plus en plus laborieuse. Certes, ces voitures sont bardées de radars et de caméra de recul. Mais il suffit d’observer les flancs et les boucliers martyrisés des voitures garées le long de nos trottoirs pour se rendre compte qu’ils ne servent pas à grand chose. Efficaces si on recule, mais inefficaces en cas de priorité à droite, de recul en marche arrière pour démarrer et nuls en visibilité périphérique à cause des montants latéraux devenus trop épais avec une impossibilité de discerner le gabarit de la voiture. De plus ces surfaces vitrées exigües génèrent une sensation de claustrophobie parfois oppressante à l’intérieur où l’on se sent véritablement cloitré dans une sorte de blockhaus avec le sentiment que l’ennemi est l’autre coté. Nos voitures sont devenues aveugles. Oh, pardon on ne dit plus aveugle ! Nos voitures sont en situation de malvoyance…. Mais on sait que cette mode passera car comme toutes les modes, elle se démodera tôt ou tard. En fait nos voitures ressemblent à notre société que ses dirigeants pilotent sans visibilité à long terme.

Patrice Vergès - avril 2013

Journaliste, historien de l’automobile, romancier, Patrice Vergès écrit depuis plus de 40 ans dans des revues automobiles et motocyclistes françaises et étrangères. Il a publié trois livres sur l’histoire de l’auto et a signé plusieurs romans policiers. Dans la revue Option Auto, il a longtemps signé une chronique intitulée « Il était une mauvaise foi » où il donnait sa vision très personnelle de l’automobile. En mai 2013, sous sa plume devrait sortir chez ETAI, « Michelin à la conquête de l’automobile et à la rentrée, chez « Vents salés », son cinquième roman appelé « Les disparues de la Garonne".







 Popularisé par GM, le pare-brise à montants inversés supprimait l’angle mort






Admirez la luminosité d’une Mercedes Pagode 
qui devait son nom à la forme originale de son toit améliorant l’accessibilité



La Mercedes CLA est presque une caricature de la mode actuelle. 
Qu’en restera-t-il dans quelques années quand la mode sera démodée






Petites Observations Automobile - avril 2013






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Lundi 1 avril 2013

L’avis des Petits Observateurs

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