Souvenirs d’Autos* (8) : Patrick Juvet et la Mini Cooper Innocenti de Lito

Par Thibault Chatel*. Nous sommes en 1973 ou 1974. Florence, la mère de Fabrice, mon grand ami d’enfance, a découvert un jeune chanteur et est devenue sa productrice. Il s’appelle Patrick Juvet. Le succès est immédiat avec son tube « La musica ».



 

Pour l’aider à manager la carrière de son poulain, Florence a engagé un secrétaire (c’est comme ça qu’on dit à l’époque), Lito (j’ignore d’où vient ce surnom, en réalité il s’appelle Alain). C’est un grand type qui mesure 1,95 m, très sympathique, très drôle et qui a toujours une solution à tout.

Lito au fond à droite avec la moustache.au centre à gauche, Patrick Juvet

 



Lito roule dans une Mini Cooper Innocenti. J’adore cette voiture et les nombreux compteurs de son tableau de bord me fascinent.



 

Lito nous trimbale partout Fabrice et moi. Un soir, Patrick Juvet fait un gala à une centaine de kilomètres de Paris. Le hic, c’est qu’il chante sur bande-orchestre et qu’il n’y a donc pas de musiciens sur scène. Le public est donc un peu de mauvaise humeur… enfin surtout les garçons. Les filles, elles, sont en pamoison devant Patrick Juvet dans son costume en satin blanc (toute une époque).

Comme Lito sent que l’ambiance est explosive, il organise un « départ fuite » pour Patrick. Ça veut dire que pendant les rappels, il démarre la Mercedes 280 SL du chanteur et la met devant la sortie des artistes dans le sens de la marche. Le public qui tape dans ses mains en hurlant « Une autre! Une autre ! » ne sait pas que l’idole est déjà à quelques kilomètres.

D’un seul coup, on rallume la salle et le public, comprenant qu’ils ne reverront pas Patrick Juvet, se mettent à franchement râler. Fabrice et moi, nous sommes près de la console son, au fond de la salle, là où Lito nous a ordonné de ne pas bouger. On sent une certaine animosité autour de nous et nous sommes bien contents de voir débouler notre sauveur.

Lito, nous attrape et nous dit « on y va ». Il faut traverser cette salle au milieu du public de mauvaise humeur et rejoindre une petite porte sur le côté de la scène.

On y arrive sans trop de dommage, mais quand on passe la fameuse petite porte, trois ou quatre garçons furieux, nous prennent à partie, Fabrice et moi. Je ne sais pas trop pourquoi, vu que nous n’y sommes vraiment pour rien. Mais c’est comme ça. Comme ils deviennent très agressifs, Lito saisit un pied de micro et repousse nos assaillants. Il ne tape sur personne, mais il fait de grands moulinets très impressionnants. Puis, il claque la porte, la ferme à clé et nous partons en courant. On se précipite et on monte dans son Innocenti, notre « sauveuse ! » Je me sens enfin en sécurité dans cette petite auto mais pas longtemps. En effet, à cet instant, les jeunes gens de mauvaise humeur ont dû casser la porte car ils arrivent en courant, le poing levé.

Je crie « Lito ! Les voilà ! ». Lito démarre le moteur, passe la première et fait littéralement bondir la petite auto. Quel bonheur ! Une vraie bombe.

Je sens Lito très tendu et il accélère plus et plus. À l’époque, les petites villes de province ne sont pas fléchées comme maintenant. Il tourne à droite, puis à gauche. Tant et si bien que j’ai un doute. Je lui demande : « Tu connais le chemin ? » Lito me répond : « Oui, vaguement… »

Soudain, on croise une vielle dame. Elle voit cette Mini stopper devant elle, dans un bruit de crissement de pneus et en sortir un géant moustachu qui lui demande : « Pardon madame, c’est où Paris ? »

Charmante, elle nous explique le chemin. Lito se calme enfin et démarre, cette fois en douceur, nous sommes sauvés.

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*Je m’appelle Thibaut, je suis né en 1959. Il se trouve que j’ai toujours adoré les automobiles… Pourquoi ? Sans doute parce que j’aime l’idée de liberté. On monte dans sa voiture, on démarre, on s’en va ailleurs. Là où il fait beau, au bord de la mer, à la campagne… peu importe. Parfois, je repense à des histoires d’enfance, d’adolescence, de jeunesse et j’ai décidé de les livrer à P.O.A.