Souvenirs d’Autos (15 bis) : La Citron de Daddy

Il n’aura cesse de répéter « Nous en 14, on ne les a pas laissés passer ! » Il était Centralien et avait passé quatre ans dans les tranchées comme artilleur à faire des calculs pour envoyer des obus au bon endroit.

Dès septembre ou octobre 1940, les automobiles particulières sont réquisitionnées par l’occupant. Tête sombre de mon grand-père qui possède une Traction Avant (Une 15 !) qu’il adore et qu’il appelle affectueusement « Ma Citron »… Bref, le jour dit, munis de ses papiers de circulation, il part comme à l’échafaud déposer sa voiture…

Quelques heures plus tard, il revient et quand ma grand-mère lui demande comment ça s’est passé, il répond un « bien » relativement évasif…

L’Occupation, je ne vous la raconte pas… vous la connaissez.

Août 1944.

La 2e DB, suivie des Américains, libère Paris et Neuilly-sur-Seine par la même occasion où vivent mes grands-parents.

Quelques jours plus tard, lors du dîner familial avec sa femme et ses deux filles (ma mère et ma tante), il prononce ces mots mystérieux :

-       Demain matin, soyez prêtes à 11h nous partons en pique nique car j’ai une surprise !

Bien sûr, il refuse d’en dire plus et va se coucher de bonne heure car il affirme qu’il a beaucoup de choses à faire et qu’il doit se lever de bonne heure.

À partir de là, on le suit « en direct ».

Charles se lève à 4h00. Se lave rapidement, s’habille et monte sur son vélo. Direction Saint-Germain-des-Prés, impasse des Deux Anges, où se trouvent son bureau et son entrepôt (il est entrepreneur et sa société s’appelle MAISON ROLLET). Là, il se glisse dans le fond et dégage des caisses, des baignoires, des tuyaux, des bâches… pour retrouver sa chère Citron. Elle a passé quatre années, cachée là, sans que personne ne le sache (ni les ouvriers, si son frère avec lequel il est associé).

Il ouvre une trappe dissimulée dans laquelle il récupère dans des chiffons huilés le carburateur, le démarreur, alternateur, et tout le bataclan… Il enfile un bleu de chauffe et remonte tranquillement sa voiture !

À 11h tapantes, il se trouve les bras croisés, fier comme Artaban, debout devant sa Traction, devant le 9 avenue Sainte Foy, à Neuilly, où ils habitaient.

Cris de joie des filles, effarement de ma grand-mère, sourire de satisfaction de mon grand-père qui prononce ces mots définitifs : « Donner ma voiture aux Boches ? J’aurais préféré crever ! »

Cette rubrique est aussi la vôtre !

Faites comme Frédéric et racontez vos anecdotes au Commandant Chatel par mail (thibautchatel@icloud.com), il se chargera de les publier. N’oubliez pas que pour « Souvenirs d’Autos » nous cherchons de l’anecdote, de l’humain, de l’humour, de l’émotion. 

On oublie un peu l’arbre à came et le Weber double-corps… Et si possible, joignez à votre histoire des photos…. On adore ça chez POA !

Merci.