Souvenirs d’autos (20) : Un garagiste pour la Dauphine, oui, mais pas communiste !

Par Thibault Chatel.* Nous sommes en 1965 ou 1966. Ma chère grand-mère maternelle va comme tous les ans faire une cure thermale à Bagnoles-de-l’Orne pour soigner ses rhumatismes, avec son amie, Madame Eigner.

D’ailleurs, ce qui est cocasse c’est qu’elle l’appelle : « Madame Eigner » et que cette dernière lui donne du : « Madame Rollet ». Pourquoi ne s’appellent-elles pas par leur prénom ? Je l’ignore. Je dois ajouter que ma grand-mère est très croyante et qu’elle passe sa vie à l’église. Quand elle cherche ses clés ou un objet chez elle, elle prie Saint-Antoine et quand elle retrouve l’objet en question, elle file à Saint-Jean de Neuilly glisser une pièce dans le tronc de son saint préféré. Ce détail de sa personnalité est important pour la suite de l’histoire…



 

Bref, nous voilà partis dans la Dauphine de ma grand-mère qui conduit. Pourquoi vais-je avec elle et son amie ? je ne sais plus trop. Je crois que mes parents devaient venir me chercher à Bagnoles-de-l’Orne pour aller en Bretagne. De Paris à Bagnoles-de-l’Orne, ça fait 250 bornes par la route. Mais là où ça se corse, c’est que ma chère grand-mère a décidé qu’en ville on roulait en première et en seconde, sur route en troisième et qu’on ne passait la quatrième que sur l’autoroute ! Où a-t-elle appris ça ?  Je l’ignore. En tout cas, nous roulons en troisième, dans un bruit de tous les diables… et après une grande montée quelque part en Eure-et-Loire, je la préviens qu’une fumée noire très suspecte s’échappe du compartiment moteur, placé à l’arrière…

Panique à bord. Grande discussion entre Madame Rollet et Madame Eigner qui décident que le mieux, c’est d’aller voir un garagiste à Dreux. Sage résolution. Mais ça se complique encore quand Madame Eigner prononce ces mots : « Madame Rollet, il faudrait quand même que ce garagiste ne soit pas communiste »… Et ma grand-mère de répondre : « Vous avez tout à fait raison, madame Eigner, on va aller demander conseil au curé ».

Donc, au lieu de rallier un garage, nous cherchons l’église, où un brave abbé nous indique qu’il y a en effet plusieurs garagistes à Dreux… mais que celui qui se trouve à la sortie du bled est tenu par un bon paroissien qui vient tous les dimanche à l’office ! Parfait. Arrivé chez le garagiste catholique, je me souviens encore de sa tête quand ma grand-mère lui explique très calmement qu’elle est doublement étonnée que la voiture chauffe vu qu’elle n’a pas passé la quatrième ! Après s’être plongé dans le moteur, avoir rajouté de l’eau, de l’huile, le garagiste explique avec diplomatie à ma grand-mère qu’elle doit absolument rouler en quatrième sur la route. Une vraie révolution culturelle.

Ma grand-mère paie le garagiste, lui glisse une image pieuse de son cher Saint-Antoine (elle en a toujours d’avance) et la Dauphine s’élance de nouveau… et cette fois en quatrième !

Petit Bonus : Avec du recul, je me dis que la vie de couple de mes grands-parents ne devait pas être très simple. Lui dont j’ai parlé dans l’épisode 15 (la Citron de Daddy) était un farouche défenseur de la loi de 1905 et elle, très croyante allait pour un oui pour un  non à l’église… Le bouffeur de curé et la grenouille de bénitier…

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*Je m’appelle Thibaut, je suis né en 1959. Il se trouve que j’ai toujours adoré les automobiles… Pourquoi ? Sans doute parce que j’aime l’idée de liberté. On monte dans sa voiture, on démarre, on s’en va ailleurs. Là où il fait beau, au bord de la mer, à la campagne… peu importe. Parfois, je repense à des histoires d’enfance, d’adolescence, de jeunesse et j’ai décidé de les livrer à P.O.A.