Carte Blanche à Christophe Aubry*
qui parle en connaissance de cause des voyages de presse automobile
Tamalou, t’as l’âme où ?
« Attention, stop, signal d’alarme, fini de faire joujou, attention stop, nervous breakdown, fini de faire le fou. » En 1981, Françoise Hardy fut la première à les consacrer. Qui ça ? Les tamalous, cette nouvelle dynastie de Droopy post-choc prétrolier, ces souscripteurs de la complainte perpétuelle, des jamais-contents aigre-mou, des petits commerçants d’insatisfaction qui, toute la journée, râlent au détail mais beuglent en gros. Tamalou. T’as mal où ? Le tamalou est partout, sévit partout.
Dans notre métier, la presse automobile, le tamalou est même devenu une mascotte. Les tamalous, c’est un peu comme les cons. Chacun le sien. D’aucuns le décriront comme un octogénaire de la presse quotidienne régionale. Celui qui quémande un dossier de presse sur papier car il croyait qu’USB était une banque. Pour d’autres, c’est celui qui débarque à moitié saoul en conférence de presse, suppliant qu’on prenne sa douleur, comme Camille. Chez les journalistes automobiles, pas de présentation officielle sans com’ orchestrée : le cocktail précède la « piqûre », sinon vous êtes moins réceptifs. La piqûre, c’est quand on vous rappelle quatre fois que la dernière-née du constructeur a des « signatures lumineuses » (une guirlande avec trois diodes, en Français). Qu’elle est best in class sur tous les items, et que le benchmark est plus impactant qu’avant la crise, à iso-périmètre.
La presse automobile est un dur métier. Un peu le même que critique gastronomique, sauf qu’ici, pas de client mystère à l’horizon, mais une machine bien rodée, confortablement écrasante. Douloureux pour un esprit sensible, qui préférera s’enivrer au black mojito pour oublier. Le même en sobre, un suiveur, fera mine d’acquiescer aux invectives du leader éméché par des « ouais », « pff » et autres « mais quand essk’ils comprendront que ?... » Comme au collège. Sauf qu’à nouveau, dans l’automobile, pas de chanteuse de K-Pop peroxydée à la choré chirurgicale, mais une armée d’attachées de presse aux petits soins pour les forçats de la prose. Leur bête noire : le tamalou-chochotte : un marquis qui répond « non » au petit-déjeuner, lorsqu’on lui demande s’il a bien dormi. La clim’ était à 20,5 °C, pas à 20. Alors sa gorge toute sèche lui a fait oublier qu’il dormait dans un hôtel à 800 $ la nuit, où les lits font 2 mètres de large et les toilettes japonaises vous torchent on demand, rien qu’en appuyant sur une touche. 30 ans à globe-trotter dans la soie. Sans payer. Moins toxique, plus anecdotique : le tamalou-œdème de Quincke, susceptible après un choc allergique aux fruits de mer, ou le e-tamalou, jeune recrue des sites (automobiles) de rencontres, souvent très directes entre son lecteur et le discours du constructeur. Lui se plaint peu, mais ça viendra : à la dernière présentation, il a osé demander une voiture rouge pour les vidéos de son sujet.
La prochaine fois, pour le recadrer, on l’enverra gober une andouillette-frites au Formule 1 de Beauvais, histoire de nous laisser un peu plus profiter de ce fade consommé d’asperges aux truffes au bord de cette piscine trop froide. Non mais ! Le tamalou, c’est toujours un autre.
*Christophe Aubry est journaliste et photographe. Depuis 17 ans, ce contemplatif-compulsif chronique l’évolution automobile, sonde sa place dans la société, dissèque son discours. Ancien rédacteur en chef adjoint de l’Auto-Journal, il a dernièrement collaboré à Capital, M6 (Turbo), Question Auto, Auto Moto, Caradisiac, Marianne, Lagardère Active comme consultant éditorial et Auto Express en Grande-Bretagne.
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Petites Observations Automobile - avril 2012
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Mardi 3 avril 2012
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