Souvenirs d’Autos (460) Un voyage en Range Rover

…Toujours à l'époque de la rue de Longchamp où notre bureau se trouvait entre l'historique concession Mercedes et l'immense vitrine de celle de Ford, mon oncle et boss d'alors qui, in fine, n'y connaissait pas grand chose aux voitures (*) avait fini par se rendre compte, un peu sous la pression de son épouse que sa petite Merco était un peu banale pour un futur grand Architecte.

Cette fois c'est dans le temple des voitures d'ambassadeurs, en allant tenter de revendre sa modeste 200 (W115), qu'il rencontra un personnage du quartier qui vendait un Range Rover préparé un an plus tôt pour faire un safari en famille du côté de Tamanrasset, son périple vécu il n'avait plus aucune raison de garder cette encombrante auto à Paris...

C'est sûr qu'à cette époque, pour les jeunes citadins que nous étions, cette caisse originale - pas encore montrée du doigt par les ayatollah anti-plaisir qui sont légion aujourd'hui - avait déjà de la gueule en se démarquant par son côté “ Faites place, moi je vais où je veux, quand je veux” et pour l'espace intérieur, on ne faisait pas mieux, quand à la frime dans les rues Parisiennes, no comment!

Arriva l'été et une fois de plus je fus chargé de convoyer l'auto dans le sud, j'étais aux anges, moi au moins j'aimais conduire. Vivre de nouvelles expériences, et traverser la France avec ce Range était la promesse d’atteindre le graal du voyageur automobile!

Pour partager ce moment, j'embarquais un copain que je devais déposer (le bon prétexte) du côté de Clermont-Ferrand où nous irions tester ses capacités hors-piste dans des chemins vachers de sa connaissance.

Tels Jeremy Clarkson et James May avant l'heure, nous voilà vite à travers pâturages et fossés pour d'improbables et vertigineux raccourcis Auvergnats faits d'ornières profondes, de rus caillouteux et de fous rires d’ados attardés trop gâtés.

Le surlendemain, l'exaltation du hors-piste retombée, le Range nettoyé, j'étais de retour sur l'A7 entre Valence et Montélimar. En ces temps de migration estivale, la circulation était dense jusqu'au fatidique arrêt complet du côté de Mornas, toutes files immobilisées. Ma position en hauteur me permettait de voir au-dessus des autres, et visiblement il semblait se passer quelque chose plus loin à la hauteur de la forteresse qui fait corps avec le fameux rocher.

J'étais jeune, j'avais le temps, du cash dans une enveloppe pour payer les frais - surtout l'essence que cette bagnole consommait de façon irrationnelle - je partais en vacances sur la côte, des Ray-Ban sur le nez, le soleil provençal entrait à flots par les immenses vitres baissées, le coude - et la moitié du corps - à la portière, j'avais de la bonne musique - Donna Summer promettait de m’aimer encore plus fort - un paquet de Winston à peine entamé, des Figolu et une bouteille d'eau, "what else"!

Le monde s'offrait à moi, et je n'étais pas peu fier au volant de cette star de l'aventure, dominant le flot des congés payés, valises sur le toit de leurs petites Renault, Citroën Ami 8 aux remorques surchargées et autres GS et 304 pleines de familles suffocant sous le cagna qui semblaient si fragiles en dessous de mon capot.

Jusqu'à ce qu'un policier à pied se dirige vers moi entre les véhicules, l'air renfrogné et décidé.

Instantanément je me demandais quelle connerie j'avais dû faire. Certes avant l'embouteillage je roulais à fond dès que je le pouvais, l'appel de phare agressif - mais joyeux - sur la file de gauche, cette auto était formidable pour ça, elle avait des reprises fabuleuses et une vitesse incroyable. Dans la foulée, l'angoisse montant, j'éteignis la radio et inquiet, écrasait ma clope à peine allumée dans le gros cendrier encastré dans l'énorme espace entre les deux sièges.

La peur du Gendarme c'est un truc qui vous tient depuis l'enfance, traumatisé par des parents peu avisés qui menaçaient de nous emmener à la gendarmerie si on n'était pas sage, alors à 25 ans on tremble encore...

Mais l'homme arrive à ma portière avec un sourire rassurant et me demande si je ne veux pas leur donner un coup de main pour dégager une voiture en panne qui est la responsable de ce monstrueux blocage.

J'acquiesce timidement en précisant que je ne suis pas le propriétaire de l'auto et que je doute de mes capacités...

La police de l'autoroute est formidable dans ces moments-là, en moins de rien, avec ses collègues il fait dégager mes voisins et je me retrouve convié sur la bande d'arrêt d'urgence, doublant tout le monde en toute légalité. Ma mission fut toute simple, grâce leur efficacité et à mon attelage j'ai juste eu à tirer la pauvre accidentée sur le bas-côté.

Pendant ce temps l'équipe maintenait les autos à l'arrêt, et l'opération terminée, je fus le premier à reprendre mon chemin avec les remerciements des forces de l'ordre sur une autoroute vide tandis que derrière moi, au loin la foule attendait de s'élancer.

Quelle sensation de puissance que d'ouvrir la route, surtout au volant de cette star du jour, du coup j'ai moins fait le mariole et roulé plus calmement jusqu'à destination où j'ai gardé mes exploits pour moi en rendant le véhicule et retrouvant penaud mon statut de piéton fauché...

(*) Voir Histoire de la Ford Capri (351)

https://poa.tv/ford/2021/souvenirs-dautos-351-une-ford-capri-6-cylindres-ca-se-merite

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