Souvenirs d’Autos (431) : Bugatti Story

JUIN 1978

Le rallye Bugatti a lieu cette année-là en France et je ne sais plus pour quel anniversaire-alibi, il rassemble plus d’une centaine de voitures ! A raison de 3 occupants par bagnole, ça fait 300 personnes à loger-nourrir durant une semaine et le problème n’est pas simple à résoudre pour les organisateurs ! (dont je ne fais pas partie : nous avons déjà 3 boîtes à faire tourner avec Dominique et j’ai un peu mauvaise conscience de m’absenter 5 jours, mais ça fait du bien de prendre le large le temps d’un rallye !...)

Photo d'illustration. Courtoisie club Bugatti France

Les organisateurs qui savent depuis quelques mois que le truc ne va pas être simple à gérer, ont trouvé un accord avec le Club Méditerranée de Pompadour, non loin de Brive. Chirac, figure locale est en pleine ascension et Giscard est une sorte de voisin… Nous voilà donc partis avec Loulou et sa 37 que vous connaissez désormais, pour Pompadour, capitale du cheval non-vapeur…

Ça tombe bien , c’est pratiquement sur la N20 , 400 kilomètres au sud de la Sologne !...

Le Club Edith et René comme l’avait ironiquement surnommé Dominique Durand, pilier du Canard Enchaîné et vieux pote, se prête parfaitement à l’évènement : 350 personnes sur place ne lui font pas peur, pas plus que 108 bagnoles et le programme est simple : bagnoles durant quelques jours, fête le soir ! La plupart des participants découvrent – comme moi -cet étrange concept de village-vacances !

Chaque matin, nous prenons la route pour une boucle dans la région, « un rallye rébus-papier » et la région étant sublime et le temps superbe, tout va bien. Il y a là des bugattistes de tous horizons parfois venus d’autres continents. Ça ronronne un peu les deux premiers jours et mon attrait pour les déconneries et canulars entrevoit quelques lumineuses opportunités…

Le troisième jour, j’ai emprunté à la structure « mise en scène » des GO ( Gentils Organisateurs ) un képi et un sifflet : la suite est devinable : je me fais déposer au sommet d’une descente non loin du départ et, durant deux heures, je verbaliserai plus de 40 Bugatti : bon pour le Guiness, non sans que Jean-Michel Cérède et Madame dans leur type 30 aient été contraints à plus de 200 mètres de marche arrière, ce qui n’est pas l’exercice favori d’une Bugatti ! Lorsqu’il s’apercevra que c’est moi et pas un vrai gendarme, il aura une grimace expressive : je n’ai pas obligé un ingrat ! C’est aussi un vieux pote, il était à la soirée très privée de notre mariage en 71. Catherine Chambon qui fait équipage avec une copine évidemment femme de bugattiste s’est réveillée en retard et me ramasse à bord de sa 38 je crois. C’est sympa comme voiture balai, mais elle ne pouvait pas imaginer la suite ! Passer les vitesses sur une 38 n’est pas très simple ! ça roule les r ! et ça m’amuse ! la troisième fois, je sors le sifflet et je siffle ! ça les fait rigoler à l’avant, mais la quinzième fois , elles commencent à trouver ça moins drôle ! Et comme elle n’arrive pas à passer les vitesses sans faire grincer (alors qu’elle sait faire : elle est l’une des rares que j’ai vues conduire une 35) elle s’agace en rigolant : «  fais gaffe ! ton sifflet, où que tu le mettes, on va aller le chercher pour le jeter dans la première rivière ! »… Ce qu’elles feront ! à l’époque, je ne peux même pas les dénoncer à Toome !

Le déjeuner approche et nous voilà à   Collonges-la-Rouge, superbe, mais avec une cabine téléphonique (il y en a partout à l’époque) . Idée !! j’appelle le Club, je me fais passer pour le dircab du Préfet, je demande à parler au directeur du Club, on me la passe : la Duchesse, c’est son surnom est importante dans tous les sens du terme. Je l’informe que le Prince Khaled d’Arabie Saoudite, de passage dans la région souhaite visiter le Club en fin d’Après-Midi. Évidemment le Préfet l’accompagnera (j’avais lu dans la presse que le Club souhaitait en ouvrir un là-bas …).

- Je vais faire le nécessaire ! me dit la Duchesse…

Je raconte ça durant le déjeuner, on rigole… point. Provisoirement.

En fin d’Après-midi, nous regagnons le Club. Là, surprise : tous les GO sont à l’entrée, vêtus de blanc immaculé, les mains dans le dos, alignés !...

Le canular a un peu trop fonctionné : Gilbert Trigano le PDG , alerté à Paris par la Duchesse a sauté dans son Jet : il est attendu dans la demi-heure…   Euhhhh !.....

Évidemment, personne d’autre que le PDG ne se pointera ! La soirée sera moins folle….

Pour des raisons professionnelles, il me faut regagner le nord et préparer un RV du lundi avec la banque. On peut jouer avec beaucoup de choses, pas avec ça … Je ne pourrai donc pas assister à la remise des prix ( c’est déjà ça !) . Comment rentrer , un peu avant tout le monde ? Le stop ! je suis sur la N20 et je vais sur la N20, à côté de Salbris. Loulou me dépose vers 13 heures et me souhaite bonne chance. Mais il se passe un truc bizarre : deux ou trois voitures passent, puis, plus rien, mais rien de rien ! sur la N20 ! Personne !, nada ! que dalle ! une voiture passe à fond en m’ignorant…

Je ne comprends rien : que se passe-t-il ? Le temps, lui, passe, mais je n’ai pas l’heure (je n’ai jamais porté de montre). Et puis, soudain deux motards de la gendarmerie, vers le sud, sur la voie opposée qui me regardent avec curiosité. Je ne sais que faire. Trois minutes plus tard, ils reviennent dans l’autre sens et s’arrêtent.

- Bonjour, Gendarmerie Nationale ! (je n’ai pas dit « Ah ? ») Qu’attendez-vous ?

- Comme vous voyez, (j’avais mon sac à mes pieds) , je fais du stop pour rentrer à Salbris.

Ils s’étaient regardés, visiblement perplexes

- On n’est pas là pour doucher vos espoirs, mais aujourd’hui, ça risque d’être compliqué avant ce soir …

- Qu’est-ce qui arrive ?

- Vous n’êtes pas au courant ?

- De quoi ?

Ils s’étaient à nouveau regardés

- Vous devez être le seul humain à ne pas le savoir ! la France joue en quart de finale contre le Brésil !

Tout s’expliquait, ou presque !

- Vous avez de quoi téléphoner ?

- Euh, non ! (en 1978 on était encore loin du portable …)

- Je veux dire … vous avez de quoi payer un appel depuis un bistrot ?

Ça m’avait fait rire, mais c’était bien vu !

Et ils m’informèrent qu’à 2 km au nord il y avait une auberge ouverte et qu’en tout état de cause une patrouille en voiture passerait d’ici une heure ou deux, pour le cas où…

Je les remerciais et m’en fus donc à pied à l’auberge en question : Dominique fit donc 400km pour venir me chercher, Julie âgée de 2 ans dans son siège bébé à l’arrière de la R5..

Le tourbillon du Rallye m’avait fait oublier la Coupe du Monde alors même que je suis un des rares intellos à assumer d’apprécier le football à haut niveau.

Mais, entre le foot et les autos, surtout Bugatti, il n’y a pas Phauto !

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On oublie un peu l’arbre à came et le Weber double-corps…

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