Renault Kwid : une indienne bientôt dans nos villes ?

Par Teddy Arzuffi*.  Si Dacia constitue l’offre low-cost de Renault en Europe, ses modèles sont vendus sur les marchés émergents avec un losange apposé sur la calandre. Avec la Kwid de Renault, destinée dans un premier temps à l’Inde, les rôles pourraient s’inverser car les spéculations vont bon train concernant une éventuelle commercialisation en Europe. Néanmoins, son prix ne reflète pas la richesse des réflexions qu’elle apporte... Explications.



Mercredi 20 mai 2015. Séisme de forte magnitude sur la planète automobile. L’épicentre ne se situe  pas à San Andreas mais à Chennai, en Inde. Carlos Ghosn, patron de l’alliance Renault-Nissan, se charge en personne de la présentation de ce modèle inédit. Mais de quoi s’agit-il ? De la nouvelle Alpine ? Non, de la Kwid ! 4 lettres, 4 roues, le tout pour l’équivalent d’un peu plus de 4 000 euros.

 Une vraie voiture, une vraie Renault

Effectivement, avec un tel prix d’appel, la Kwid est dépouillée à l’extrême : direction assistée, airbags et autres font partie de la liste des options. D’ailleurs, mieux vaut parler d’ultra low-cost que de low-cost. Mais cela ne fait pas pour autant d’elle un produit qui ne mérite pas le titre d’automobile. Alors que les voitures low-cost sont connues pour étrenner plateformes et mécaniques déjà rentabilisées, la Kwid repose sur la toute nouvelle plateforme CMF-A de l’alliance franco-japonaise. Un gage d’innovation et de modernité. De plus, il convient de souligner que dans sa version haut de gamme, cette Kwid n’a absolument rien à envier aux véhicules « modernes » occidentaux : vitres électriques, climatisation et interface tactile Media Nav sont de la partie.



En complément, un véritable effort stylistique a été réalisé car cette Kwid s’intègre parfaitement au sein de la gamme Renault. Les équipes de Laurens van den Acker, patron du style, sont parvenues à lui greffer l’identité Renault, tout en maîtrisant les coûts.



 Une voiture uniquement réservée aux pays émergents ?

La présentation de la Kwid rappelle forcément le scénario de la Dacia Logan. A savoir un véhicule sans fioritures stylistiques ou technologiques, dédié à la nouvelle classe moyenne des pays émergents. Pourtant, à l’époque, le patron de Renault, Louis Schweitzer, décide de tenter un coup de poker en introduisant la Logan dans nos concessions. Dix ans plus tard, force est de constater que Renault tenait dans sa main des cartes exceptionnelles. En 2014, Dacia représente 30% des immatriculations du groupe au losange sur le Vieux continent. Sur les 5 premiers mois de 2015, elle se hisse à la 5ème place du marché français, loin devant des constructeurs historiques tels que Fiat, Ford, ou Opel.



Dès lors, de nombreux spécialistes se sont mis à évoquer la possible commercialisation de la Kwid en Europe sous le badge Dacia. De nombreux facteurs peuvent en effet laisser présager un véritable succès commercial.

Tout d’abord, le plébiscite grandissant pour les crossovers. Aujourd’hui, tous les constructeurs investissent pour pouvoir proposer un ou plusieurs véhicules aux allures de SUV. Même si ses protections de bas de caisse et sa garde au sol de 18 centimètres ont une véritable fonction, puisque la Kwid est destinée à être conduite dans des pays où le réseau routier est en mauvais état ou en construction, cela lui confère un look baroudeur qui correspond aux tendances du marché européen.

De plus, les faibles taux de croissance enregistrés ces dernières années impactent directement le marché des véhicules neufs pour les particuliers, notamment en France. Traditionnellement dominé par les citadines polyvalentes (Clio et 208), leur part ne cesse d’augmenter. Entre janvier et mai 2015, plus d’un véhicule sur deux vendu correspond à ce que le CCFA (Comité des Constructeurs Français d’Automobiles) nomme la catégorie des « économiques et inférieures ». Dans un tel contexte, nul doute que la possibilité de s’offrir une Kwid haut de gamme pour environ 10 000 euros risque de bouleverser sensiblement la hiérarchie de la catégorie.

Une réflexion quant à l’avenir des constructeurs généralistes

Mais pour l’instant, nous n’en sommes qu’au stade de l’hypothèse. En effet, Carlos Ghosn a affirmé qu’il « n’y aura pas de badge Dacia sur la Kwid, il n’y aura qu’un badge Renault ». Si le célèbre youtubeur Cyprien serait à l’origine de cet article, il nous assènerait de son fameux « Pourquoi ?! ». Et bien probablement pour deux raisons.

Renault n’a pas intérêt à vendre la Kwid en Europe sous le logo Dacia car elle pourrait concurrencer sa Twingo, au gabarit similaire mais au prix supérieur.



Il n’a également aucun intérêt à la vendre sous son propre blason, principalement pour une question d’image. Etant à la conquête d’une clientèle plus aisée avec l’Espace et la griffe Initiale Paris, il prendrait le risque d’éclipser ses efforts et de n’être, à terme, reconnu uniquement comme étant le spécialiste des véhicules à bas coûts.

La Kwid démontre donc parfaitement que Renault ainsi que tous les constructeurs généralistes sont amenés, à moyen terme, à repositionner leur offre. En effet, le marché semble ne plus vouloir laisser la place à ceux qui ne proposent qu’un compromis entre l’entrée de gamme et le premium.

Ayant déjà marqué les esprits avec la success-story de Dacia, Renault souhaite transformer l’essai avec la Kwid. Le français cherche à devenir un acteur majeur sur le segment de l’ultra low-cost, alors même qu’aucun de ses concurrents, Volkswagen en tête, n’est parvenu à le contrer sur le segment du low-cost. S’il peut y avoir de la déception car il n’est pas sûr de voir la Kwid un jour sur nos routes, il y a tout de même de quoi se consoler : confiance et dynamisme sont enfin de retour chez Renault.

*Teddy Arzuffi est étudiant en droit, âgé de 21 ans, petit observateur  "Golden Member" fidèle contributeur de P.O.A.